Je suis très honoré de me présenter devant vous.
Je mesure la responsabilité qui s'attache à la fonction de membre du Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel qui assiste le Président de la République, lui-même garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Celle-ci est au fondement de l'État de droit et protège la liberté individuelle.
Je suis aussi un peu intimidé, car j'aborde des rivages qui, sans m'être inconnus, ne sont pas de ceux que j'ai le plus explorés au cours de ma carrière, de près de quarante-cinq ans, dans le service public.
Dans mon expérience d'enseignant, de chercheur et, surtout, de diplomate, qu'est-ce qui fait de moi une personnalité qualifiée pour siéger au CSM ? Le fait que j'aie côtoyé, dans des postes très variés, des questions juridiques et d'enseignement du droit. En particulier au sein de l'agence Erasmus, dont j'ai été l'un des premiers responsables, au ministère de la recherche, où je me suis occupé de droit des organisations internationales de recherche, et au cabinet du ministre des affaires étrangères, où j'ai été chargé des questions relatives aux biens spoliés.
Au long de ma carrière, j'ai travaillé dans deux grandes directions : la coopération internationale et la gestion des administrations, notamment des ressources humaines - une gestion qui est au coeur des missions du Conseil supérieur de la magistrature.
La coopération internationale, je l'ai pratiquée en particulier au Quai d'Orsay, comme sous-directeur, directeur, puis directeur général adjoint. Je me suis occupé de filières d'enseignement du droit, de maisons du droit et de promotion du droit, notamment en Amérique latine, région dont je suis spécialiste, qui est un terrain d'application du droit romano-germanique en même temps que de concurrence avec la common law.
Je l'ai pratiquée également comme ambassadeur, en Bulgarie d'abord, puis au Brésil, où le voisinage de la Guyane française m'a conduit à travailler dans le domaine de la coopération juridique et judiciaire.
À Madrid, où je suis en poste depuis la fin 2015 et pour quelques semaines encore, j'ai animé un dialogue intense entre l'Espagne et la France sur les questions judiciaires, dans le contexte de la fin progressive du problème de l'ETA basque et des attentats du Bataclan et de l'Hyper casher. Le terrorisme, la radicalisation, la politique carcérale et les droits des victimes, mais aussi la grande criminalité et les trafics, ont été au coeur de mes responsabilités. Cette activité est de première importance, car l'entente entre nos deux pays repose pour une part sur la confiance dans leurs institutions judiciaires et la coopération entre celles-ci.
Pour l'avoir suivie comme ambassadeur et respectée comme citoyen, j'ai compris que la justice n'est pas une administration comme les autres, en raison de son indépendance, des obligations de confidentialité et des procédures applicables devant elle. Toutefois, elle s'insère dans un ensemble interministériel plus vaste, où se rejoignent la politique, la sécurité, la coopération, la communication et le rapport avec les citoyens. Cette insertion est un élément important de sa place dans la cité.
S'il est une compétence plus spécifique que je pourrais apporter au Conseil supérieur de la magistrature, c'est mon aptitude à la gestion des administrations et des ressources humaines.
En effet, comme chef de poste, président d'établissement public - j'ai dirigé le Grand Palais -, directeur d'administration centrale et, tout spécialement, directeur général de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères, j'ai acquis une expérience de la direction d'une maison, de corps, de structures ayant des codes et une histoire. Si je ne prétends pas bien connaître la magistrature, je pense pouvoir apporter à la justice ce regard extérieur, mais non pas étranger, ni même éloigné.
Dans mes fonctions de directeur général, je me suis occupé d'évaluation, de dialogue social, de discipline et de déontologie. Sans oublier le travail sur la parité, dont certes les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes au ministère des affaires étrangères et dans la magistrature. Mon souci a été de construire des carrières, de généralistes ou d'experts, et une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, d'identifier les potentiels et de mettre la formation au service de la mobilité et de la progression des carrières.
Dans des moments rendus assez difficiles par les objectifs fixés en termes d'emplois et d'efficacité, j'espère avoir fait preuve de discernement et de jugement, deux vertus essentielles pour siéger au CSM.
Si tout n'est pas transposable à d'autres corps, qui ont leur propre culture et leurs propres contraintes, je constate que les premiers chapitres du guide de déontologie du ministère des affaires étrangères, auquel j'ai grandement contribué, portent sur la dignité, l'intégrité et l'impartialité, trois vertus requises par la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, en plus de l'indépendance qui fonde la fonction judiciaire, attendues aussi des membres du CSM.
Sans préjudice des modifications constitutionnelles et législatives qui pourront intervenir, de nombreuses possibilités d'action et d'amélioration existent déjà. Je pense en particulier aux problèmes d'attractivité du parquet et des fonctions de chef de juridiction, qui se posent de façon spéciale pour les femmes. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences peut progresser encore, notamment grâce à une meilleure identification des potentiels et à meilleur profilage des fonctions.
À ces questions s'ajoutent des défis géographiques et d'autres, techniques et déontologiques, liés aux usages des technologies de l'information et de la communication. Je me suis beaucoup occupé de ces derniers enjeux dans la diplomatie, où les besoins de confidentialité sont forts et les questions techniques, très nombreuses.
Je conçois mon rôle au sein du CSM comme l'apport d'une compétence de service public, fondée sur cette double expérience en matière de coopération internationale et de gestion administrative et des ressources humaines, dans le cadre d'une collégialité qui n'est pas seulement un principe d'organisation, mais aussi une vertu.