Environ 1,8 million de Français figurent sur le registre des Français de l'étranger, dont 1,3 million sont inscrits sur les listes électorales consulaires. Éloignés de leurs pays, ils subissent trop souvent une forme de fracture démocratique qui remet en cause leur lien avec la communauté nationale.
Le Sénat s'est toujours engagé pour favoriser l'expression démocratique des Français établis hors de France, notamment en instituant le vote par Internet pour certains scrutins et en reconnaissant dans la Constitution le rôle de leurs instances représentatives. La proposition de loi et la proposition de loi organique qui nous sont soumises s'inscrivent dans cette logique. Reprenant les dix recommandations formulées en 2015 par nos collègues Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte, elles font également écho aux travaux de l'Assemblée des Français d l'étranger.
Depuis la loi du 22 juillet 2013, les Français de l'étranger sont représentés par un échelon de proximité, les conseils consulaires, et par une instance placée au niveau national, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE).
On dénombre 160 conseils consulaires répartis à travers le monde. Chacun comprend l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire, qui préside les réunions, et des conseillers consulaires élus tous les six ans au suffrage universel direct par nos compatriotes établis hors de France.
Les conseils consulaires exercent des missions essentiellement consultatives et de représentation des Français de l'étranger auprès des ambassades et des consulats. L'Assemblée des Français de l'étranger, elle, relaie les attentes de nos compatriotes expatriés au niveau central. Elle se réunit deux fois par an à Paris. L'AFE comprend 90 membres élus au suffrage universel indirect par et parmi les conseillers consulaires.
Nos collègues Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ont tiré les premiers enseignements de cette loi de 2013, initiative de notre collègue Hélène Conway-Mouret, alors ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.
Élus pour la première fois en 2014, les conseillers consulaires sont devenus des interlocuteurs privilégiés pour les Français établis hors de France. Ils souffrent toutefois d'un déficit de notoriété auprès de nos compatriotes, notamment parce qu'ils exercent des fonctions essentiellement consultatives et non décisionnelles.
De même, certains conseillers consulaires estiment n'être pas suffisamment associés par les ambassadeurs et les consuls, ce qui complique leur enracinement dans le paysage institutionnel.
Enfin, des difficultés matérielles persistent : dans les pays les plus étendus, les conseillers consulaires n'ont pas les moyens d'exercer pleinement leurs missions et d'aller suffisamment à la rencontre de nos compatriotes. En effet, l'indemnité d'un conseiller consulaire s'élève à environ 400 euros par mois, auxquels s'ajoute, s'il est également membre de l'Assemblée des Français de l'étranger, un remboursement forfaitaire de ses frais de déplacement d'environ 195 euros par mois.
Dans ce contexte, le Gouvernement réfléchit à une réforme d'ampleur de la représentation des Français de l'étranger qui pourrait entrer en vigueur à compter des élections de 2026. À ce stade, nous disposons de peu d'informations sur les modalités et le contenu de cette réforme. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous pourrez nous rassurer car une réduction du nombre de conseillers consulaires, comme le Gouvernement semble l'envisager, isolerait un peu plus nos compatriotes expatriés par rapport à la communauté nationale et renforcerait la fracture démocratique que j'évoquais.
Les textes qui nous sont soumis ont un objectif plus immédiat : ajuster le régime de représentation des Français de l'étranger en vue des prochaines élections de 2020, sans en modifier l'équilibre. Les conditions d'exercice des mandats de conseiller consulaire et de membre de l'Assemblée des Français de l'étranger seraient confortées, sans modifier le montant de leurs indemnités. Ainsi, l'État serait autorisé à conclure un contrat d'assurance groupé pour couvrir les dommages résultant des accidents subis par les élus dans l'exercice de leurs fonctions. De même, les vice-présidents des conseils consulaires pourraient parrainer un candidat à l'élection présidentielle, une possibilité que le Sénat avait déjà envisagée en 2016.
Tirant les leçons des scrutins de 2014, la proposition de loi et la proposition de loi organique sécurisent les procédures électorales pour l'élection des conseillers consulaires et des membres de l'AFE. Elles donneraient davantage de moyens à l'administration lors de l'enregistrement des candidatures et institueraient une commission centrale de propagande pour mieux contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote.
Il s'agit aussi de sécuriser le vote par remise de plis à l'administration. Circonscrite aux élections sénatoriales des Français de l'étranger et à l'élection des membres de l'AFE, cette modalité de vote permet à l'électeur de s'exprimer depuis son pays de résidence. Concrètement, l'électeur remet son pli à son ambassadeur ou à son chef de poste consulaire et l'administration est chargée de le transférer jusqu'au bureau de vote. Cette dernière ne dispose que d'une semaine pour effectuer ce transfert par voie postale ou par valise diplomatique, ce qui n'est pas suffisant. Lors des élections sénatoriales de 2014, des plis de Sydney et de Francfort ne sont pas arrivés à temps à Paris... La proposition de loi double donc le temps laissé à l'administration pour acheminer les plis.
En Ukraine, depuis 2014, le conseil consulaire siège sans aucun membre élu faute de candidats lors des élections consulaires. Pour répondre à cette anomalie, qui perdurera au moins jusqu'aux prochaines élections de 2020, la proposition de loi obligerait l'État à organiser, dans un délai de trois ans, une élection consulaire partielle lorsqu'un siège de conseiller consulaire n'a pas été pourvu.
Enfin, les consuls honoraires de nationalité française représentant un État tiers seraient autorisés à se présenter aux élections législatives et sénatoriales.
Je vous propose d'adopter ces deux textes qui s'inscrivent dans la continuité des travaux du Sénat et qui sécurisent utilement les élections consulaires et l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Je vous présenterai plusieurs amendements techniques, notamment pour s'assurer du bon fonctionnement de la nouvelle commission centrale de propagande et du bon déroulement des élections consulaires partielles.
J'appelle votre attention sur deux amendements particulièrement importants.
Le premier concerne la présidence des conseils consulaires, actuellement exercée par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire, tandis que les conseillers consulaires, élus au suffrage universel direct, sont cantonnés aux fonctions de vice-président. Or ce vice-président ne dispose d'aucun pouvoir propre, ne participe pas à la fixation de l'ordre du jour des réunions et ne peut même pas remplacer le président en cas d'absence. Je vous propose donc de confier la présidence des conseils consulaires à un membre élu. Il s'agirait d'une véritable marque de confiance envers les conseillers consulaires qui s'investissent quotidiennement pour le rayonnement de la France et l'animation de la communauté des Français de l'étranger. L'ambassadeur ou le chef de poste consulaire continuerait de participer aux réunions avec une voix délibérative, pour faire entendre la position de l'État.
Reprenant une recommandation du rapport que j'ai rédigé avec notre collègue Yves Détraigne, le second amendement propose que le Gouvernement consulte l'AFE lorsqu'il envisage de ne pas mettre en oeuvre le vote par Internet pour les élections consulaires. Cette modalité de vote constitue en effet une garantie fondamentale pour nos compatriotes établis hors de France, dont certains habitent à plusieurs centaines de kilomètres des bureaux de vote physiques.
Enfin, je serai favorable à plusieurs amendements déposés par nos collègues représentant les Français de l'étranger, notamment pour éviter la multiplication des élections consulaires partielles et pour tirer les conséquences de la loi du 1er août 2016 rénovant les listes électorales consulaires.
Les textes que nous allons adopter sont le fruit d'un travail multipartisan qui, je l'espère, incitera le Gouvernement à les inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.