Intervention de Natalie Fricero

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 janvier 2019 à 14h35
Audition de Mme Natalie Fricero candidate proposée par le président du sénat aux fonctions de membre du conseil supérieur de la magistrature

Natalie Fricero, candidate proposée par le Président du Sénat pour siéger au Conseil supérieur de la magistrature :

C'est un grand honneur pour moi d'être entendue par votre commission. Le Conseil supérieur de la magistrature contribue à l'État de droit et ce serait une grande responsabilité pour moi de participer à cette mission. Le dernier rapport du CSM met en évidence deux fonctions essentielles : la gestion des ressources humaines à travers les nominations et la garantie d'une éthique rigoureuse à travers la discipline et la déontologie. Ces deux aspects orienteront la présentation de mon parcours et je terminerai par ce qui me paraît caractériser mon engagement pour l'institution judiciaire.

En ce qui concerne les missions relatives à la discipline et à la déontologie, mon parcours scientifique et mes expériences professionnelles et à l'international témoignent de l'intérêt que j'ai toujours manifesté pour l'institution judiciaire et pour les enjeux démocratiques d'une réflexion sur l'éthique dans la magistrature. Universitaire, ma spécialité académique est la procédure civile, depuis ma thèse de doctorat sur la caducité en droit judiciaire privé. Dans tous les postes que j'ai occupés - à l'université Jean Moulin Lyon 3, à Corte, puis à Nice où je suis actuellement -, j'ai enseigné la procédure civile et le droit au procès équitable, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. La procédure civile est une matière très technique mais qui fait réfléchir sur toutes les valeurs attachées à l'accès au juge : l'humanité, l'équité, la proximité, etc. J'ai participé en 2003 et 2004 à une commission de réflexion sur l'éthique dans la magistrature, dite commission Cabannes. Cela m'a permis de mieux comprendre les difficultés de mise en oeuvre des exigences d'indépendance et d'impartialité. J'ai approfondi cette expérience en étant membre du Conseil national des tribunaux de commerce, de 2005 à 2015. Il s'agissait alors de faire des propositions pour harmoniser le statut des juges consulaires et celui des magistrats. L'obligation d'éviter les conflits d'intérêts, particulièrement dans les procédures collectives, est un devoir déontologique majeur. J'ai d'ailleurs participé à des sessions de formation des juges consulaires, consacrées à la responsabilité et à l'éthique des juges.

En ma qualité d'élu au conseil d'administration de l'université de Nice, j'ai présidé pendant quatre ans la section disciplinaire de l'université, qui statue sur les fraudes commises par les étudiants lors des examens, mais aussi sur les manquements aux règles de déontologie des enseignants. Les personnes qui étaient condamnées acceptaient la décision, à condition d'avoir été entendues dans le cadre d'une procédure contradictoire. J'ai appris à prendre des décisions dans des contextes difficiles, comme des décisions d'exclusion par exemple.

Dans le cadre de diverses missions d'expertise pour la délégation des droits de l'homme du Conseil de l'Europe, j'ai animé des formations sur le droit au procès équitable dans différents États d'Europe. La connaissance de systèmes judiciaires différents a enrichi ma réflexion. J'ai constaté que la mise en oeuvre des exigences du procès équitable se heurtent parfois à des obstacles de nature économique ou politique importants. J'ai participé à la rédaction d'un avis du Conseil consultatif de juges européens sur les relations entre les juges et les avocats, occasion d'acquérir un regard croisé sur la déontologie des juges et des avocats.

En ce qui concerne la mission de nomination, qui est l'autre attribution du CSM, les liens avec mon parcours sont doubles. Tout d'abord, mon expérience professionnelle universitaire m'a permis d'aborder la problématique de la gestion des ressources humaines. J'ai été durant plusieurs années membre du Conseil national des universités, organe qui procède à la qualification des maîtres de conférences, au recrutement de certains professeurs et surtout à l'avancement de tous les professeurs et maîtres de conférences. J'ai appris comment on mène un examen attentif des dossiers, comment on recherche objectivement les qualités des candidats à l'avancement à travers leur parcours. J'ai pu défendre des dossiers en mettant en avant les qualités scientifiques des candidats. Je préside, depuis deux ans, la commission nationale d'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle des avocats. Cette commission élabore les sujets des épreuves écrites et les corrigés pour l'ensemble des centres d'examens universitaires. Nous avons eu ainsi à réfléchir aux qualités attendues d'un avocat pour adapter les épreuves en fonction. Notre réflexion se poursuit d'ailleurs avec l'impact du numérique sur la profession d'avocat et je suis intervenue dans plusieurs colloques consacrés aux transformations du métier d'avocat provoquées par ce que l'on nomme la « justice prédictive » ou par les plateformes de médiation et de conciliation. J'ai aussi pu appréhender certains aspects du recrutement initial des magistrats en participant au conseil d'administration de l'École nationale de la magistrature de 2004 à 2013. Directrice d'un institut d'études judiciaires à la faculté de droit de Nice, j'ai toujours défendu la nécessité d'assurer l'égalité des chances des étudiants pour passer le concours de l'École nationale de la magistrature, quelle que soit leur université d'origine.

Enfin, pour des raisons liées à ma personnalité, je serais très heureuse de participer aux travaux du CSM. Je connais l'importance des charges inhérentes à ses missions. À cet égard, mon parcours révèle une certaine hyperactivité et des engagements toujours importants. En effet, à côté de mes engagements professionnels et de mes activités d'enseignant-chercheur, j'ai toujours exercé des activités administratives sur le plan universitaire. Afin de compléter mon approche universitaire de l'institution judiciaire par une approche concrète, plus humaine, j'ai animé de nombreuses sessions de formation continue des magistrats sur la procédure civile. Après la mise en oeuvre de la réforme de l'appel, j'ai réalisé des interventions dans les cours d'appel de Paris, Aix-en-Provence, Toulouse, Bastia, Rennes, Reims et, en décembre 2018, de Basse-Terre. J'ai ainsi pu constater les difficultés de certains ressorts territoriaux pour mettre en application certaines dispositions de procédure, particulièrement pour la mise en place d'unités de médiation ou pour intégrer la conciliation de justice dans leurs procédures, comme c'était le cas, par exemple, au tribunal d'instance d'Antibes, dans la mesure où l'on manquait de conciliateurs de justice faute d'un recrutement suffisant.

En conclusion, j'espère que mon parcours me permettra d'apporter une contribution positive au Conseil supérieur de la magistrature, si bien sûr vous entériniez ma nomination. Si tel était le cas, je peux vous assurer de ma disponibilité et de mon engagement au service du CSM et plus largement de l'institution judiciaire.

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