Intervention de Benjamin Smith

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 16 janvier 2019 à 10h00
Audition de M. Benjamin Smith directeur général du groupe air france-klm

Benjamin Smith, directeur général du groupe Air France-KLM :

Des étapes majeures ont été franchies sur le plan social au cours des trois derniers mois, grâce à des échanges de grande qualité avec les partenaires sociaux.

Je citerai tout d'abord la résolution du conflit social dans sa dimension intercatégorielle grâce à la signature d'un accord salarial, le 19 octobre dernier, avec les syndicats représentant plus de 75 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

Cet accord s'articule autour d'une augmentation de 2 %, avec effet rétroactif au 1er janvier 2018, ainsi qu'une mesure d'augmentation de 2 % au 1er janvier 2019. La signature de cet accord inter-catégoriel a permis d'apaiser le climat social, et a été complétée le 9 janvier 2019 par un accord spécifique aux personnels au sol.

À la suite de la conclusion de cet accord, plusieurs chantiers de négociation ont pu être ouverts.

Une négociation catégorielle concernant les pilotes a débuté le 5 novembre dernier. Elle va se poursuivre ces prochaines semaines.

Une négociation catégorielle touchant les personnels navigants commerciaux (PNC) a permis la signature d'un accord le 10 janvier 2019.

Enfin, un projet d'accord sur les futures instances représentatives du personnel permettant la mise en place des comités sociaux et économiques d'établissement, issus des ordonnances de 2017, a été signé. Air France figurera ainsi parmi les premières grandes entreprises françaises du secteur des transports à mettre en oeuvre un tel accord avec ses partenaires sociaux.

Sur le plan économique et financier, la première partie de l'année 2018 s'est révélée difficile pour le groupe Air France-KLM. La démission de Jean-Marc Janaillac a fait suite à la situation de blocage créée par quinze jours de grève entre le 22 février et le 8 mai, dont le coût global a été de l'ordre de 350 millions d'euros.

La gouvernance de transition qui a été mise en place le 15 mai 2018 a bien fonctionné, puisqu'elle a permis à la fois d'assurer un fonctionnement du groupe durant l'été, avec des résultats économiques satisfaisants. Le groupe Air France-KLM a réalisé un résultat d'exploitation solide à la fin de l'été 2018, avec un résultat cumulé de près de 1,3 milliard d'euros sur les neuf premiers mois de l'année.

Les résultats sont cependant décevants par rapport à ceux de l'année 2017, en raison en particulier de l'effet des grèves du premier trimestre chez Air France, mais également d'un renchérissement du coût du kérosène au cours des neuf premiers mois de l'année.

Le niveau de marge opérationnelle d'Air France reste ainsi décalé par rapport à celui de KLM, ainsi que de ses principaux concurrents, qui affichent dans leur majorité des marges supérieures à 10 %, alors que celle d'Air France est significativement inférieure. Il s'agit d'une problématique importante et la réduction de cet écart est prioritaire pour 2019 et les années suivantes.

En matière d'environnement économique, la concurrence va continuer de se développer en 2019, en particulier dans le secteur du long-courrier low cost, par exemple sur les liaisons transatlantiques avec la compagnie Norwegian. La concurrence des compagnies du Golfe, et notamment celle de Emirates, Etihad, Qatar Airways et Turkish Airlines, ne faiblit pas, ces compagnies présentant même une croissance de l'offre au départ de l'Europe de l'ordre de 15 %, bien supérieure à la croissance moyenne du marché.

Enfin les compagnies comme Ryanair, EasyJet ou Vueling poursuivent leur développement en particulier sur les liaisons domestiques ou internationales à partir de la France, et devraient mettre en service une dizaine d'avions supplémentaires en France au cours de l'été 2019.

Comme je l'ai annoncé, au-delà de la sécurité des vols, ma priorité est qu'Air France-KLM devienne le groupe aérien le plus fort d'Europe et un des plus puissants dans le monde. Je suis plus qu'enthousiaste face à cette nouvelle mission.

