Il n'y a rien de punitif dans notre projet. Lors d'un débat auquel je participais récemment en Mayenne, la salle était pleine. Étaient présents la Jeune Chambre économique française (JCEA), la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea), la Confédération paysanne, des jeunes et huit « gilets jaunes », dont l'un me filmait et retransmettait les images à 140 personnes très intéressées.
La plupart des Français comprennent les problèmes liés au climat. Quand les jeunes de la Fnsea nous invitent, ils nous disent que ce débat était inimaginable il y a 15 ans, car tous les agriculteurs étaient alors plutôt climatosceptiques ; ce n'est plus le cas aujourd'hui, mais la question qui se pose désormais est celle du financement. Une installation de biogaz dans un élevage représente 500 000 euros d'investissement, alors que la plupart des agriculteurs ne touchent même pas le SMIC... Si cette facture est divisée par deux dans le cadre d'un pacte finance-climat et si l'agriculteur peut compter sur des débouchés pendant trente ans, alors il peut s'associer avec d'autres. Cela créera de l'emploi et des revenus supplémentaires.
Voilà 50 ans, lorsque Edgard Pisani a lancé son projet de modernisation de l'agriculture française, des milliers de techniciens étaient allés sur le terrain former les paysans, et le Crédit agricole finançait la moitié du matériel. Il faut réorienter notre modèle avec la même bienveillance, en aidant les agriculteurs à échanger sur les bonnes pratiques.
La situation est mûre et les personnes qui nous soutiennent sont très diverses. Nous allons rencontrer début février des centaines de maires ruraux des quatre départements de Bretagne, qui nous ont invités parce qu'ils veulent s'engager sur ce projet. Nombre de ces maires sont très remontés contre la taxe carbone, car dans leur région il n'y a ni transport en commun, ni travail à proximité, ni dispositif pour favoriser le travail à distance. Si l'on n'investit pas dans ces trois postes, on ne peut que « braquer » les Français, d'autant plus que 40 % d'entre eux n'ont aucune épargne. La fiscalité que nous proposons, en revanche, doit conduire chacun à faire un effort, à prendre moins souvent l'avion ou sa voiture. Et si l'on crée 800 000 emplois, c'est toute l'économie qui va redémarrer.
Du point de vue géopolitique, nous savons qu'avec Donald Trump et Jair Bolsonaro nous ne pourrons jamais conclure un accord international ambitieux. Soit on attend la fin du monde, soit l'Europe, première puissance économique mondiale, cesse de se flageller et montre que l'on peut consommer moins d'énergies fossiles et créer des emplois. Même si 13 ou 14 pays seulement répondent à l'appel, on peut parier sur l'effet domino. Voyez le Japon : il a été frappé par trois catastrophes climatiques - inondations, canicule, typhon - et la Banque du Japon ne sait plus quoi faire de ses liquidités. Si l'Europe lance le modèle, je parie que les Japonais suivront, que les Chinois souhaiteront passer à la vitesse supérieure et que le successeur de Trump y réfléchira aussi. Si l'Europe et l'Afrique montrent que l'on peut vivre bien et sauver le climat, il y aura un effet de d'entraînement.