Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la qualité de vie des personnes âgées et l’accompagnement de la perte d’autonomie sont deux priorités que s’est fixées le Gouvernement. Comme vous tous, nous sommes convaincus que mieux prendre en charge nos aînés est un devoir de solidarité.
Plusieurs réformes sont déjà en cours pour avancer vers une société plus inclusive et protectrice pour les personnes âgées. Je pense en particulier à la transformation du système de santé autour du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques, aux nouvelles synergies entre médecine de ville, secteur médico-social et hôpital et à la suppression progressive du reste à charge pour les assurés dans les domaines de l’optique, du dentaire et de l’audiologie.
Cette dernière réforme, majeure, répondra aux attentes des personnes âgées, qui auront plus facilement accès à un ensemble de prestations de soins identifiées et nécessaires : bien voir, bien entendre et soigner son hygiène bucco-dentaire. Concrètement, depuis le 1er janvier, la base de remboursement des aides auditives est passée de 200 à 300 euros, soit 200 euros de reste à charge en moins par oreille. Dès 2020, l’absence de reste à charge sera garantie en optique et sur une partie du panier dentaire : les couronnes et les bridges.
L’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées passe aussi par une transformation en profondeur de la manière dont est reconnu et pris en charge le risque de perte d’autonomie lié au vieillissement.
Comme vous le savez, le Gouvernement a lancé en octobre dernier une vaste concertation et un débat national autour du grand âge et de la perte d’autonomie. Cette mission, conduite par Dominique Libault, formulera des propositions d’ici au mois de mars, afin de couvrir l’ensemble des aspects de la prise en charge des personnes âgées. Un projet de loi sera ensuite déposé devant le Parlement.
Sans remettre en cause ces différents travaux, qui s’inscrivent sur le temps long, la proposition de loi soumise à votre examen vise à répondre à un problème précis et concret : l’accès aux soins ophtalmologiques dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.
Comme il a été unanimement reconnu en commission, le dispositif actuel ne permet pas aux personnes âgées hébergées dans ces établissements de disposer de lunettes adaptées à leur correction. Obtenir un rendez-vous est déjà délicat pour les patients qui souhaitent faire contrôler leur vue ; cela s’avère un parcours du combattant pour les personnes âgées en établissement.
Au regard des projections démographiques de la profession d’ophtalmologue établies par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, les difficultés d’accès à une consultation ophtalmologique sont appelées à perdurer. Des mesures ont été prises pour étendre les champs de compétence des orthoptistes et des opticiens-lunetiers, mais, chacun en convient, elles n’ont pas résolu l’ensemble des problèmes.
L’article unique de la proposition de loi visait initialement à lever une restriction, afin de permettre aux personnes âgées hébergées en EHPAD de bénéficier d’un test de réfraction et d’une adaptation de leur correction sans avoir à se déplacer chez un opticien. Néanmoins, si les préoccupations sont légitimes et partagées, il est compliqué de légiférer sur ce sujet sans s’assurer au préalable que les conditions de qualité et de sécurité des soins sont réunies. Or, chez le patient âgé, les pathologies oculaires, qui peuvent se traduire par une baisse de l’acuité visuelle, sont fréquentes et nombreuses. Seul un examen ophtalmologique complet permet de les détecter, un examen que l’opticien n’est pas en mesure de faire. Pour cette raison, le Gouvernement appuie la position adoptée par l’Assemblée nationale, qui privilégie la voie de l’expérimentation.
Le texte prévoit ainsi d’autoriser les opticiens-lunetiers à réaliser directement dans les EHPAD une réfraction et à adapter, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales. Cette expérimentation n’étend donc pas les compétences des opticiens-lunetiers ; elle leur permet seulement de délocaliser l’exercice de leur activité au plus près de personnes ne pouvant se déplacer.
J’ai entendu les critiques qui se sont exprimées en commission sur le manque d’ambition de ce texte.
Cette proposition de loi a été déposée par le groupe UDI, Agir et Indépendants. Le Gouvernement y apporte un soutien que je qualifierai de pragmatique, mais il ne s’agit nullement d’éluder le sujet plus large de l’accès aux soins. Je rejoins les propos que vous avez tenus la semaine dernière en commission : nous devrons ouvrir le chantier plus large de l’organisation de la filière visuelle.
Pour répondre aux difficultés d’accès aux soins dans les territoires, il nous faut également nous appuyer davantage sur le numérique. C’est le sens de l’entrée dans le droit commun des pratiques médicales de la télémédecine en 2018. La téléconsultation est ainsi remboursée par l’assurance maladie depuis le 15 septembre dernier, à l’instar des consultations classiques.
Nous héritons d’une démographie médicale en souffrance, et les décisions louables sur le numerus clausus mettront plusieurs années à porter leurs fruits. Aussi toutes les solutions doivent-elles être explorées.
Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé se construit dans le souci de structuration des soins de proximité et de constitution d’un collectif de soins. Des ponts et des outils de coopération doivent être créés entre hôpital, ville et secteur médico-social. Nous sommes convaincus que l’exercice coordonné a vocation à se développer, et chacune de nos propositions visera à fluidifier le parcours des patients et à améliorer la qualité, la sécurité et la pertinence des soins dispensés.