Air France et KLM sont deux très grandes compagnies aériennes, reconnues dans le monde entier pour le professionnalisme et le très fort engagement de leurs salariés.

J'ai consacré toute ma vie professionnelle à cette industrie. J'ai une conviction forte : la satisfaction des clients se joue sur tous les vols, tous les jours.

Le développement de nos offres doit mieux positionner Air France sur le voyage « haute contribution ». La France est leader mondial dans de nombreux domaines. La marque « Air France », plus que celles de la plupart de nos concurrents, a un très fort potentiel pour attirer encore plus de passagers plus exigeants sur de nombreuses destinations.

Nos clients « premium » doivent ainsi avoir la garantie d'une expérience de voyage la plus claire et la plus constante possible. En conséquence, nous avons d'ores et déjà prévu des évolutions qui vont être mises en oeuvre dès cet été. Elles nous permettront de gagner des parts de marché et de saisir de nouvelles opportunités.

La première est d'ordre commercial et vise à apporter d'avantage de cohérence, de simplicité et de lisibilité à notre programme et notre offre long-courrier. La seconde concerne l'optimisation de la maintenance et le doublement du nombre d'avions de réserve, afin d'assurer une meilleure robustesse de notre exploitation.

Nous devons également mieux capitaliser sur la marque Air France. La multiplicité des marques a créé de la complexité et a sans doute affaibli la puissance de la marque Air France. La simplification du portefeuille de marques sera un atout indéniable pour nos clients, nos salariés et tous nos partenaires.

C'est une des raisons pour lesquelles - après de nombreux échanges avec les salariés et les clients, et des discussions avec les syndicats -, j'ai décidé de lancer un projet portant sur l'avenir de la marque Joon et l'intégration des salariés de Joon au sein d'Air France. Cette intégration se ferait dans des conditions permettant le maintien des équilibres économiques nécessaires au développement d'Air France. L'intégration de Joon au sein d'Air France devrait par ailleurs apporter de nombreux avantages, notamment l'harmonisation de la flotte et des produits.

Enfin, nous allons poursuivre sans relâche nos travaux avec les différentes autorités et partenaires pour améliorer à la fois le service offert à nos clients à Paris - police aux frontières (PAF), sûreté - et notre compétitivité, fortement liée aux niveaux de taxes et de cotisations sociales.

Le développement du groupe Air France-KLM, et plus particulièrement d'Air France, afin d'en faire un des acteurs du transport aérien les plus puissants au monde, ne peut se faire sans un alignement sans faille entre les autorités publiques et les différents acteurs de la chaîne du transport aérien, au premier rang desquels figurent les aéroports.

Le groupe Air France-KLM a fait et poursuivra d'importants efforts d'adaptation. Air France a ainsi supprimé 10 000 emplois ces dix dernières années dans le cadre de ses programmes de transformation successifs.

Dans ce contexte, je me suis félicité de l'initiative prise par le Gouvernement français d'organiser des Assises du transport aérien devant contribuer à améliorer la compétitivité du secteur. La moitié du chiffre d'affaires d'Air France est généré à l'extérieur de la France, tandis que la quasi-totalité de nos salariés sont basés en France. Notre compétitivité dépend en conséquence de l'environnement réglementaire et des conditions économiques et sociales français.

Les Assises du transport aérien doivent avoir pour objectif de permettre aux compagnies françaises d'évoluer dans un environnement économique de même niveau que celui de des principaux voisins européens de la France.

Trois types de mesures peuvent schématiquement assurer aux compagnies aériennes françaises une meilleure compétitivité.

Il s'agit, tout d'abord, de faire évoluer le niveau des taxes et des cotisations sociales en France. La taxe de solidarité fait peser une charge injuste sur un secteur particulièrement exposé à la concurrence internationale. Le niveau des cotisations sociales en France et son absence de plafonnement constituent un handicap majeur en termes de compétitivité, avec un écart annuel de 500 millions d'euros avec l'Allemagne et de 700 millions d'euros avec les Pays-Bas et l'Allemagne.

