Nous demandons la sanctuarisation de l'enveloppe budgétaire consacrée à la recherche et à l'innovation.
La recherche en santé se déploie depuis les ordinateurs des universités ou les paillasses des instituts de recherche comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) jusqu'aux lits des malades, dans ce qu'on appelle la recherche clinique. Actuellement, on met beaucoup en valeur le translationnel, c'est-à-dire ce dialogue fécond entre la recherche fondamentale et la recherche clinique.
Les CHU sont impliqués dans les différents types de recherche, mais surtout en matière de recherche clinique, ce qui permet de penser les médicaments, les dispositifs médicaux et les pratiques de demain.
Dans ce progrès en marche, les CHU ont un rôle majeur et la recherche clinique implique que soient revus les critères d'allocation des crédits. Le mode de financement de la recherche clinique au lit du malade n'est pas de nature à favoriser son développement : nous constatons une baisse des financements au fil des ans, notamment pour les CHU. Pour financer les missions enseignement-recherche-innovation, une enveloppe nationale est fixée annuellement. Celle-ci n'évolue pas, si ce n'est ponctuellement à la baisse, alors qu'elle est partagée entre un nombre croissant d'établissements : CHU, mais aussi centres de lutte contre le cancer, centres hospitaliers - acteurs apparus assez récemment dans le domaine de la recherche et que nous aidons car c'est un facteur d'attractivité pour les jeunes médecins. La recherche des CHU est financée par une part fixe et une part modulable. La part fixe est devenue modulable : alors même qu'il faut un financement stable pour structurer la recherche et organiser l'aide aux chercheurs, cette enveloppe tend à se réduire. Dans un CHU comme Bordeaux, 300 personnes, sur les 14 000 ETP, sont au service quotidien des chercheurs cliniciens pour les aider à développer leurs travaux. Le montant de l'enveloppe est fixé en fonction de nombreux indicateurs : publications dans les revues internationales de rang A ou de rang B, nombre de patients associés aux recherches cliniques, obligation du CHU en matière d'enseignement, etc. Or l'enveloppe globale est fixe ou en diminution et partagée entre un nombre croissant d'acteurs. Parmi ceux-ci, ce sont les CHU qui ont le plus perdu depuis cinq ans, alors qu'ils publient de plus en plus, qu'ils incluent de plus en plus de patients et que leur recherche est très dynamique. Il convient de revoir les critères d'allocation, avec une part fixe, un nombre d'indicateurs réduit, car cette multiplicité nuit à la clarté des critères de financement, et un meilleur contrôle au niveau central. A l'heure actuelle, en effet, des établissements privés à but lucratif se regroupent de façon totalement artificielle pour demander des financements pour des recherches inexistantes. Ils les obtiennent car ils embauchent des médecins hospitaliers publics qui viennent de partir en retraite ce qui permet à ces établissements de tirer le bénéfice des dernières publications de ces jeunes retraités. En échange, ces établissements leur reversent une part des financements obtenus... Nous nous en sommes émus auprès du ministère de la santé, car il s'agit d'un détournement du financement de la recherche.
Un mot sur le financement de l'innovation, qui est une mission essentielle des CHU. Les grandes inventions de demain s'y font et les premières expérimentations de méthodes éprouvées scientifiquement s'y déploient. Ainsi, en 2015, cinq publications internationales ont montré qu'en cas d'accident vasculaire cérébral thrombotique, une alternative à la méthode habituelle - envoi par voie veineuse d'un produit pour dissoudre le caillot - pouvait être utilisée : un cathéter guidé jusque dans le cerveau pour aspirer ou broyer le thrombus ; instantanément, le patient retrouve ses fonctionnalités si le geste est réalisé dans les sept ou huit heures qui suivent le malaise. Avant 2015, ces malades étaient durablement hémiplégiques ou aphasiques. Cette thrombectomie est un réel progrès, mais a coûté à mon CHU un million d'euros en 2015, car l'assurance maladie n'a pas pris en charge ce nouvel acte, puisqu'il n'existait pas de tarif. Même chose en 2016 alors que nous sommes passés à 250 interventions cette année-là ; et en 2017. Enfin, en avril 2018, le tarif a été publié. À compter de cette date, les grands centres hospitaliers et privés se sont mis à faire des thrombectomies. Désormais, tout citoyen a accès à une technique extraordinaire qui a été financée par les CHU sur leurs propres fonds. Je pourrais multiplier les exemples d'innovations qui ne sont pas remboursées pendant des délais assez longs par l'assurance maladie. Il faudrait qu'un mécanisme de financement transitoire des innovations soit mis en place. La loi devrait reconnaître le rôle des CHU en matière d'innovation et prévoir des mécanismes de financement dès lors que des publications scientifiques attestent la validité de ces nouvelles techniques. En outre, derrière ces innovations émergent de nouveaux métiers ; les CHU sont les premiers à former ces personnes. Je pense ainsi aux conseillers en génétique qui interviennent auprès des patients atteints de cancers ou de maladies rares. Nous avons également de plus en plus souvent recours à des plateaux de génomique pour analyser le génome et affiner les traitements. Encore faut-il qu'il y ait des conseillers en génétique, des ingénieurs en data-science pour traiter les bases de données.
Comme nous dirigeons des services publics, nous devons mettre à disposition des patients le plus vite possible les grandes innovations. Encore faut-il prévoir leur financement.