Monsieur le Ministre, cher Hubert Védrine, On ne vous présente pas. Diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères, ancien conseiller diplomatique puis secrétaire général de la présidence de la République, vous êtes aujourd'hui un homme à la parole avisée et libre, et chacun ici apprécie votre analyse fine et réaliste des relations internationales.
Notre commission lance aujourd'hui une série de débats sur la défense européenne, et précisément, votre audition inaugure un cycle sur le thème de « l'Europe face au risque de chaos géopolitique : quelle architecture de sécurité ? ».
En effet les menaces s'aggravent au voisinage de l'Europe, au sud de la Méditerranée comme à l'Est. Les traités de maîtrise de la prolifération chimique et nucléaire sont fragilisés. L'Europe enfin est en crise, entre la montée des populismes et le Brexit ; le vote d'hier au Parlement britannique ouvrant la voie à une période de grande incertitude. Pensez-vous toujours comme vous nous l'aviez dit il y a un an que le Brexit ne se fera pas ?
Or, nous constatons que l'Union européenne ne se conçoit pas et n'agit pas comme la puissance politique qu'elle devrait être.
L'ébranlement de la relation transatlantique, dont nous avons une nouvelle preuve avec le retrait américain de Syrie, amène une prise de conscience que l'Europe doit se défendre elle-même et s'en donner les moyens.
Pour certains, c'est l'OTAN qui défend l'Europe ; pour d'autres, c'est un petit groupe de nations motivées, dont les Britanniques. On retrouve là l'idée d'Initiative européenne de défense, poussée par la France. Parallèlement, la France demande une révision de l'article 42 -7 du traité sur l'Union Européenne, pour accompagner la construction d'une véritable Europe de la défense -qui nous parait être un horizon encore lointain-.
La vision européenne portée à la Sorbonne par le Président de la République ou la mention d'une « armée européenne » nous paraissent assez éloignées de la réalité. Et même la relation franco-allemande, que nous allons fêter dans quelques jours avec l'anniversaire du traité de l'Élysée, ne nous semble pas toujours peser du même poids d'un côté et de l'autre du Rhin, comme on l'a vu avec la catastrophique proposition allemande d'européaniser notre siège permanent au Conseil de sécurité : l'Allemagne marque contre le camp européen ! Le Traité franco-allemand d'Aix-la-Chapelle évoquera la défense mais nous avons pu constater lors de nos échanges avec le Bundestag qu'il existe de réelles différences d'approches entre les deux pays.
Enfin, le Président de la République a quant à lui évoqué en août dernier une nouvelle architecture de sécurité, moyen de tendre la main aux Russes, via, je cite, un « dialogue rénové sur la cybersécurité, les armes chimiques, les armements classiques, les conflits territoriaux, la sécurité spatiale ou la protection des zones polaires ». Là encore, c'est ambitieux.
Bref, en un mot : comment voyez-vous la défense de l'Europe dans 10 ou 15 ans ? Est-ce que les Européens auront su y prendre leur part et si oui, comment ? Sur tous ces sujets, nous vous écouterons avec attention.