Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 24 janvier 2019 à 8h35
Institutions européennes — Programme de travail de la commission européenne pour 2019 : rapport d'information de mm. jean bizet et simon sutour

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

M. Juncker, quand il a été élu président de la Commission européenne, a mis en effet au panier 15 textes sur les 85 en cours. Il s'agissait de textes qui trainaient, faute d'accord, et qui étaient devenus moins pertinents. Je souhaite que cette procédure REFIT continue avec son successeur. Sur certains textes on n'arrive pas à trouver un accord, à cause de l'unanimité ou parce que le sujet crispe les peuples. Au sein des réunions de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), on constate que les pays de l'Est ne supportent pas l'idée d'une Europe à plusieurs vitesses car ils ont peur d'être relégués. La coopération renforcée est un outil qui n'a été utilisé que trop rarement : pour le divorce transfrontalier, le brevet communautaire la taxe sur les transactions financières et le parquet européen. Ce peut-être une solution pour avancer. Il faut neuf pays pour la lancer mais d'autres pays peuvent se joindre au mouvement. Ainsi sur le brevet communautaire, on n'arrivait pas à avancer car l'Italie et l'Espagne voulaient faire reconnaître leurs langues comme langues de dépôts des brevets, alors que la majeure partie des dépôts sont en anglais, en français ou en allemand. Une coopération renforcée a été créée et finalement l'Italie l'a rejointe.

Les pays du bloc de l'Est sont de jeunes démocraties. Ils ont échappé à une tutelle pesante et ne veulent pas retomber sous une autre tutelle. Mais l'Union européenne n'est pas qu'un supermarché qui distribue des subventions, c'est aussi un cercle de valeurs, qu'il convient d'affirmer de plus en plus face à la Russie de M. Poutine, ou aux États-Unis de M. Trump. Je suis toutefois assez confiant : à terme, les relations se normaliseront. Voyez d'ailleurs les mouvements de foule en Pologne ou en Hongrie.

L'Europe est en panne sur un certain nombre de dossiers. Elle a été construite initialement pour garantir la paix. Elle a formidablement réussi, jusqu'en Irlande, en contribuant à rendre possible la conclusion de l'accord du Vendredi saint. La ligne de Michel Barnier, comme négociateur en chef de l'Union européenne pour le Brexit, a toujours été de refuser de toucher à cet accord. Ce serait une folie en effet : l'explosion dernièrement d'une voiture à Londonderry constitue un avertissement. À Belfast, les portes sont fermées à 19 heures pour éviter les troubles. La paix a donc été un formidable succès - mais la jeune génération tend à l'oublier -, tout comme l'est l'euro, dont il faut renforcer le rôle international, ce qui résoudrait le problème de l'extraterritorialité des sanctions américaines. Nous avons besoin de temps sur les migrations ou les questions de sécurité. La majorité qualifiée nous permettrait sans doute d'aller plus vite et les coopérations renforcées constituent un outil efficace.

Je souscris tout à fait aux propos de Nicolas Barré qui décrit bien, dans une tribune récente, les défis auxquels est confrontée l'Europe. Bruno Tertrais, directeur adjoint de la fondation pour la recherche stratégique, souligne aussi que depuis l'arrivée de M. Trump au pouvoir, un certain nombre d'institutions multilatérales nées au lendemain de la guerre, comme l'ONU ou l'Unesco, sont fragilisées de l'intérieur, mais aucune n'a été cassée et elles continuent d'exister. Le multilatéralisme est moribond mais l'Europe, le Canada et le Japon font, par exemple, entendre leur voix pour moderniser l'organe d'appel du mécanisme de règlement des différends de l'OMC. Les États-Unis sont moins favorables au multilatéralisme car il leur est moins profitable, mais ils ne veulent pas tout casser non plus. Des évolutions seront nécessaires et la voix de l'Europe est attendue.

J'ai été heureux d'assister à la signature du traité d'Aix-la-Chapelle et je remercie la Chancellerie allemande et le Président du Sénat de nous y avoir conviés. Le discours de Mme Merkel était très minutieux. M. Juncker a parlé avec son coeur. On a senti le Président de la République mal à l'aise en dépit d'envolées lyriques dont il a le secret. Le traité de 1963 mettait l'accent sur la réconciliation. Ce nouveau traité met l'accent sur la responsabilité qui incombe aux Vingt-Sept. Tout le monde regrette le départ des Britanniques. La Chancelière a évoqué les évolutions vertigineuses dans ce monde incertain. Elle a mis l'accent sur la défense et a parlé d'« armée européenne », c'est à souligner. Elle a évoqué aussi la dimension économique de l'Union européenne, la cohésion sociale - à cet égard nous devrons être vigilants à la directive sur le respect des droits sociaux -, le marché unique numérique, l'intelligence artificielle, l'harmonisation des droits, et la convergence du droit des affaires. Avec ce nouveau traité, nous passions de la réconciliation à la responsabilité avec un accent mis sur la convergence et la défense européenne.

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