Je vous remercie également de cette invitation. Le sentiment des magistrats est que le projet de loi est quasiment déjà adopté définitivement pour le Gouvernement et sa majorité. Nous espérons beaucoup de ce nouvel examen au Sénat.
Nous avons tous reçu la semaine dernière une note de la direction des services judiciaires nous expliquant comment allait se mettre en oeuvre la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance. Nous avons peu apprécié ce tour de passe-passe consistant présenter la mesure comme une simple réforme administrative, qui ne changera rien... Nous savons bien que si !
Par exemple, il a été question à un moment de nommer les tribunaux d'instance « chambres détachées » : il faut arrêter de vouloir nous faire prendre des vessies pour les lanternes !
Je reviendrai sur la fusion. On nous dit qu'elle ne changera rien. Le socle de compétences qui était celui du tribunal d'instance, cette justice spécifique peu coûteuse, rapide, efficace, simple d'accès pour tout le monde, va disparaître. Les contentieux sur lesquels on met l'accent en période de pénurie, ce ne sont pas ceux de la justice de proximité, ni les contentieux des litiges de moins 10 000 euros, relatifs par exemple à la consommation, mais les affaires pénales et les affaires familiales !
La note qui nous a été adressée il y a quelques jours indique que le contentieux des litiges de moins 10 000 euros figurera par décret dans le socle de compétences des futures chambres détachées. Il y a plusieurs écueils. D'abord le contentieux des litiges de moins de 10 000 euros est aujourd'hui attribué par la loi, non par décret, au juge d'instance. Ici, il s'agira d'un décret que le Gouvernement pourra modifier comme il veut. Par ailleurs, qui est concerné par les chambres détachées ? Beaucoup de tribunaux d'instance sont actuellement dans la même ville que le tribunal de grande instance... Donc, cela ne changera rien. On se paye vraiment de notre tête !
Il en va pareillement de toutes les dispositions dans ce projet de loi, mais il est difficile de le mettre en évidence et de le démontrer aux justiciables, aux citoyens, aux députés, aux sénateurs, à nos représentants parlementaires. Cette réforme, pourtant, met fin à la justice de proximité et à un certain nombre de principes fondateurs qui font le sens de nos fonctions de magistrat.