Je tenterai de répondre à chacune de vos remarques.
Il est vrai que nous disposons d'une opportunité extraordinaire avec le déroulement du Mondial de football féminin. De nombreuses femmes éminentes sont réellement impliquées dans son organisation, dont Nathalie Boy de la Tour et Florence Hardouin, que vous avez évoquées. Je pense également à Brigitte Henriques, mais aussi à une jeune sportive, Laura Georges, qui promeut la mixité du sport et le sport féminin de façon impressionnante, ou encore à Corinne Diacre, qui est sélectionneur de l'équipe française féminine de football et qui est la seule à avoir entraîné une équipe d'hommes. J'aimerais aussi citer deux hommes qui sont fortement impliqués, à savoir Gianni Infantino, président de la FIFA et Noël Le Graët, président de la FFF. Noël Le Graët a affirmé lors de notre première rencontre que le football féminin était un sujet important, et notamment la question de l'accueil des filles.
En effet, le football attire de nombreux enfants, garçons et filles, et la sélection est exigeante. Nous observons également une implication très marquée des parents, qui se réalisent souvent au travers de leurs enfants dès le plus jeune âge. J'ai assisté à un match de l'OM avec des équipes d'enfants de trois ou quatre ans. Les parents exerçaient une telle pression sur les enfants que les entraîneurs ne savaient pas comment réagir ! Je suis favorable au sport en famille, mais il n'est pas bon pour les enfants de s'entraîner dans une telle ambiance, qui peut être contreproductive.
Nous avons évoqué différentes pistes avec Noël Le Graët sur la problématique de l'accueil. Le football, qui est très attractif, pourrait ainsi constituer un lieu de passage vers d'autres sports, notamment des sports collectifs tels que le handball, le basket-ball ou le hockey, pour les enfants qui sont attachés à l'idée de jouer en équipe. Nous envisageons également la possibilité de détecter par ce biais les populations qui ne savent pas nager et de leur proposer un plan d'apprentissage de la natation lors des vacances scolaires, en prévoyant des sessions de football le matin et de natation l'après-midi. Nous aimerions que le football devienne un sas vers d'autres sports moins populaires, mais très importants pour la sécurité, la santé et le bien-être des enfants.
S'agissant de la médiatisation du sport féminin, je suis convaincue que l'engouement autour du Mondial de football féminin nous permettra de progresser significativement. Je retiens néanmoins votre proposition de suggérer à Canal Plus de produire des programmes courts sur le Mondial qui seraient diffusés en clair. Bixente Lizarazu et Grégoire Margotton constitueront l'équipe n° 1 des commentateurs pour les matchs, ce qui est important pour la perception de cette compétition. Une journaliste couvrira par ailleurs le terrain. Pour l'anecdote, j'ai entendu ce type de remarques lors de la remise du Ballon d'or, il y a quelques jours : « C'est bien que le trophée des femmes ait la même taille que celui des hommes... » Il me semble que le travail médiatique et de communication autour de cet événement s'annonce positif.
Au niveau des associations, je suis consciente de l'importance de permettre aux femmes de s'engager plus en avant, notamment sur des postes de présidentes. Comme vous l'avez rappelé, la présence des femmes apportera une vision nouvelle aux associations en termes d'accueil et de besoins du public. Il me semble qu'une femme sera au plus près des problématiques d'éducation et d'accueil du public à différents âges de la vie.
Par ailleurs, nous souhaitons proposer une rémunération aux dirigeants des associations sportives, de manière à évoluer vers une professionnalisation plus poussée. Nous réfléchissons par exemple à une formule qui permette aux femmes de s'engager pendant des moments spécifiques tels que le congé parental ou des périodes de travail à temps partiel, durant lesquelles elles souhaitent passer du temps avec leurs enfants. Ces périodes nous paraissent opportunes pour proposer aux femmes une réflexion autour de l'engagement associatif, en prévoyant des postes rémunérés. Avec la ministre des Solidarités et de la Santé et la ministre du Travail, nous sommes en train d'évaluer les possibilités qui existent, en profitant par exemple de la baisse des charges patronales sur le SMIC à partir de l'année prochaine.
Concernant les sportives professionnelles, nous avons récemment édité avec l'ONISEP un guide spécifique qui n'existait pas auparavant, sur les formations relatives au sport. Cette brochure récapitule l'ensemble des diplômes et des filières relevant aussi bien du ministère de l'Éducation nationale que du ministère des Sports. J'ai également proposé de réaliser un guide dédié aux jeunes sportifs qui souhaitent mener de front une vie universitaire et une activité sportive. Il ne me paraît pas normal que ces derniers se voient aujourd'hui obligés de choisir entre les deux voies. Cette demande émane des commissions des athlètes, du Comité d'organisation des jeux olympiques (COJO), de l'INSEP ou encore de l'ONISEP. Il s'agit de créer une cartographie des formations qui existent, telles que les sections sports-études, les Centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS), mais aussi les universités qui proposent une plus grande pratique du sport. De cette manière, les jeunes pourront choisir leur orientation en toute connaissance de cause et seront en mesure de mener un double projet plus facilement. Il est aussi essentiel que les conseillers d'orientation prennent en considération ce double projet afin d'être en capacité de bien diriger les jeunes. Cette mesure sera également importante pour le développement du sport féminin.
