Intervention de Frédéric Boiron

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 janvier 2019 à 9h35
Audition de Mme Catherine Geindre présidente de la conférence des directeurs généraux de chu sur le rapport « le chu de demain »

Frédéric Boiron, vice-président, directeur général du CHU de Lille :

En effet, c'est plus ou moins facile selon les territoires. C'est justement pour cela qu'il faut tenir compte des spécificités territoriales et des cultures. En même temps, on peut organiser en inter-CHU des politiques de recrutement des hospitalo-universitaires, en développant une gestion pluriannuelle des emplois et des compétences. On peut le faire au niveau des GHT. La dernière réforme de la santé a rendu la coopération au sein de GHT obligatoire. Nous prônons la même chose avec les réseaux de CHU. Il faut que le législateur précise les obligations et laisse ensuite les acteurs s'organiser localement. Les GHT doivent mener des politiques de recrutement coordonnées. Les CHU doivent aussi pouvoir le faire, non dans une logique hégémonique mais en partenariat, dans la zone dont ils ont la responsabilité vis-à-vis des GHT, souvent la subdivision. Les politiques de recrutement et d'attractivité ne doivent plus être isolées. Elles doivent être coordonnées entre les établissements et réalisées en lien avec le grand établissement de la zone. Un de nos souhaits est que l'on précise dans les textes que les politiques de recrutement médical ne doivent plus être traitées localement, sinon on prend un risque relatif au niveau des compétences et un risque de surenchère salariale. Dans la santé, il y a aussi un mercato !

Vous évoquiez les régions frontalières. Il faut aussi parler des différences entre le public et le privé. Le public dispose de trop peu d'outils pour répondre aux aspirations de rémunération des jeunes praticiens. Il y a une demande forte de meilleures conditions de travail, d'un temps consacré à la recherche accru et d'une meilleure rémunération. On constate une grande diversité des pratiques. La santé est aussi un marché. Répondre à ces attentes constitue un enjeu pour maintenir les équipes médicales. Il y a des pratiques de débauchages, même si l'argent n'est pas le seul sujet : il faut prendre en compte aussi le management, le fonctionnement des équipes, l'association à la recherche, le hiatus entre les hospitalo-universitaires et les hospitaliers. Nous faisons des propositions pour renforcer l'attractivité, renforcer la reconnaissance de l'implication en enseignement et en recherche des médecins qui ne sont pas hospitalo-universitaires. Nous croyons aussi au CHU hors les murs : le CHU n'est pas un bastion ; il doit pouvoir délivrer des labels, valider des compétences. On pourrait intéresser des médecins d'établissements non universitaires à une coopération plus forte avec le CHU.

Il importe aussi que le statut de praticien hospitalier évolue pour donner des marges d'adaptation localement, de manière encadrée, avec des règles de décision et d'évaluation collégiales, pour pouvoir ajuster les conditions d'exercice à partir d'un socle statutaire commun, pour les métiers en tension. Par exemple, au CHU de Lille, sur un effectif théorique de 100 postes d'anesthésistes-réanimateurs, 20 postes sont vacants à cause de départs vers des établissements de la région qui ont proposé des rémunérations supérieures. En respectant la loi, le CHU ne peut proposer des salaires plus élevés. Il conviendrait de donner la possibilité aux établissements, sous certaines conditions et avec certaines garanties, d'améliorer la rémunération de certaines spécialités en tension, dans l'intérêt du service public. On peut le faire avec les postes de praticien-clinicien, mais ils vont disparaître.

Enfin, un mot sur la qualité. Les CHU, disons-le, n'ont pas pris le train de la certification en même temps que les hôpitaux généraux ou les cliniques, non par manque d'intérêt mais parce qu'ils sont déjà soumis aux critères d'évaluation hospitalo-universitaires : le niveau de référencement médical, la contribution à la recherche ou la qualité de l'enseignement, etc. Les CHU ont désormais pris le train de la qualité. Tous ont désormais un directeur de la qualité. On compte environ 150 ingénieurs qualité dans les CHU de France. Mais on ne peut envisager de la même manière la certification de l'hôpital de Provins, qui compte 400 lits dont 200 aigus, et la certification du CHU de Lille qui compte 3 000 lits, tous aigus. La certification des CHU réclame une approche spécifique : vu leur taille et la complexité de leurs missions, on trouvera toujours des défauts, des facteurs négatifs. L'idéal serait de jumeler les évaluations réalisées par le HCERES et la HAS. Cela renforcerait l'implication des praticiens hospitalo-universitaires, qui portent moins d'attention aux visites HAS.

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