Nous souscrivons à un grand nombre des interventions précédentes. L'alerte a été donnée dès le début 2018. Lorsque des représentants du monde judiciaire qui ont a priori des intérêts divergents se sont unis pour la défense du service public, le Gouvernement aurait dû se poser des questions !
Ayant fait une grande partie de ma carrière au sein des conseils de prud'hommes, je partage entièrement les propos de mon collègue de la CGT. L'amendement 870 rectifié de la rapporteure à l'Assemblée nationale a ainsi modifié le texte de l'article 53 dans son alinéa 12 : « lorsqu'un conseil de prud'hommes a son siège dans la même commune que le siège d'un tribunal judiciaire ou de l'une de ses chambres de proximité, le greffe du tribunal judiciaire comprend, d'une part, les services de greffe de cette juridiction et, d'autre part, le service de greffe du conseil des prud'hommes, dans des conditions propres à garantir le bon fonctionnement du conseil de prud'hommes. »
La rapporteure explique que cet amendement a été rédigé en collaboration avec l'organisation syndicale FO-tribunaux de commerce. Or les greffiers des tribunaux de commerce n'ont rien à voir avec ceux des prud'hommes : ils ne sont pas fonctionnaires, et leur rémunération n'est certes pas la même ! Cela montre une méconnaissance totale du monde de la justice, en particulier prud'homale. Cet amendement intègre le greffe au sein du tribunal judiciaire, ce qui permettra à ce dernier de disposer librement du personnel affecté au conseil de prud'hommes. Comme nous l'avons dit en février 2018, nous avons tout simplement l'impression de devenir des pions. La consultation du président du conseil de prud'hommes prévue par le même amendement n'apporte aucune garantie, puisque ne sont précisées ni les modalités de la consultation, ni la portée de l'avis. Enfin, l'ignorance du fonctionnement de la juridiction prud'homale est d'autant plus flagrante qu'il n'est pas fait mention de la consultation du vice- président, nécessaire dans une juridiction paritaire.
Enfin les motifs avancés nous paraissent fallacieux. La garde des Sceaux avance comme unique argument l'intégration des greffiers de prud'hommes aux SAUJ. Or depuis un arrêté du 13 juillet 2017, des agents du conseil de prud'hommes travaillent au sein des SAUJ. De plus, il est avéré que les justiciables ne s'adressent pas à ces services d'accueil pour les conflits du travail, puisqu'ils ont bien identifié le conseil de prud'hommes comme juridiction compétente. La rapporteure fait valoir une allocation optimale des moyens, mais c'est bien le tribunal judiciaire qui bénéficiera des personnels du conseil de prud'hommes, et non le contraire. Le but inavoué de ce texte est la disparition de la juridiction prud'homale.
Il est stupéfiant que le Gouvernement ne tienne pas compte de l'étude d'impact d'avril 2018 qui écartait l'absorption des tribunaux de commerce et des conseils de prud'hommes par les TGI, au motif que la composition de ces entités est très différente et que cette organisation offre une grande visibilité aux yeux des citoyens. Ce texte mélange le tout et le n'importe quoi, le réglementaire et le législatif ; il bouleverse l'organisation du monde judiciaire et la perception qu'en ont les citoyens.
Nous demandons un amendement qui propose systématiquement une alternative à la dématérialisation. Comment ferons-nous lorsque la vidéoconférence ne fonctionnera pas ? Dans le TGI de l'Ouest parisien où je travaille, nous avons eu une panne électrique d'une demi-journée et des pannes informatiques régulières qui ont entraîné l'arrêt total de l'utilisation de nos outils informatiques. On nous promet 500 millions d'euros pour la dématérialisation, or le Québec a engagé les mêmes sommes pour six fois moins d'habitants.