Intervention de Dominique Dhumeaux

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 17 janvier 2019 : 1ère réunion
Audition de M. Dominique Dhumeaux président de l'amr72 maire de la commune fercé-sur-sarthe sur les questions relatives aux collectivités territoriales et à la décentralisation évoquées dans les « cahiers de doléances » réunis par l'association des maires ruraux de france amrf dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes »

Dominique Dhumeaux, président de l'AMR72, maire de la commune de Fercé-sur-Sarthe :

Il ressort de nos débats au sein de l'Association des maires ruraux que le vécu et le ressenti sont très différents de ce que vous décrivez. Il est important de comprendre le caractère insatisfaisant pour un maire qui se retrouve à débattre d'une compétence, alors que celle-ci a été préconstruite et édulcorée, en se voyant ôter tous les sujets qui fâchent. Au lieu de cela, avant de réfléchir à telle compétence, à tel budget ou investissement lourd, il conviendrait que la conférence des maires se réunisse, pour que soit trouvé conjointement le moyen d'accompagner le raisonnement de chacun. Cette démarche est donc bien différente. Par exemple, pour la compétence liée à la petite enfance, si le président d'intercommunalité réunissait une majorité des élus autour de son projet, il n'aurait pas d'autre choix que celui du consensus. Il y aurait donc toutes les chances pour que ce projet irrigue un maximum de territoires, atteigne une population étendue, et qu'il ne soit pas centré sur une commune unique. Tel est aussi le fonctionnement de l'être humain. Je suis donc convaincu de la nécessité de modifier le modèle.

Le deuxième sujet est celui des transferts de charges. Il faut imposer par la loi qu'il soit opéré avant le transfert de compétences. Je rencontre un nombre non négligeable de maires qui ont le sentiment de s'être fait abuser, en voyant prélever sur le budget de leur commune des sommes qui n'avaient jamais été mentionnées. C'est une catastrophe pour la confiance, et cela constitue pourtant le vécu de toutes les intercommunalités de France. En Sarthe, j'ai diligenté un sondage auprès de mes collègues, d'où il ressortait que 69% d'entre eux ne souhaitaient pas se représenter. Plus des deux tiers invoquaient l'intercommunalité pour raison principale. Il est essentiel que le président d'intercommunalité prenne conscience qu'il joue un rôle d'animateur, et uniquement cela.

Par ailleurs, la loi sur l'assainissement de l'eau représente un véritable problème pour les maires : les réseaux d'eau potable sont de mauvaise qualité, et les fonds à réunir pour y remédier sont conséquents.

Sur le sujet de la dématérialisation, nous constatons que les gens viennent en mairie pour prendre des rendez-vous avec des médecins spécialistes, car ils ne savent pas le faire par internet. Aujourd'hui, nos secrétaires de mairie ne sont pas protégés juridiquement pour accompagner un citoyen en mairie sur des problématiques de déclarations d'impôt sur internet. À la mairie, nous avons réuni des cahiers où sont listées les adresses mail des citoyens, c'est-à-dire celles que nous leur avons nous-mêmes créées, ainsi que leurs codes et mots de passe. À l'évidence, nous n'avons pas le droit de procéder ainsi. Pour autant, cette création d'adresses mail par nos soins était la seule solution imaginable pour permettre aux citoyens de remplir leurs démarches. Nous avons aussi constaté que les personnes âgées n'étaient pas les seules concernées. En effet, un jeune de vingt ans sur quatre n'est pas en mesure d'écrire un mail et d'y associer une pièce jointe. La situation ne va donc pas s'améliorer du jour au lendemain.

Parfois, le mépris des maires ressenti ressort des cahiers de doléances, mais, comme pour les sénateurs, nous devons l'accepter. De même, les rémunérations des parlementaires, sénateurs ou députés, sont décriées. Néanmoins, ces revendications apparaissent anecdotiques dans l'ensemble, elles s'inscrivent dans le même ordre de doléances que la retraite du Président de la République ou le salaire de Carlos Ghosn. Pour anecdote, mon préfet m'a appelé hier pour m'annoncer la décision de la rectrice académique de fermer cinquante classes en Sarthe à la prochaine rentrée 2019. L'unique but est de dédoubler les classes de CE1 en REP et REP+. Nous allons donc annoncer aux citoyens que des classes de vingt-cinq élèves vont fermer dans leurs villages, pour que l'enseignant libéré aille au Mans faire la classe à douze élèves. Je ne suis pas certain que cette annonce soit appréciée...

Sur le résultat du grand débat, les questions sont nombreuses. Nous ne savons pas ce qu'il en ressortira, mais il est indispensable que le plus grand nombre de citoyens y participe. Au contraire, si la participation est faible, il est à craindre que nos concitoyens se rabattent sur d'autres extrémités. En tout état de cause, il ne faudrait pas que le résumé des doléances soit trop éloigné des origines du mouvement. Il conviendra en outre que le chef de l'État s'exprime rapidement sur les suites qu'il entend y donner.

S'agissant du Sénat, nos concitoyens expriment majoritairement un regard désabusé à travers les cahiers de doléances. Pourtant, nous-mêmes, élus locaux, expliquons souvent que les sénateurs sont les parlementaires les plus à l'écoute de notre expression. Nous continuerons d'affirmer que le rôle des sénateurs a son importance, d'autant qu'ils sont notre principal lien avec l'État.

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