Intervention de Luca Niculescu

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 janvier 2019 à 9h00
Institutions européennes — Audition de M. Luca Niculescu ambassadeur de roumanie en france

Luca Niculescu, ambassadeur de Roumanie en France :

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je tiens à vous remercier pour cette invitation à m'exprimer devant la commission des affaires européennes. C'est un grand honneur pour moi. Tout d'abord, permettez-moi de vous adresser mes meilleurs voeux pour cette année 2019, pour vous, pour ceux qui vous sont proches, pour le Sénat, pour cette commission et pour l'Europe.

Une année qui a commencé avec la présidence roumaine du Conseil de l'Union européenne. C'est notre première présidence, douze ans après l'adhésion à l'Union européenne, et je peux vous assurer que nous en sommes très fiers.

En même temps, nous assurons cette présidence dans une période qui n'est pas simple, avec des moments forts sur l'agenda européen. Il y aura une séquence institutionnelle particulière avec les élections européennes au mois de mai. Il y a aussi un contexte politique et économique marqué par des défis, qui demandent un profond débat sur les orientations des politiques européennes et l'avenir de l'Europe. La présidence roumaine sera marquée par ces élections européennes, ce qui nous pousse à avancer ou à finaliser des dossiers plus rapidement que d'autres présidences. Il y a aussi le Brexit - et on ne peut pas dire que le vote d'avant-hier ait dissipé le brouillard Outre-Manche -, il y a les lignes du nouveau Cadre financier pluriannuel, pour ne citer que quelques-uns des dossiers les plus importants.

Dans ce contexte, la présidence roumaine se propose d'être réaliste, souhaitant finaliser le plus grand nombre de dossiers durant l'actuelle législature.

Elle se propose d'être à la fois ambitieuse compte tenu du programme législatif chargé mais aussi du nombre des réunions formelles et informelles du Conseil et de nombreux évènements qui seront organisés en Roumanie. Avec votre permission, je vais en citer quelques-uns :

Ø la très proche réunion de la COSAC, les 20-21 janvier,

Ø beaucoup de réunions de travail sur le changement climatique,

Ø le StartUp Europe summit, le 21 mars,

Ø la Conférence sur la réforme de la PAC, le 22 mars à Bucarest,

Ø la Conférence sur la jeunesse européenne, le 25 mars (un thème phare de la présidence roumaine),

Ø le Sommet de Sibiu (le 9 mai) sur l'avenir de l'Union européenne.

La voie sur laquelle nous nous engageons durant les six prochains mois est celle de la cohésion pour une Europe plus unie, plus convergente et plus solidaire. D'ailleurs, le motto de la présidence est « la Cohésion, une valeur commune européenne ». Nous pensons que c'est un moment où les divisions qui n'existaient pas il y a quelque temps risquent d'apparaitre au grand jour, on aimerait donc se concentrer sur ce qui nous rassemble et pas sur ce qui nous divise. C'est pour cela que le mot « cohésion » a toute sa place dans le projet européen de la Roumanie, d'autant plus que nous savons ce que la cohésion européenne a apporté à notre pays.

C'est une cohésion que nous comprenons dans ses trois dimensions : économique, sociale et politique.

Notre rôle lors de cette présidence sera d'être un « honest broker », comme on dit en anglais, mais je préfère l'expression française : médiateur impartial, c'est-à-dire aider à la recherche du consensus parmi les États membres.

Il y a quatre priorités autour desquelles la Roumanie va articuler sa présidence :

- la première est « l'Europe de la convergence » : convergence et cohésion par la croissance de la compétitivité et la réduction des décalages de développement ;

- la deuxième est « une Europe plus sûre » : renforcer la coopération des États membres pour mieux répondre aux défis sécuritaires. À cet égard, les efforts seront canalisés pour la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. La Roumanie soutient ainsi la consolidation de l'espace Schengen, la sécurité interne et aux frontières extérieures de l'Union européenne. Dans le même temps, nous sommes amenés à continuer le travail sur la question de la politique migratoire ;

- la troisième priorité est « l'Europe, un acteur global ». Il s'agit de consolider le rôle global de l'Europe par le renforcement du multilatéralisme et la modernisation du système commercial international, comme la réforme OMC, où la France est fer de lance. Les efforts seront canalisés pour la consolidation du Partenariat stratégique UE/OTAN et pour l'accroissement de l'efficacité de l'action extérieure. Nos priorités sont également la politique de l'élargissement en direction des Balkans occidentaux pour un contexte régional plus stable, les dix ans du Partenariat Oriental, et la confirmation de l'importance stratégique de la mer Noire pour l'Europe ;

- enfin, le quatrième axe est « l'Europe des valeurs communes » - promotion des politiques pour combattre la discrimination, la xénophobie, l'antisémitisme, les derniers chiffres sont alarmants à cet égard. Il y a aussi un sujet de forte actualité auquel on attache une grande importance : la lutte contre les fausses informations, les « infox ». Nous espérons avoir d'ici deux mois un système d'alerte rapide entre les institutions de l'Union européenne et les États membres afin de faciliter le partage des données et des analyses des campagnes de désinformation, et pour signaler les menaces de désinformation en temps réel. Nous estimons que ce système peut s'avérer utile lors de la campagne pour les élections européennes afin qu'elles soient libres, équitables et sûres.

