Je ferai quelques remarques avant d'aborder cette échéance. Depuis trois ans, le dimensionnement de l'Agence Frontex s'est élargi. On l'appelle désormais l'Agence européenne des gardes-frontières et des garde-côtes. L'Europe a souvent de bonnes idées, mais qui tardent à se concrétiser, car nous sommes 27 États membres et il faut des majorités.
Je reviens de la conférence des présidents de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), à Bucarest. Il est plus « politiquement correct » de parler aujourd'hui d'une pause de l'élargissement et de se focaliser sur l'approfondissement. Cependant, les pays des Balkans ont besoin de perspectives à moyen et long termes. Sinon, ils perdront espoir et nous donnerons prise au potentiel de déstabilisation de la Russie, voisin puissant. Veillons à ne pas nous enfermer dans un choix binaire opposant approfondissement et élargissement.
S'agissant de l'horizon 2025, Le programme de travail pour 2019 vise la préparation du Conseil européen de Sibiu, en Roumanie, qui se tiendra le 9 mai 2019. Ce sommet sera principalement consacré à l'avenir de l'Union européenne. Comme à l'occasion du programme de travail pour 2018, la Commission européenne entend présenter plusieurs « contributions prospectives » destinées à « renouveler la confiance en l'avenir de notre « Union à 27 » à l'horizon 2025.
Plusieurs axes sont envisagés dont le premier est l'extension du recours à la majorité qualifiée dans plusieurs domaines. Cette règle de l'unanimité, aussi paralysante soit-elle, est, pour l'instant, incontournable. Deuxième axe, le renforcement du rôle international de l'euro. Hier, à Aix-la-Chapelle, je me suis entretenu avec le gouverneur de la Banque de France, M. François Villeroy de Galhau et avec Mme Sylvie Goulard, vice-gouverneur, à qui j'ai demandé de venir nous parler du rôle international de l'euro. Enfin, les deux derniers axes concernent la consolidation de l'État de droit au sein des pays membres et l'amélioration de la communication autour de l'Union européenne.
La plupart des propositions de la Commission européenne devraient être détaillées au cours des premier et deuxième trimestres. Leur annonce appelle néanmoins déjà plusieurs remarques.
La Commission européenne souhaiterait un passage à la majorité qualifiée en matière de politique fiscale, de politique sociale et sur les questions relatives à l'énergie et au climat. La politique fiscale ne suscite pas réellement de débat, et nous demandons régulièrement ici une telle évolution. Un grand groupe européen ne pourra réellement se développer et tirer profit des potentialités offertes par plusieurs États membres que s'il peut s'appuyer sur une fiscalité à la fois favorable à l'investissement et harmonisée au sein de l'Union. Le Brexit, quelle qu'en soit l'issue, serait l'occasion de clarifier un certain nombre de points en la matière.
La Commission européenne envisage également une extension du passage à la majorité qualifiée dans le domaine de l'énergie. Je rappelle que toute intervention de l'Union européenne doit être traitée sans préjudice de la compétence, reconnue à chaque État membre, de déterminer le « mix énergétique » sur son territoire. Tout texte doit, de fait, respecter scrupuleusement la répartition des compétences entre l'échelon de l'Union et l'échelon national, telle qu'elle résulte du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Dans ces conditions, nous ne pouvons qu'être réservés sur un changement des règles de vote au Conseil sur ce point. Le choix du mix est bloquant.
En ce qui concerne la politique sociale, il conviendra d'attendre le détail des propositions de la Commission européenne, attendues au cours du premier trimestre 2019. Je constate, à première vue, que les textes les plus emblématiques - à l'instar du détachement des travailleurs ou des règles en matière de congé parental - sont déjà adoptés à la majorité qualifiée. Un passage à la majorité qualifiée pourrait néanmoins permettre une véritable application du socle européen des droits sociaux.
Le renforcement du rôle international de l'euro a été annoncé par le président de la Commission européenne dans son discours sur l'état de l'Union. La Commission a présenté une communication sur le sujet le 5 décembre dernier. Une telle ambition doit, bien évidemment, être approuvée. Il convient néanmoins de rappeler que le renforcement du rôle international de l'euro passe avant tout par une réponse aux défis institutionnels et économiques posés par la monnaie commune. Celle-ci doit permettre de parachever l'Union économique et monétaire, en mettant notamment en place une capacité budgétaire de la zone euro permettant de résister aux chocs macroéconomiques et de financer des investissements. Ces réformes sont indispensables. Si une nouvelle bulle spéculative - on en observe aux États-Unis - éclatait, nous ne serions pas complètement prêts pour faire face à la crise.
Toute mesure en faveur du renforcement du rôle international de l'euro doit également être précédée d'un approfondissement de l'Union bancaire via une convergence des systèmes nationaux de garantie des dépôts puis à terme par la mise en place d'un véritable système européen de garantie des dépôts. La consolidation du rôle international de l'euro passe enfin par la mise en oeuvre, dans le cadre de l'Union des marchés de capitaux, d'une supervision unique des marchés où l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) occuperait un rôle central, étape indispensable vers l'intégration des marchés financiers européens et le renforcement de la stabilité financière. La dernière réunion de l'Eurogroupe, le 4 décembre dernier, n'a permis que de timides avancées sur tous ces points, principalement en ce qui concerne l'Union bancaire.
Je relève que dans cette perspective d'approfondissement, Hier, en conférence des présidents, le rapporteur général de la commission des finances nous a dit qu'il souhaitait être étroitement associé aux débats ante et post européens, car beaucoup de textes financiers seront concernés dans l'année qui s'annonce par les questions qui y sont discutées.
Au sujet de l'État de droit, la Commission européenne devrait présenter, au cours du premier trimestre 2019, une initiative non-législative visant à renforcer le cadre existant. Il convient de rappeler que l'Union européenne s'est déjà dotée d'un dispositif permettant de sanctionner un État membre en cas de violation grave et persistante des droits fondamentaux. La procédure, récemment activée pour la Pologne puis la Hongrie, n'a pour l'heure débouché sur aucune sanction. Il apparaît en effet indispensable de rappeler la nécessité de réaffirmer que l'Union européenne, longtemps réduite à un espace économique, comme une communauté de droits et de valeurs, alors même que les droits de l'Homme et les valeurs fondamentales semblent aujourd'hui relativisés voir menacés dans les discours des dirigeants de certaines grandes puissances mondiales mais aussi au sein de certains États membres. Je relève, en outre, que l'affirmation de nos valeurs peut également passer par un renforcement de la présence de l'Union européenne sur les certains théâtres d'opérations militaires, à l'heure du désengagement américain. La posture adoptée par M. Trump en fait peut-être le meilleur allié de l'Union européenne, car elle nous oblige à nous prendre en charge.
Le dernier point abordé par la Commission, la communication, a déjà fait l'objet de remarques de notre part par le passé. Dans l'attente du détail de nouvelles propositions, nous ne pouvons que rappeler qu'il est indispensable de doubler la nécessité de mieux communiquer par un renforcement de la transparence, qu'il s'agisse de celle des trilogues ou de la procédure de comitologie. Je regrette une nouvelle fois, sur ce dernier point, que la Task force « Subsidiarité et proportionnalité », lancée par la Commission européenne n'ait pas suivi, dans ses conclusions rendues en juillet dernier, les observations du Sénat que votre commission des affaires européennes avait réaffirmées dans une contribution spécifique. Lors de la dernière COSAC, en présence de Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, nous avons dit clairement que nous n'avions pas apprécié ce simulacre de concertation. Ce n'est pas sérieux.