Merci, monsieur le président, pour votre invitation.
Je serai rapide sur la réalité du réchauffement climatique. Les quatre dernières années ont été les plus chaudes depuis 150 ans - 2018 est à peu près au niveau de 2015. Ce n'est pas une surprise puisque la quantité de CO2 a augmenté de 40 % depuis 200 ans, modifiant la composition de l'atmosphère et accroissant de ce fait l'effet de serre. En augmentant le chauffage de 1 %, sans surprise, la température augmente dans l'atmosphère et, surtout, dans les océans, qui captent 90 % de cette chaleur supplémentaire. D'où l'élévation du niveau de la mer, due à la dilatation de l'eau et à la fonte des glaces - du Groenland et de l'Antarctique surtout, depuis une vingtaine d'années.
Ce réchauffement est sans équivoque, telle est la conclusion du cinquième rapport du GIEC. Il est pour l'essentiel lié aux activités humaines, c'est très clair. Les variations naturelles ne pourraient expliquer qu'un dixième de degré d'augmentation. Sans surprise, plus nous émettrons de gaz à effet de serre, plus le réchauffement sera important. Si rien n'était fait pour lutter contre, si le réchauffement moyen atteignait 5 degrés à la fin du siècle - un peu plus dans l'arctique, un peu moins dans les océans -, les conséquences seraient très graves.
Avec un tel réchauffement, cinquante fois plus rapide que le dernier réchauffement naturel que nous ayons connu, le climat ne serait pas stabilisé à la fin du siècle. Vous en connaissez les conséquences : acidification des océans menaçant les récifs coralliens, réfugiés climatiques, problèmes de sécurité alimentaire, de santé et d'environnement, pertes de biodiversité, modification des écosystèmes, pollution... Certains phénomènes sont irréversibles, comme l'élévation du niveau de la mer, qui pourrait atteindre un mètre d'ici la fin du siècle - 50 centimètres au moins, dans notre scénario sobre. Les étés, qui étaient en 2003 de 3 degrés plus chauds qu'au milieu du XXe siècle, seraient 6 à 8 degrés plus chauds à la fin du siècle que les étés de référence du XXe siècle.
C'est donc un monde très différent de celui d'aujourd'hui qui se profile. La sécheresse s'accroîtrait sur le pourtour méditerranéen tandis que les précipitations augmenteraient dans le nord de l'Europe, accroissant la tension sur les ressources en eau, entraînant des risques d'inondations, de feux de forêt - risque critique sur l'ouest et le centre de la France -, et de réfugiés climatiques. Un Européen sur vingt connaît aujourd'hui un événement climatique extrême ; selon le scénario émetteur, ils seront deux sur trois dans la seconde partie de ce siècle à subir de tels événements - des canicules, en particulier. Les décès annuels liés aux événements climatiques seraient multipliés par cinquante, passant de 3 000 à 150 000 - certaines années sont certes exceptionnelles, comme 2003, au cours de laquelle 75 000 personnes sont mortes...
Tous les décideurs politiques en sont convaincus : il faut suivre le scénario sobre, qui repose sur les hypothèses inscrites dans l'accord de Paris, à savoir maintenir le réchauffement climatique à long terme bien en-deçà de 2 degrés, voire de 1,5 degré. Le dernier rapport du GIEC en rappelle l'urgence, car à chaque niveau de stabilisation est associée une quantité de dioxyde de carbone pouvant encore être émise. Au rythme actuel, il faudrait quinze à vingt ans pour atteindre les 2 degrés supplémentaires, dix à quinze ans pour atteindre 1,5 degré ; nous devons donc impérativement changer de mode de développement. Pour vous donner une idée du changement de société nécessaire, il faudrait pour viser la cible d'1,5 degré laisser intactes 90 % des réserves d'énergie fossile.
Le rapport du GIEC insiste encore sur la différence de conséquences d'une hausse de 1,5 degré plutôt que de 2 degrés, les vagues de chaleur étant deux fois plus intenses que les augmentations moyennes de température. À 2 degrés, nous subirions des pluies plus intenses, une diminution plus forte de la productivité agricole et des ressources halieutiques, ce qui entraînerait des problèmes de sécurité alimentaire, les récifs coralliens disparaîtraient complètement - alors qu'on pourrait espérer en sauver un tiers à 1,5 degré - et le niveau de la mer, 10 centimètres plus haut qu'à 1,5 degré, menacerait 10 millions d'habitants supplémentaires.
D'autres chiffres encore illustrent l'urgence : nous émettons 52 milliards de tonnes de CO2 chaque année. Si rien n'était fait, nous irions vers 65 milliards de tonnes en 2030. Avec l'accord de Paris, nous allons, au mieux, si tous les pays signataires respectent leurs engagements, vers 55 milliards de tonnes, mais nous sommes probablement loin du compte. Pour avoir une chance de rester sur la trajectoire des 2 degrés, il faudrait passer à 40 milliards de tonnes en 2030 et en deçà de 30 milliards pour atteindre l'objectif d'un plafond à 1,5 degré, seuil sensé pour le climatologue. Or, actuellement, la trajectoire nous emmène au-delà de trois degrés. Ce ne sont pas seulement les générations futures qui en subiront les conséquences, mais d'abord les jeunes d'aujourd'hui ! Si nous voulons atteindre l'objectif de 1,5 degré, il faut viser la neutralité carbone en 2050 et développer les émissions négatives, c'est-à-dire les pièges à CO2 - avec tous les problèmes de compétition énergétique et alimentaire associés. La meilleure façon de procéder reste de ne pas émettre de gaz carbonique.