Intervention de Stéphane Lardy

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 février 2019 à 9h30
Audition de M. Stéphane Lardy en vue de sa nomination au poste de directeur général de france compétences en application de l'article l. 6123-8 du code du travail

Stéphane Lardy, candidat pressenti pour occuper le poste de directeur général de France compétences :

Merci pour cette audition. Même si c'est une exigence de la loi, elle me permet de faire le point avec vous sur les premiers pas de ce nouvel établissement.

Tout d'abord, je vais vous présenter les missions de France compétences qui a été créée par la loi du 5 septembre 2018, complétée par le décret du 28 décembre 2018. Il s'agit donc d'un établissement public à caractère administratif (EPA), doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle du ministre en charge de la formation professionnelle.

France compétences a quatre missions principales : financer et distribuer ; réguler et contrôler ; observer et évaluer ; informer et rendre compte.

La première mission consiste donc à répartir et à verser les fonds en matière d'apprentissage et de formation professionnelle aux différents acteurs et institutions.

France compétences versera donc des fonds aux futurs opérateurs de compétences (OPCO) pour le financement de l'alternance et l'aide aux TPE-PME ; aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR) qui se substituent aux Fongecifs pour le financement et la gestion du compte personnel de formation (CPF) de transition et du CPF des démissionnaires ; à l'État pour le financement du Plan d'investissement dans les compétences ; à la Caisse des dépôts et consignations pour le Compte personnel de formation ; aux prestataires choisis par appel d'offre pour la mise en oeuvre du Conseil en évolution professionnelle pour les actifs occupés ; aux régions dans le cadre de la dotation régionale sur l'apprentissage à partir de 2020 ; à l'Agence de service des paiements (ASP) pour l'aide au permis de conduire de 500 euros.

France compétences gardera en outre une partie des contributions afin d'assurer la péréquation des fonds de l'alternance. En effet, si une branche professionnelle n'a pas suffisamment de fonds au sein de son OPCO pour assurer le financement des contrats d'apprentissage ou de professionnalisation, ce dernier pourra demander une ressource complémentaire auprès de France compétences.

En 2021, ce seront les Urssaf qui collecteront les contributions formation professionnelle et apprentissage et ce sera France compétences qui assurera un rôle de répartiteur. Les contributions attendues avoisineront 10 milliards d'euros. Pour les années 2019 et 2020, les textes réglementaires et notamment le décret du 28 décembre 2018 fixent les modalités transitoires de collecte et de répartition des enveloppes budgétaires. Ainsi, France compétences devra verser avant le 31 octobre 2019 à l'État une dotation pour le PIC de 1,532 milliard.

La deuxième mission concerne la régulation globale du système, afin de s'assurer de son bon fonctionnement. Pour cela, France compétences aura plusieurs outils à sa disposition. Il s'agit de réguler les coûts et les règles de prise en charge des formations, les suivre et émettre des recommandations sur leurs évolutions. Ainsi, France compétences devra émettre des recommandations sur les niveaux de prise en charge fixés par les branches dans une logique de convergence des coûts. À titre d'exemple, nous savons que 137 valeurs seront émises par les branches sur le BTS Management des unités commerciales. Il reviendra donc à France compétences de les analyser et de proposer des niveaux de prise en charge qui assurent une convergence des prix.

La notion de recommandation est très large dans la loi. Ainsi, France compétences pourra émettre des recommandations sur la qualité des actions de formation et leur impact sur le niveau de qualification des actifs, sur l'égalité d'accès femme/homme ou sur l'accès des personnes en situation de handicap. Ces recommandations seront publiques et transmises aux pouvoirs publics.

France compétences pourra aussi exercer une sorte de droit d'alerte en signalant aux services de contrôle de l'État tout dysfonctionnement identifié dans le cadre de ses missions en matière de formation professionnelle.

France compétences devra s'assurer que les certifications professionnelles répondent aux besoins de l'économie par le biais de l'établissement au Répertoire national de la certification professionnelle, répertoires spécifiques. C'est pour cela que l'ex commission nationale de certification professionnelle (CNCP) a intégré France compétences.

Réguler c'est également organiser le Conseil en évolution professionnelle (CEP) et animer les acteurs retenus dans le cadre de l'appel d'offres qui est actif depuis octobre 2018.

Il s'agira en outre de coordonner les acteurs du CPF de transition professionnelle, notamment en organisant un système d'information commun à l'ensemble des commissions paritaires interprofessionnelles régionales et en harmonisant les règles de validation des dossiers de CPF de transition sur l'ensemble du territoire.

