Intervention de Luca Niculescu

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 janvier 2019 à 9h00
Institutions européennes — Audition de M. Luca Niculescu ambassadeur de roumanie en france

Luca Niculescu, ambassadeur de Roumanie en France :

Je tiens à remercier les Sénateurs pour leurs nombreuses questions, qui témoignent d'un vif intérêt, tant pour la Roumanie que pour la présidence roumaine de l'Union européenne.

Nos relations avec la France sont, vous le savez, fondées sur des liens historiques, culturels et affectifs très forts. Je crois que l'on peut véritablement parler d'une « francophonie d'amour ». À titre d'illustration, pas moins d'un quart de la population roumaine parle et comprend aujourd'hui le français. Symboliquement, la place située en face du Parlement roumain, à Bucarest, porte d'ailleurs le nom de « Place de la francophonie ».

En ce qui concerne la question du maintien du double siège du Parlement européen à Strasbourg, nous sommes fermement convaincus que l'Europe ne saurait être proche des citoyens si les institutions européennes venaient à être regroupées dans une seule ville. J'ajoute, à titre personnel, que j'ai eu l'occasion d'apprécier la ville de Strasbourg, dès 1993, lorsque la Roumanie est devenue membre du Conseil de l'Europe.

S'agissant de la Russie, l'avenir des relations avec l'Union européenne dépendra du respect du droit international : au regard de ce principe, tant l'annexion de la Crimée que les récentes actions russes en mer d'Azov ne sont pas justifiables. La préoccupation des autorités roumaines est naturellement fondée sur notre proximité géographique en mer Noire. Au demeurant, on peine à discerner, sur la question ukrainienne, des signes de désescalade de la part de Moscou. Dans ce contexte, l'idée mise en avant, par certains observateurs, d'un possible allègement des sanctions à l'encontre de la Russie ne semble guère appropriée.

D'une façon générale, la Roumanie s'est donnée pour priorité de sensibiliser l'Union européenne à l'importance de la mer Noire : les autres États membres doivent avoir conscience que cette zone géographique fait pleinement partie de l'Europe. Très récemment, les partenaires de la Roumanie ont su démontrer leur attachement à la sécurité des Pays baltes en y déployant une présence militaire. Le flanc sud-est de l'Union européenne mérite, lui aussi, une attention soutenue.

Comme je vous l'indiquais lors de mon exposé liminaire, la présidence roumaine s'attachera à la mise en oeuvre du Plan d'action élaboré en décembre par la Commission européenne et la Haute Représentante et notamment la création du système d'alerte commun avant le mois de mars pour éviter des tentatives : nous voulons éviter, par là même, que des tentatives de manipulation de l'opinion publique ne puissent fausser le déroulement des scrutins électoraux, à commencer par les élections au Parlement européen du 26 mai 2019.

La réforme de l'espace Schengen, la sécurité intérieure, ainsi que le renforcement de la politique migratoire seront d'autres priorités de la présidence roumaine. Je profite de cette rencontre pour souligner que la Roumanie joue pleinement le jeu de la solidarité avec ses partenaires. En effet, au titre du plan de relocation, la Roumanie a accueilli sur son territoire approximativement 700 personnes. Nous prendrons en charge une partie des personnes qui se trouvaient très récemment à Malte. Ces gestes politiques forts témoignent de l'engagement de la Roumanie au sein de l'Union, alors que les consultations citoyennes, organisées l'an passé, ont mis en évidence une forte sensibilité de la population roumaine face au défi migratoire.

S'agissant du Brexit, nous regrettons que le projet d'accord ait été rejeté par la Chambre des communes, le 15 janvier dernier. Nous attendons de connaître les initiatives à intervenir au cours des prochains jours afin de trouver une issue à la crise. Quoi qu'il en soit, la présidence roumaine sera attentive à la poursuite du dialogue avec la partie britannique, dans le cadre d'une approche unitaire au sein de l'Union européenne. Ce point mérite d'être mis en avant, car il n'est pas forcément facile de préserver, en toutes circonstances, la cohésion européenne à 27.

En ce qui concerne « le mécanisme de coopération et de vérification », à l'oeuvre depuis 2007, il a permis d'enregistrer d'importants progrès. Mais, douze ans plus tard, la perpétuation d'un tel dispositif transitoire, en lieu et place d'une adhésion pleine et entière, déçoit mes compatriotes et apparaît comme un symbole négatif pour l'opinion publique roumaine. La Roumanie a pourtant réalisé de réels efforts. Dans ces conditions, nous espérions, à tout le moins, une adhésion en deux temps, commençant par les frontières aériennes avant les frontières terrestres. Le maintien de la Roumanie en dehors de la zone Schengen est assurément mal vécu par les citoyens roumains.

En réponse à votre question portant sur la visite officielle du Président russe Vladimir Poutine en Serbie, je tiens à faire valoir l'utilité de donner une perspective et un calendrier aux pays des Balkans occidentaux. En effet, si on ne le fait pas, d'autres puissances ne partageant pas les mêmes valeurs que nous s'intéresseront à cette zone géographique. La Roumanie s'était vue offrir en 1999 - grâce en particulier au soutien de la France - la perspective d'une adhésion à l'Union à l'horizon 2007. Cette période de huit ans semblait alors fort longue mais demeurait en quelque sorte « à portée de vue » pour les citoyens. Elle a été utilement mise à profit pour mobiliser les énergies. Il est important de respecter le calendrier et de poursuivre l'avancement des négociations d'adhésion avec les pays candidats, sur la base des progrès réalisés par ces derniers.

Nous ne devons pas non plus oublier l'importance de la politique de voisinage de l'Union européenne : parmi les pays concernés par ce que l'on appelle le « Partenariat oriental », la République de Moldavie revêt naturellement une importance particulière pour la Roumanie. Je m'y suis moi-même rendu il y a cinq ans : l'Europe y faisait figure de référence, pour ainsi dire de « rêve », aux yeux d'un grand nombre de nos interlocuteurs. Il faut qu'il en soit toujours ainsi. Cela suppose que nous gardions ces pays voisins dans le giron européen !

Quant à la Politique agricole commune (PAC), je puis vous assurer que la Roumanie défend des positions similaires à celles de la France. Nous sommes un pays avec un secteur agricole important. Nous demeurons donc logiquement attachés à conserver une PAC forte ! Nous avons d'ailleurs déjà beaucoup bénéficié de la Politique agricole commune, ce dont témoigne la renaissance des vignobles roumains depuis les années 1990. Grâce à l'aide de viticulteurs français et italiens, nos productions ont renoué avec la qualité, qui avait fortement diminué durant les décennies de la dictature. Cette filière occupe aujourd'hui 200 000 hectares. L'essor de l'agriculture roumaine est également illustré par le développement des grandes cultures céréalières, notamment le maïs, dont la Roumanie est devenue le premier producteur mondial en 2018.

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