Merci de cette initiative. Votre assemblée avait su, en première lecture, améliorer sensiblement le texte.
Toutes nos positions sont communes, concertées et ont été votées unanimement par les élus représentants des avocats.
Sur les principes, le Gouvernement veut déjudiciariser pour gérer des stocks, ce qui nous inquiète. Nous souhaitons que chacun conserve un accès au juge. Le juge est au service d'hommes et de femmes. Dès qu'elle se borne à traiter des dossiers, la justice s'éloigne de sa finalité. La déjudiciarisation s'effectue aussi au profit d'acteurs privés. Ne basculons pas vers une justice privée ou au service d'acteurs privés, comme le prévoit l'article 3 du projet de loi avec les plates-formes pour lesquelles nous voulons une certification obligatoire et non facultative. Une déjudiciarisation s'effectue au profit d'administrations ou d'associations de droit privé, comme la caisse des allocations familiales (CAF) pour les pensions alimentaires. Regardez les files d'attente devant les agences : les personnes qui viendront demander la révision de leur pension alimentaire ne vont qu'aggraver la saturation du service.
Enfin, cette déjudiciarisation se fait sans garantie. Si l'on supprime le juge, il faut une contrepartie. Les avocats sont une profession réglementée, ils apportent des garanties aux citoyens : indépendance, secret professionnel, déontologie, formation... Cette garantie n'est pas utilisée dans cette réforme.
La méthode combine deux procédés dangereux : expérimentation et renvoi aux ordonnances. L'expérimentation ne peut être un moyen de légiférer en douce sur le tribunal criminel départemental, la révision des pensions alimentaires par le directeur de la CAF, la réforme des cours d'appel, la dématérialisation de la notification de ses droits au gardé à vue... Ces expérimentations risquent de s'inscrire dans le droit positif parce qu'il sera difficile de revenir en arrière. Comment le ferions-nous une fois que les structures administratives se seront organisées, que les budgets auront été affectés à ces missions et que des personnels auront été formés aux nouvelles procédures ?
Le Gouvernement associe à cette expérimentation le recours aux ordonnances, ce qui donne un effet iceberg : on ne voit plus la réforme dans sa globalité. Le nombre d'expérimentations associées aux ordonnances risque d'occulter tout le débat et d'établir durablement des mesures pourtant annoncées comme provisoires...
Nous proposons trois points d'amélioration du volet civil de la réforme. Nous demandons que les plates-formes numériques de médiation, prévues à l'article 3 du projet de loi, puissent faire l'objet d'une certification obligatoire. À l'origine, nous avions demandé une labellisation par des professionnels du droit pour plus de garanties. Pourquoi pas une certification, si elle est obligatoire...
L'article 2 prévoit le recours obligatoire à la conciliation et à la médiation. On va généraliser le recours à ces plates-formes, qui contribueront directement au service public de la justice. On ne peut pas subordonner l'accès au juge au recours par le justiciable à des acteurs du secteur marchand ni contrôlés, ni réglementés, ni certifiés. C'est d'autant plus important qu'avec l'open data, il faut des garanties particulières, notamment sur l'algorithme qui sera utilisé.
À l'article 6, l'Assemblée nationale nous a envoyé un signal en encadrant les pouvoir d'appréciation du directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) sur la revalorisation des pensions alimentaires, mais nous craignons l'absence de définition de ce qu'est un dossier complexe. Nous demandons donc la suppression de cet article qui n'a aucun sens et va compliquer le traitement des dossiers. Le directeur de la CAF n'a pas à se substituer au juge.
Sur la dématérialisation des procédures, l'article 13 prévoit que la procédure devant le tribunal de grande instance (TGI) peut se dérouler sans audience, à l'initiative des parties lorsqu'elles en sont expressément d'accord ; mais le tribunal peut également décider de tenir une audience s'il estime impossible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande. Si l'une des parties le demande, il faudrait prévoir que le tribunal tienne une audience sans laisser au juge cette faculté d'appréciation.
Nous pourrons revenir au cours du débat sur la suppression de la représentation obligatoire par avocat en appel en matière de contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale : l'avocat apporte des garanties sur des dossiers particulièrement complexes.