Intervention de Brune Poirson

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 17 janvier 2019 à 8h30
Audition de Mme Brune Poirson secrétaire d'état auprès du ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Brune Poirson, Secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire :

À l'aube de cette nouvelle année, je veux tout d'abord vous dire que nous avons besoin, plus que jamais, d'institutions fortes et donc de vous, mesdames et messieurs les sénateurs. Les Français ont bien pris conscience de la réalité du réchauffement climatique, mais ils veulent savoir désormais ce que cela implique concrètement pour eux. Or, l'adaptation face aux dérèglements climatiques appelle des réponses sur mesure, qui ne peuvent être dictées depuis Paris mais doivent être construites au plus près des territoires. Vous avez donc, mesdames et messieurs les sénateurs, un rôle crucial à jouer dans ce processus.

Je souhaite débuter par quelques chiffres : 430 millions d'euros pour 214 000 sinistres, c'est le coût estimé des inondations et orages qui ont touché le sud de la France en mai et juin dernier. Au mois d'octobre dernier, un épisode cévenol, lui aussi particulièrement violent, a touché le département de l'Aude. Quatorze de nos concitoyens ont péri. Le coût final des dommages est cette fois-ci estimé à 220 millions d'euros, après la déclaration de 27 000 sinistres. Ces chiffres doivent être considérés pour ce qu'ils sont : les stigmates du réchauffement climatique, les marques du basculement vers un monde plus chaud. Nous savons que cela est de notre fait et que notre responsabilité est engagée.

La pétition « l'Affaire du Siècle » dépasse aujourd'hui les deux millions de signataires. Derrière cette pétition, il y a certes une initiative politique portée par des personnes qui étaient aux responsabilités il y a peu et qui, d'une certaine manière, attaquent leur propre bilan. Néanmoins ces deux millions de signataires expriment aussi quelque chose qui doit être entendu : un appel à ce que leurs droits fondamentaux soient garantis face aux changements climatiques. Pour y répondre, nos politiques, notre droit, notre système fiscal et même nos institutions doivent faire l'objet d'un débat et être adaptées. Sur le plan institutionnel, l'adaptation au changement climatique nécessite une approche transversale, interministérielle, alors que nos institutions sont organisées sur un modèle industriel et fordiste de spécialisation et fonctionnent en silos. Comment faire évoluer notre organisation pour répondre à la complexité des problèmes climatiques ?

Sur le plan fiscal, par exemple, on sait que lutter contre les dérèglements climatiques suppose de mettre un prix significatif sur le carbone, mais le faire sans rien changer à notre système fiscal pose des questions de justice fiscale et d'acceptation de l'impôt. Développer une fiscalité écologique implique donc une réflexion globale sur les prélèvements, qu'ils touchent le travail ou d'autres domaines.

Nos concitoyens savent que leur monde va être bouleversé par le dérèglement climatique, par la révolution numérique, par les mutations du travail. Ils se demandent où nous allons. Nous devons donc fixer un cap clair, donner du sens à ces transformations. Mon ministère est celui de la transition écologique et solidaire, car c'est bien dans une transition que nous sommes engagés. Nous nous trouvons au point A, qui n'est plus satisfaisant. Quel est le point B où nous voulons aller ? La stratégie bas carbone (SBC) vise à définir ce point d'arrivée et le cap à suivre : des transports propres, des bâtiments mieux isolés pour que les Français voient baisser leur facture d'électricité, une production d'énergie qui ne génère plus de pollution, une activité agricole qui émette moitié moins de gaz à effets de serre, des déchets qui deviennent des ressources au lieu d'être des détritus que l'on enterre.

Pour y parvenir, il faut remettre la nature de notre côté. Atteindre la neutralité carbone implique de renforcer nos puits de carbone et l'agriculture peut nous y aider. Le Gouvernement a lancé le plan climat dès le début du mandat présidentiel pour faire progresser le droit à l'environnement, en finir avec les énergies fossiles et mieux préserver la nature.

Rome ne s'est pas faite en un jour. Le temps des luttes pour transformer en profondeur les sociétés est un temps long. Chaque jour, des solutions émergent. Et notre devoir, c'est autant de les encourager que de les développer. C'est tout l'enjeu du plan national d'adaptation au changement climatique, qui a été construit à travers une large concertation. Trois cents personnes ont participé aux six groupes de travail et des solutions ont été élaborées. Le plan national d'adaptation s'est appuyé sur les initiatives et les exemples locaux. Je pense, par exemple, au chantier mis en oeuvre par la ville de Paris pour limiter l'artificialisation et l'imperméabilisation des sols et lutter notamment contre les îlots de chaleur. Monsieur Féraud comme Monsieur Bargeton en savent quelque chose, puisque la ville de Paris a notamment décidé de végétaliser les cours de ses écoles publiques. Je pense, également, à vous, Monsieur le sénateur Dantec, qui aux côtés de Jean-Marc Ayrault avez oeuvré pour développer l'éco-quartier de la Prairie-au-Duc. Ou encore chez vous, Monsieur le sénateur Pemezec, au Plessis-Robinson, où les cantines servent désormais du bio. Ce sont autant de preuves que la résilience de nos villes et de nos villages aux transformations globales est en cours.

Maintenant que ce plan d'adaptation au changement climatique est défini, il nous appartient de mobiliser pleinement les acteurs économiques et les territoires autour de ses enjeux, pour identifier les leviers et les actions à conduire. Nous devons mettre à leur disposition des outils de diagnostic, des ressources pour que chacun puisse se projeter dans l'adaptation et la mettre en oeuvre à son échelle. Nous avons besoin, également, j'achèverai mon propos sur ce point, que des fonds soient massivement dirigés vers tous ces investissements durables que nous réalisons déjà et qui doivent être poursuivis, développés, intensifiés. La transition écologique nécessite 60 à 80 milliards d'euros par an. On estime que, par rapport à ces besoins, le manque est d'environ 20 milliards d'euros. Or, on l'a vu avec la taxe carbone, ce ne sont pas les contribuables qui vont financer cela. C'est pour cela qu'aux côtés du Président de la République, j'oeuvre au quotidien pour convertir le monde de la finance au durable. Le capital existe, mais il faut trouver les outils qui permettent de le flécher vers des projets durables. On pourrait aussi parler du volet assurantiel, qui est essentiel.

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