Notons d’ailleurs que les personnes qui commettent une petite infraction ne sont actuellement informées du retrait de points qu’au bout de deux mois, en raison des délais de recours et des délais techniques liés à la gestion des flux. Si nous abaissions le délai de récupération de points à trois mois, les personnes concernées se verraient informées de leur retrait d’un point et de sa récupération de manière quasiment simultanée, ce qui diminuerait assurément l’utilité de la sanction.
Enfin, il est important de rappeler que la proposition de loi ne porterait pas uniquement sur les excès de vitesse commis sur les routes limitées à 80 kilomètres par heure : seraient concernés tous les excès de vitesse inférieurs à 20 kilomètres par heure, y compris ceux qui sont commis sur les autoroutes ou en agglomération, ainsi que les infractions de franchissement de ligne que j’ai citées précédemment.
La seconde raison a trait à l’utilité de la proposition de loi. Les statistiques nous montrent que les délais actuellement prévus pour la récupération de points ne sont pas disproportionnés. En effet, une partie significative des points retirés chaque année pour de petites infractions au code de la route sont récupérés automatiquement, dans les délais prévus par la loi. Cela a été le cas, en 2017, pour les trois quarts, environ, des points retirés.
De plus, très peu de personnes perdent leur permis de conduire point par point, c’est-à-dire en ne commettant que de petites infractions : ce cas de figure n’a concerné, en 2017, que 121 invalidations de permis de conduire sur un total de 61 714. La plupart des personnes concernées perdent donc leur permis en raison d’infractions lourdes au code de la route, et non de petits excès de vitesse.
Dans ces conditions, réduire à trois mois la durée de récupération de points n’aurait que très peu d’impact sur les invalidations de permis de conduire.
Je le répète : cette proposition de loi aborde un débat essentiel, que nous nous devons de conduire, en tant que législateurs ; toutefois, au regard de l’utilité incertaine du dispositif envisagé et de l’impact négatif que celui-ci pourrait avoir en matière de sécurité routière, la commission des lois a estimé qu’elle n’apportait pas de solution viable.
La sécurité routière, nous le savons tous, est une matière complexe et ses enjeux sont trop importants pour adopter des dispositions à la légère : je rappelle que plus de 3 500 personnes perdent encore la vie chaque année sur la route.
Il paraît dès lors préférable de conditionner toute évolution législative du permis à points à la conduite d’une étude d’impact approfondie, afin de garantir l’efficacité des mesures proposées et d’éviter tout effet de bord. Je ne doute pas, d’ailleurs, que la réflexion actuellement menée par le Conseil national pour la sécurité routière contribuera utilement à ce débat. Monsieur le secrétaire d’État, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?
Il apparaît enfin d’autant plus nécessaire de surseoir à légiférer en la matière que le Président de la République a fait preuve, la semaine dernière, à l’occasion du lancement du grand débat national, d’une certaine ouverture à l’égard de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure. Il n’a pas exclu, au vu de l’incompréhension d’une grande partie de la population, de revenir sur cette mesure mise en place de manière généralisée et sans aucune concertation locale.
Plutôt que d’adopter des dispositions de compensation, restons donc fidèles à la position du Sénat et continuons à soutenir l’ouverture de concertations au niveau des départements en vue d’adapter la réduction des vitesses aux réalités de chaque territoire.
Pour l’ensemble de ces raisons et tout en reconnaissant l’intérêt du débat soulevé, je vous invite, au nom de la commission des lois, à ne pas adopter cette proposition de loi.