France compétences suivra aussi la mise en oeuvre des CPRDFOP au niveau régional.

Enfin, le décret du 28 décembre a créé la fonction de médiation. C'est l'un des cas où France compétences sera en contact direct avec le bénéficiaire final puisqu'il sera chargé de répondre aux réclamations individuelles des usagers du conseil en évolution professionnelle (CEP) et du CPF de transition professionnelle

L'observation et l'évaluation constituent la troisième grande mission de France compétences. Elle devra évaluer la qualité des actions de formation, ce qui passe par le suivi des résultats en matière d'accès à l'emploi et à la qualification, le suivi de l'articulation orientation/formation et le suivi en matière d'égal accès de tous les actifs.

France compétences devra aussi consolider et rendre publics les travaux des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications des branches professionnelles. Cette fonction d'évaluation donnera lieu à des recommandations publiques.

Enfin, ces missions et ces interventions feront l'objet d'une publicité. Avec cette quatrième mission, France compétences s'inscrit dans une logique de plus grande transparence du système global. Ainsi, elle publiera les recommandations, rédigera et diffusera le rapport annuel sur l'usage des fonds auprès du Parlement et du ministère du travail, ainsi que le rapport annuel sur l'activité du médiateur. France compétences publiera aussi des synthèses d'études et de travaux sur la formation professionnelle et l'alternance.

Je vais maintenant présenter la gouvernance de France compétences, qui est quadripartite avec des représentants de l'État, des organisations syndicales et des organisations professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel, des régions et de deux personnalités qualifiées. Ces deux dernières sont nommées par arrêté du ministère du travail. Il s'agit de M. Jérôme Tixier, ancien directeur des ressources humaines de l'Oréal et de Mme Geneviève Manarinno, vice-présidente du conseil départemental du Nord sur les questions de l'autonomie des personnes âgées et personnes en situation de handicap, et qui est également élue municipale à Valenciennes.

La loi et le décret disposent que l'une des personnalités qualifiées doit être titulaire d'un mandat électif local et que l'une d'elle est désignée après avis du ministre chargé du handicap. Le président du conseil d'administration doit être désigné parmi les personnalités qualifiées. M. Jérôme Tixier a été désigné comme président par décret du 14 janvier 2019.

En outre, le décret du 28 décembre 2018 dispose que le président du conseil d'administration présente chaque année l'activité de l'établissement ainsi que ses perspectives de travail à une assemblée composée des membres du conseil d'administration et de douze représentants de l'État, de représentants des organisations professionnelles représentatives au plan national multiprofessionnel, des représentants des organisations syndicales de salariés intéressées, des représentants des trois réseaux consulaires et d'un représentant de la Conférence des présidents d'université.

J'en viens à l'organisation interne de France compétences, issue du rassemblement du Cnefop, de la CNCP et du FPSPP, et qui a abouti à la fusion d'une partie des missions et au rassemblement des personnels. Ayant été nommé préfigurateur fin octobre, mon principal travail a été d'organiser le transfert matériel et juridique du personnel afin d'être prêt au 1er janvier 2019, date de la création de France compétences. L'établissement ayant repris les anciens locaux du FPSPP, 11 rue scribe à Paris, il a fallu effectuer des travaux de réaménagement afin d'accueillir les personnels du Cnefop et de la CNCP qui se trouvaient physiquement à Montparnasse. Les personnels se sont installés dans leurs nouveaux locaux le 11 janvier 2019. France compétences étant soumis à un plafond d'emploi de 70 ETPT, il y a, à ce jour, 67 collaborateurs dont le directeur général par intérim, trois recrutements externes, 43 personnes venant du FPSPP, 16 personnes venant du CNCP et 4 personnes venant du Cnefop.

Concernant l'organigramme fonctionnel, cinq directions métiers ont été créées : une direction en charge de la certification qui aura pour mission d'organiser l'enregistrement des titres au registre national et au répertoire spécifique ; une direction politique de financement qui sera chargée d'assurer la répartition des fonds auprès des différents acteurs et institutions et exercera un dialogue de gestion avec les OPCO ; une direction de la régulation qui émettra des recommandations sur les prises en charge des contrats en alternance et mettra en place un observatoire des coûts sur l'ensemble du champ de la formation professionnelle ; une direction territoires et partenariats qui sera chargée de construire l'appel d'offres pour le CEP des actifs occupés et qui suivra les CPIR dans leur mission sur le CPF de transition et du CPF démissionnaire. Elle devra également construire des partenariats avec les régions afin d'assurer un suivi qualitatif des CPRDFOP. Enfin, la direction évaluation et observations travaillera sur les évaluations qui permettront notamment à France compétences d'émettre des recommandations aux pouvoirs publics.

