Je me réjouis de m'exprimer devant votre délégation dans le cadre de mes nouvelles fonctions, quelques jours après avoir été auditionné par la commission des lois. Je serai de nouveau devant le Sénat la semaine prochaine pour l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Notre premier principe est celui de la stabilité, qui correspond à un souhait important des élus locaux.
Stabilité financière d'abord, s'agissant notamment des dotations de l'État et de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. Si le concours global de l'État aux collectivités territoriales reste stable, à 27 milliards d'euros, il continue de connaître des évolutions dans les notifications individuelles, du fait notamment des modifications incessantes des périmètres d'intercommunalité. Les schémas départementaux de coopération intercommunale, ou SDCI, se stabilisant, les dotations de l'État se stabiliseront aussi au 1er janvier de l'année prochaine.
Stabilité ensuite de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), et de la dotation de soutien à l'investissement local, la DSIL, avec 2 milliards d'euros. Il y aura sans doute des questions sur leur fonctionnement lors de l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », mais les montants sont sanctuarisés.
Stabilité enfin de la péréquation, qui est l'autre nom de la solidarité en matière de DGF, avec le renforcement de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et de la dotation de solidarité rurale, la DSR, à hauteur de 90 millions d'euros. Le renforcement de la péréquation dans une enveloppe normée conduit évidemment à des modifications de la DGF, qui doit épouser les réalités territoriales pour être dynamique. Si on veut plus de stabilité, il faut peut-être qu'elle soit moins dynamique. C'est un beau débat politique. Des principes ont été posés lors de la révision constitutionnelle de 2003. Peut-être faut-il s'interroger aujourd'hui ?
Notre deuxième grand principe est celui de la liberté institutionnelle. Il ne s'agit pas de créer un nouveau « big-bang » de l'organisation territoriale, à l'image de ce qui a pu se produire sous le quinquennat précédent. Il faut trouver un chemin de crête pour permettre plus de liberté sans déstabiliser. Nous avons des pistes. L'assouplissement des rythmes scolaires décidé par Jean-Michel Blanquer donne satisfaction dans les différents territoires. Nous devons également avancer sur les communes nouvelles : la proposition de loi de votre collègue Françoise Gatel est une initiative intéressante. Il faut traiter les irritants de la loi NOTRe. Du fait des accords politiques de la CMP de l'époque, de contentieux administratifs, voire de la personnalité des différents préfets, il y a des distorsions d'interprétation de cette loi sur le territoire, notamment sur la répartition des compétences : des départements ont cessé de mener certaines politiques publiques sans que les régions s'y substituent. Je pense par exemple aux sociétés d'économie mixte, les SEM. Enfin, la liberté institutionnelle suppose plus de souplesse en matière de fonction publique territoriale - le Président de la République l'a rappelé la semaine dernière en recevant des maires à l'Élysée.
Le troisième principe est celui de la prévisibilité : les élus de terrain ont besoin d'y voir clair, a fortiori dans la dernière ligne droite de leur mandat.
Prévisibilité d'abord s'agissant de la DGF, qui fait l'objet d'un certain nombre d'amendements déposés sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Modifier la DGF est une chose ; expliquer pourquoi à l'élu concerné en est une autre. Nous avons un devoir d'information et de pédagogie à l'égard des élus.
Prévisibilité ensuite, s'agissant de la réforme de la dotation d'intercommunalité. Avec les changements de taille des intercommunalités, il fallait faire une seule enveloppe pour arriver à stabiliser cette dotation, faute de quoi nous aurions assisté à un important effet « yo-yo » sur les dotations des EPCI, l'année prochaine. Les associations d'élus nous interpellent régulièrement sur une révision de la quarantaine de critères permettant de calculer la DGF. Nous sommes évidemment disposés à examiner les propositions qui seront formulées en la matière ; simplement, le souhait de modifier ces critères sera peut-être moins fort l'an prochain puisque la DGF sera plus stable.
Prévisibilité également en matière de réforme fiscale. D'une part, la réforme de la taxe d'habitation voulue par le Président de la République, avec les dégrèvements sur trois ans pour 80 % de la population et la question des derniers 20 %, nous offre une belle réforme fiscale. D'autre part, il faut régler définitivement la question des ressources pour les conseils départementaux. Nous le voyons bien, les fonds de stabilisation et les fonds d'urgence ne sont plus des réponses structurelles. Certes, ces mesures sont attendues chaque année pour permettre aux départements de boucler leur budget. Mais, avec l'accroissement des dépenses liées à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, ou au revenu de solidarité active, le RSA, il faut réfléchir à des recettes plus dynamiques. La question de l'affectation d'une fraction d'un impôt national aux conseils départementaux peut se poser.
Prévisibilité enfin autour des projets. Être élu local, ce n'est pas seulement gérer ; c'est vouloir transformer son territoire, y mener des actions concrètes. Cela soulève la question de l'ingénierie territoriale. La création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires offre des pistes. Nous pouvons aussi évoquer la réorientation de la Caisse des dépôts, avec la Banque des territoires.