Intervention de Marie-Aimée Peyron

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 janvier 2019 à 10h30
Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions nouvelle lecture — Table ronde de représentants des avocats des magistrats et des fonctionnaires de greffe

Marie-Aimée Peyron, bâtonnier du Barreau de Paris :

Je remercie tous les sénateurs et sénatrices de ce travail de qualité. Vous étiez parvenus à un rééquilibrage entre les droits des victimes et de la défense en matière pénale. Je me concentrerai sur le volet pénal de la réforme.

Permettez-moi une parenthèse. Ce texte ne répond pas aux véritables difficultés que nous rencontrons, à savoir un manque de moyens humains et financiers. Actuellement, pour 1 000 euros d'argent public, seuls 4 euros sont dépensés pour notre justice. Nous allouons à notre système judiciaire 66 euros par habitant, alors que l'Allemagne y consacre le double et la Suisse, quatre fois plus. Nous manquons cruellement de greffiers, de magistrats et de procureurs, ce que dénoncent toutes les études européennes.

En matière pénale, nous voulons garantir les droits de la défense dans le cas du régime de la garde à vue. À l'article 31, le Sénat avait maintenu l'obligation de présenter le gardé à vue au procureur de la République pour autoriser le prolongement de sa garde à vue au-delà de 24 heures. Il faut maintenir le droit en vigueur et conditionner la prolongation d'une garde à vue à la présentation au procureur de la République de la personne concernée. De même, l'avocat doit être obligatoirement informé en cas de transport du gardé à vue sur un autre lieu, au cas où ce transport puisse amener à découvrir, en sa présence, des éléments qui l'incriminent. De même, il convient d'informer l'avocat en cas d'hospitalisation, et informer la victime de son droit à être assistée d'un avocat. À l'article 31 bis, le Sénat avait adopté un amendement précisant qu'au cours de l'enquête de flagrance et de l'enquête préliminaire, la victime doit être informée de son droit d'être assistée par un avocat dès son dépôt de plainte et pour toute audition par les forces de l'ordre. Nous souhaiterions que vous rétablissiez ces dispositions, puisqu'elles ont été supprimées à l'Assemblée nationale. Nous nous mobiliserons à vos côtés pour renforcer le contradictoire, en améliorant l'accès au dossier par l'avocat durant la garde à vue, dans le cadre de l'enquête préliminaire, dans un contexte où le parquet dispose de davantage de prérogatives. De même, l'avocat doit être informé d'une perquisition, comme vous l'aviez prévu au Sénat.

Il faut aussi revenir sur l'allongement du délai au terme duquel il est possible de se constituer partie civile. Nous remercions les députés qui sont revenus au délai de trois mois, tout en laissant la possibilité de le prolonger de trois mois supplémentaires si l'enquête l'exige. Mais la rédaction actuelle est juridiquement floue. Nous proposons donc que cette décision de prolongation du délai revienne au doyen des juges d'instruction ; ce serait une solution simple, claire et précise.

À l'article 35, le Sénat avait rendu obligatoire le consentement préalable du justiciable à la visioconférence pour le placement en détention provisoire et sa prolongation. Cela est absolument essentiel pour garantir les droits de la défense. L'Assemblée nationale a adopté plusieurs dispositions pour améliorer et clarifier l'article, mais le Gouvernement a limité les cas où le justiciable peut refuser la visioconférence au placement initial en détention provisoire et, pour sa prolongation, à la seule hypothèse où son transport doit être évité en raison de risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion.

À l'article 27, nous appelons le Sénat à restreindre le recours aux perquisitions, géolocalisations et interceptions par voie de communication électronique aux infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement comme vous l'avez fait en première lecture. De même, à l'article 22, limitez le recours aux enquêtes sous pseudonyme aux infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement.

À l'article 29, nous vous demandons d'encadrer le recours aux techniques spéciales d'enquête, afin de mieux garantir les libertés fondamentales. Précisez que les autorisations de techniques spéciales d'enquête doivent faire l'objet de recours devant la chambre de l'instruction ; supprimez la possibilité qu'en cas d'urgence, les techniques spéciales d'enquête puissent être autorisées par le procureur de la République sans contrôle préalable d'un juge. Le juge des libertés et de la détention (JLD) doit pouvoir intervenir au cours de l'enquête, en amont de l'autorisation. Un procès-verbal de l'opération de destruction doit être rédigé et adressé aux avocats et aux parties s'ils le demandent.

Enfin, à l'article 32, nous voulons limiter le recours à l'enquête en flagrance aux infractions punies d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans. Ce seuil paraît beaucoup plus adapté pour garantir l'équilibre entre l'efficacité de l'enquête et les droits des justiciables.

À l'article 39, nous voulons supprimer l'allongement de trois à cinq jours de la durée maximale de la détention provisoire en cas de déferrement préalable à une comparution immédiate, disposition manifestement attentatoire aux libertés. À l'article 42, nous souhaitons revenir sur l'expérimentation du tribunal criminel départemental. Mes collègues reviendront sur les problèmes de surpopulation carcérale que ce projet de loi ne fera que renforcer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion