Intervention de Fabien Gay

Réunion du 5 février 2019 à 14h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 40

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Depuis son instauration, le droit de la propriété intellectuelle a cherché un juste équilibre : protéger les créateurs et inventeurs, sans que cela entre dans le champ de la privatisation totale afin de préserver l’intérêt général.

Mais il y a une réalité intangible : l’équilibre se rompt année après année, réforme après réforme, pour tendre vers une privatisation des inventions et des créations. Cela est allé tellement loin que la jurisprudence a dû elle-même rappeler que le droit de la propriété ne pouvait se placer au-dessus des droits fondamentaux.

Alors, oui, on peut comprendre que les inventeurs puissent jouir de l’exclusivité de leur invention durant les premières années de sa création. Cela vise tout à la fois à leur permettre de rentabiliser cette invention et à continuer de travailler dessus pour l’améliorer, sans que la concurrence joue à plein.

Mais les pratiques régulières de certains industriels et groupes d’intérêts, notamment en matière de brevets et de licences, dépassent largement ce cadre.

Nous pensons bien évidemment à l’industrie pharmaceutique, qui a fait l’objet de diverses études, notamment en Belgique. Certains exemples sont édifiants : ainsi, l’ajout d’une vitamine a pu permettre l’émission d’une nouvelle demande de brevet et créer des marchés monopolistiques indus, ainsi que des rentes largement supérieures pour un produit aussi efficace. D’ailleurs, il faut rappeler que Médecins du monde, Médecins sans frontières et dix-sept autres organisations ont attaqué devant l’Office européen des brevets le brevet d’un médicament contre l’hépatite C ayant fait l’objet d’un nouveau brevet contestable.

De fait, les trois alinéas que vise cet amendement tiennent parfaitement de cette logique de maintien dans le domaine privé.

Pourtant, de l’aveu même du Gouvernement, les certificats d’utilité sont particulièrement adaptés aux inventions à cycle de vie court – on peut penser aux prototypes ou aux inventions de technologies, dont on sait qu’elles seront périmées quelques années après. C’est d’ailleurs ce qui a justifié la mise en place d’un certificat limité à six ans, permettant notamment à des repreneurs de travailler sur des projets et prototypes abandonnés.

Le certificat d’utilité est donc autant un outil de protection qu’un moyen de stimuler la recherche. Il présente aussi des avantages non négligeables pour les déposants, puisqu’il coûte moins cher et ne nécessite pas de rapport de recherche.

Pour finir, doubler – ou presque – sa durée de vie, tout en facilitant la transition entre une demande de certificat d’utilité et une demande de brevet, revient à renforcer les mauvaises pratiques que je viens de dénoncer. Cette mesure ne répond à aucune logique économique ; c’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons de voter cet amendement.

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