D'après les discussions que j'ai pu avoir avec des sportives de haut niveau, je constate que certaines femmes n'ont pas forcément envie de se consacrer au sport à plein temps comme les hommes ont pu le faire par une professionnalisation accélérée. Les hommes sont convenus que cette transition vers le sport professionnel s'est déroulée de manière trop rapide. Les femmes souhaitent souvent poursuivre leurs études, car elles ne sont pas sûres qu'elles pourront vivre de l'argent qu'elles auront gagné durant leur carrière sportive.
Le pacte de performance sera également rénové et adapté à la réalité des sportifs qui s'entraînent aujourd'hui. Ce dispositif, qui a été mis en place par mon prédécesseur Thierry Braillard, permet à des entreprises de s'engager auprès des sportifs. Il peut s'agir d'un sponsoring durant les périodes d'entraînement intensif avant les compétitions ou d'un contrat de reconversion et d'intégration en fin de carrière, par exemple. Nous souhaitons que les entreprises soient impliquées dans la formation des athlètes et qu'il existe un lien avec leurs compétences et leurs aspirations professionnelles. Il sera important également de réfléchir à la manière dont les entreprises tireront avantage de leurs efforts à l'attention des sportifs, par exemple pour que ceux-ci bénéficient d'horaires aménagés adaptés aux périodes d'entraînement, et pour que leur soit proposée une véritable reconversion. Ces contrats pourront être utilisés de manière privilégiée pour les femmes, puisqu'elles reçoivent moins d'aides que les hommes, comme cela a été souligné.
Il est vrai que la Fédération française de handball a mis en place de nombreuses initiatives, notamment à travers l'organisation du Championnat d'Europe de handball féminin, que nous suivons attentivement. J'ai assisté au premier match des Bleues et je serai présente lors de la demi-finale et, je l'espère, de la finale. Je n'avais jamais vu de match de handball autrement qu'à la télévision et je rejoins votre impression, Madame la présidente. Il est intéressant d'emmener les familles voir les matchs pour susciter la curiosité des enfants, et notamment des filles, et les inciter à la pratique. Joël Delplanque, le président de la Fédération française de handball, qui a été Directeur des sports au ministère, est très impliqué sur ce sujet. Il nous a confirmé que la féminisation du handball s'inscrivait dans la stratégie globale de la Fédération.
En outre, le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse se montre très ouvert à une étroite collaboration avec notre ministère. Je souhaite pour ma part promouvoir les primo-apprentissages. Les enfants doivent selon moi apprendre à être en sécurité dans l'eau bien plus tôt que cela est le cas actuellement, dès l'école maternelle. Ensuite, à partir du CP ou du CE1, les enfants qui le souhaitent peuvent apprendre les nages codifiées. Nous envisageons également de mettre en oeuvre le « Plan vélo » dans le cadre de la loi Mobilité avec la ministre chargée des Transports. Certaines écoles s'engageront à la fois sur un aspect de sécurité routière et sur un apprentissage du vélo. Nager, pédaler et glisser sont à mon sens trois compétences qui doivent être développées dès le plus jeune âge. Nous souhaitons à ce titre renforcer les interventions des acteurs associatifs, de manière notamment à permettre aux entraîneurs des clubs de travailler à plein temps. Les « Plans mercredi »5(*) instaurés par le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse permettront de renforcer les liens entre l'école et le secteur associatif. Un coordinateur financé par nos deux ministères assurera le suivi sur ces questions.
Outre ces trois actions spécifiques, nous pouvons imaginer de créer un parcours sportif sur le même modèle que le parcours culturel qui existe au sein de l'Éducation nationale, et qui suivrait l'enfant, de l'école maternelle jusqu'à la licence, dans sa pratique sportive tant à l'école qu'en dehors des temps scolaires.
Par ailleurs, les filières sports-études seront incluses dans le guide de l'ONISEP. Le label Génération 2024, créé par le Comité d'organisation des JO (COJO) et repris par différents ministères, recense d'ailleurs toutes les actions proposées par les établissements scolaires créant un lien avec le sport, et souhaite favoriser leur émergence. Tous les établissements peuvent postuler auprès des rectorats. J'ai assisté à une remise de prix au Rectorat de Paris. Les actions labellisées peuvent être d'ordre général ou spécifique, par exemple en utilisant le sport pour traiter des mathématiques ou d'autres matières. Ce label vise à inciter l'Éducation nationale à se saisir du sujet du sport.
La Conférence permanente du sport féminin constituera un élément de coordination. Cette occasion nous permettra de proposer davantage de transversalité aux fédérations. Les solutions communes pourront être ainsi partagées. Les fédérations pourront s'en inspirer pour intervenir dans les écoles ou mener des politiques sportives fédérales féminines.
S'agissant du sport dans les quartiers, une réunion a eu lieu la semaine dernière en relation avec le ministère chargé de la Ville et du Logement afin d'identifier les fédérations qui mènent des politiques spécifiques sur ce sujet. Une autre réunion est prévue en janvier avec d'autres intervenants qui agissent dans les quartiers. Les acteurs fédéraux sont parfois considérés comme trop petits pour postuler à des financements conséquents d'autres ministères. Nous les avons réintégrés au ministère des Sports pour créer des collectifs et monter des projets communs. En outre, le plafond de financement du Plan d'investissement compétences (PIC)6(*) a été abaissé de deux millions d'euros à un million d'euros. Les acteurs sont incités à se regrouper pour répondre à ce type d'appel à projets porté par le ministère du Travail.
Madame la sénatrice, pouvez-vous préciser en quoi consistent les « parcours de santé sécurisés » que vous évoquiez précédemment ?