La sûreté est enfin aujourd'hui entièrement à la charge des passagers, et donc des compagnies aériennes, par le biais de la taxe d'aéroport, dont par ailleurs les passagers en correspondance ne sont que partiellement exonérés.

Il convient ensuite de maîtriser le coût d'utilisation des infrastructures et d'améliorer ses performances. Les redevances aéroportuaires à Paris sont parmi les plus élevées d'Europe. Une éventuelle privatisation d'ADP ne saurait se faire au détriment de la compétitivité de son principal client et le cadre de régulation doit être renforcé, afin de le confier à une autorité de supervision indépendante.

En matière d'utilisation des aéroports parisiens, le service proposé à nos clients, tant lors de leur entrée sur le territoire français qu'en matière d'accès routier et ferroviaire aux aéroports, doit être considérablement amélioré.

Dans le domaine de la navigation aérienne, le montant des redevances doit être raisonnable et des dispositions prises pour que les passagers puissent être traités dans les meilleures conditions en cas de grève du contrôle aérien.

Il faut enfin instaurer une concurrence plus équitable avec les compagnies du Golfe bénéficiant de subventions considérables de la part de leurs États et certains transporteurs low-cost qui pratiquent du dumping social et bénéficient d'aides illégales de la part des collectivités locales.

Les Assises du transport aérien devraient se clôturer dans quelques semaines. Il est indispensable que le Gouvernement adopte des mesures ambitieuses qui généreront à leur tour, au travers de la croissance du transport aérien français, des retombées économiques positives tant en terme économique que d'emplois.

J'en profite pour vous remercier - notamment à l'initiative de M. le sénateur Vincent Capo-Canellas - d'avoir proposé des amendements dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, dont un a été retenu par l'Assemblée nationale et permet de baisser le niveau de la taxe d'aéroport pour les passagers en correspondance.

Je ne pouvais clôturer mon intervention sans mentionner la question de l'environnement. Air France-KLM mène depuis plusieurs années des actions concrètes en vue de réduire son empreinte environnementale. Il est à ce titre reconnu depuis treize ans comme le groupe aérien le plus responsable au monde en matière de développement durable par le Dow Jones Sustainability Index (DJSI).

Air France-KLM s'est fixé pour objectif de réduire de 20 % ses émissions de CO2 par passager par kilomètre d'ici 2020 par rapport à 2011, par la modernisation de sa flotte avec des appareils plus efficaces énergétiquement, l'amélioration de son efficacité opérationnelle, le développement de procédures d'éco-pilotage, l'optimisation de la masse embarquée et la compensation des émissions.

Ces mesures ont permis d'économiser 20 000 tonnes de carburant en 2017, représentant environ une économie de 60 000 tonnes de CO2.

Air France-KLM est également très actif dans la recherche de carburants alternatifs et a réalisé de premiers vols tests utilisant du biocarburant.

Dans le contexte d'une croissance continue du secteur, le transport aérien participe déjà pour ses vols européens au système communautaire d'échange de quotas d'émissions et s'est par ailleurs fixé un objectif de croissance neutre en carbone à compter de 2020 dans le cadre de l'accord « Corsia » signé en octobre 2016.

Air France-KLM a largement soutenu et contribué à cet accord historique. Le secteur aérien est ainsi le premier secteur économique à se doter d'un accord mondial pour limiter ses émissions de CO2 et agir concrètement en matière de changement climatique.

Alors que le prix du pétrole élevé et que les Assises du transport aérien visent à restaurer la compétitivité de ce secteur, une décision de taxation du kérosène pour les seuls vols domestiques porterait directement atteinte à cet objectif.

Je vous remercie de votre attention. Nous sommes à votre disposition pour répondre à l'ensemble de vos questions.

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