Je vais vous présenter les premières décisions de l'établissement et les principaux chantiers pour cette année. Le conseil d'administration d'installation a eu lieu le 17 janvier. Il a été l'occasion de travailler sur le règlement intérieur et la charte de déontologie à laquelle sont soumis l'ensemble des membres du conseil d'administration ainsi que le personnel de l'institution. Il a été donné un avis sur la nomination du directeur général, un budget de fonctionnement transitoire a été voté ainsi qu'une délibération permettant au directeur général par intérim de signer la convention financière et de gestion avec l'Agence de service et de paiement (ASP) pour le versement de l'aide au permis de conduire de 500 euros pour les apprentis.

Nous avons prévu un conseil d'administration tous les mois pour le premier semestre car des échéances importantes nous attendent.

Concernant la certification professionnelle, le cadre juridique de la fonction de France compétences, fixé par l'article 31 de la loi du 5 septembre 2018, est précisé par le décret du 18 décembre 2018 relatif à la procédure d'enregistrement au RNCP et au répertoire spécifique. Ce cadre juridique détermine la composition et le fonctionnement de la commission, les critères d'enregistrement et la procédure de contrôle en cours d'enregistrement des organismes certificateurs.

L'arrêté du 4 janvier 2019 fixe les informations permettant l'enregistrement d'une certification professionnelle ou d'une certification ou habilitation dans les répertoires nationaux. Cet arrêté prévoit une téléprocédure pour le traitement des demandes d'enregistrements aux répertoires.

Dès la première semaine de février, cette téléprocédure permettra une meilleure traçabilité et une meilleure réactivité de la procédure de demande d'enregistrement qui jusqu'à présent se réalisait par dépôt de dossier papier.

Un nouveau site public des répertoires est prévu pour avril afin d'améliorer la lisibilité de l'offre de certifications pour les entreprises, les actifs et les professionnels du secteur de la formation professionnelle. Consécutivement, des travaux d'optimisation des systèmes d'information des répertoires s'échelonneront sur l'ensemble de cette année pour permettre notamment de réaliser une interface avec le système d'information du CPF qui sera géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Enfin, la désignation des membres de la commission de la certification professionnelle de France compétences par les ministères et organisations membres de celle-ci est en cours depuis janvier. Une première réunion d'installation de la commission devrait intervenir début mars afin de partager les évolutions portées par la loi et ses textes d'application, d'adopter le règlement intérieur et d'informer sur les modalités d'instruction par les services de France compétences des demandes d'enregistrement soumis pour avis à la commission.

Le prochain conseil d'administration du 14 février sera l'occasion de fixer la répartition des enveloppes pour 2019. Le conseil d'administration doit émettre avant le 15 mars des recommandations sur les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage fixés par les commissions paritaires nationales de l'emploi ou par les commissions paritaires de branche. Les branches professionnelles ont envoyé à leur OPCO avant le 1er février les niveaux de prises en charge qu'elles ont fixés. Le conseil d'administration du 7 mars y sera consacré. Soit nous serons d'accord, et il n'y aura pas de problème, soit nous ne le serons pas, et nous présenterons alors une recommandation pour fixer une autre valeur de prise en charge. Si des branches ne fixaient pas de valeur sur un diplôme ou sur un titre professionnel, nous engagerions un dialogue de gestion avec elles.

En avril, le budget d'intervention et d'investissement de France compétences devra être voté. Pour l'instant, notre instance fonctionne avec un budget transitoire d'un trimestre. En avril, nous devrons aussi lancer l'appel d'offres pour le choix des opérateurs régionaux sur le conseil en évolution professionnelle (CEP) des actifs occupés. Le choix des prestataires doit être réalisé vers octobre afin de leur permettre de se déployer sur le territoire pour être prêts le 1er janvier 2020.

J'ai trouvé des équipes au sein de la CNCP, du Cnefop et du FPSPP extrêmement motivées par ce nouveau défi et porteuses de grandes compétences professionnelles. Ces équipes dynamiques se sont mises très rapidement au travail.

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