Nous allons promouvoir également l'égalité de genre, qui est une priorité pour notre présidence. Une place importante sera accordée aux jeunes. Il s'agit d'une thématique transversale : coopération pour le développement, éducation et formation, meilleur accès au marché du travail. Nous allons stimuler les politiques qui auront des conséquences tangibles sur la vie des citoyens : c'est pourquoi nous nous sommes impliqués dans les consultations citoyennes que nous avons organisées. Selon les conclusions de ces consultations chez nous, les Roumains souhaitent que la Roumanie assume davantage son appartenance à l'Union européenne et souhaitent contribuer à la consolidation du projet européen.

Un autre repère significatif de notre présidence sera le Sommet de Sibiu le 9 mai, un sommet important pour le futur de l'Europe. On recueillera à cette occasion la réflexion des responsables européens pour l'adoption du nouvel Agenda stratégique 2019-2024 sur l'avenir de l'Union européenne.

Avant de terminer mon intervention, je souhaiterais dire encore deux choses :

Tout d'abord, faire un bref bilan de l'appartenance de mon pays a l'Union européenne. L'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne le 1er janvier 2007 a été accueillie par les Roumains avec beaucoup d'enthousiasme et beaucoup d'espoir pour l'avenir - vous vous rappelez peut-être de la ferveur avec laquelle des centaines de milliers de Roumains ont célébré l'entrée dans l'Union européenne dans les rues de Bucarest et des autres villes de Roumanie. Aujourd'hui encore, la Roumanie est un des pays les plus attachés au projet européen ; tous les sondages montrent que la confiance en l'Europe est au-dessus de la moyenne.

Par son appartenance à l'Union européenne, la Roumanie est aussi l'un des pays européens avec l'un des plus grands taux de croissance. C'est simple, entre 2007 - date de l'adhésion à l'Union européenne - et aujourd'hui, le PIB de la Roumanie a doublé. C'est également un marché très intégré, plus de 80 % du commerce s'effectue avec l'Union européenne.

Parmi les choses que l'on peut aussi mettre en évidence, c'est que la Roumanie est un pays orienté vers les nouvelles technologies : la contribution du secteur des nouvelles technologies au PIB roumain est l'une des plus importantes en Europe et certaines « boîtes » du secteur digital roumain sont parmi les meilleures en Europe.

La Roumanie a toujours été, mais je pense qu'elle l'est encore davantage après l'adhésion à l'Union européenne, un pays créatif : avec l'une des scènes culturelles et artistiques les plus vibrantes en Europe - que ce soit le cinéma, les arts visuels, la musique, le design -, et je continue ce moment de promotion en vous invitant à visiter les manifestations, les spectacles, les expositions que nous organisons cette année lors de la Saison croisée France-Roumanie.

Et puis, parce que j'ai évoqué cette Saison, je veux parler également de la place toute particulière qu'occupe la France dans le coeur des Roumains, Récemment, nous avons célébré les cent ans de la création de la Roumanie moderne, après la première guerre mondiale, une Roumanie qui n'aurait pas été telle qu'elle est si la France n'avait pas été là, notamment grâce à la mission du Général Berthelot. Depuis deux siècles, les liens avec la France sont plus qu'étroits, je dirais qu'il n'y a pas un autre pays en Europe avec lequel la Roumanie entretient de telles relations. Que ce soit au 19ème siècle ou entre les deux Guerres, où la Roumanie était le plus grand acheteur de livres français en Europe, que ce soit même pendant l'époque de la dictature communiste, où la visite du Général de Gaulle en 1968 a beaucoup contribué à la relance de la francophonie en Roumanie. D'ailleurs, ma francophonie est un héritage de cette visite. Que ce soit aujourd'hui où nous sommes liés par un partenariat stratégique et par des centaines de jumelages ou coopérations décentralisées : la Roumanie est le pays avec lequel la France a le plus grand nombre d'opérations de coopération décentralisée, après l'Allemagne, tout cela fait que notre lien est très fort.

Nous sommes francophones, francophiles, nous avons des relations économiques excellentes avec pratiquement toutes les entreprises du CAC 40 qui sont présentes en Roumanie... et même si on n'est pas tout proches géographiquement à l'échelle de l'Europe, nous avons une relation spéciale et nous comptons aussi beaucoup sur l'appui de la France pour que cette présidence soit une réussite.

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