Intervention de Guillaume Poitrinal

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 6 février 2019 à 9h00
Audition de M. Guillaume Poitrinal président de la fondation du patrimoine

Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du patrimoine :

La Fondation du patrimoine est née d'une proposition de loi d'origine sénatoriale en 1995. Elle constitue une initiative à la fois publique et privée, plusieurs grandes entreprises ayant versé des fonds au moment de sa création que l'État est venu abonder ensuite avec le produit des successions en déshérence. Cette combinaison publique et privée se poursuit aujourd'hui : je suis accompagnée de Célia Vérot, la directrice générale de notre fondation, qui est issue d'un grand corps de l'État, alors que je suis moi-même chef d'entreprise.

Le premier message que je souhaiterais vous transmettre, c'est que la fondation que vous avez créée va bien, même si elle est confrontée à un certain nombre d'enjeux. Sa mission est de soutenir le patrimoine non protégé au titre des monuments historiques ou patrimoine vernaculaire. À ce titre, nous contribuons à sauver le petit patrimoine et à dynamiser la vie locale dans les zones rurales en aidant à la réouverture de petits théâtres, de petits musées, de maisons d'écrivains... 70 % des projets que nous soutenons sont situés dans des communes rurales de moins de 2 000 habitants.

Nous avons aujourd'hui près de 2 800 projets pour lesquels des souscriptions sont ouvertes. Notre rôle est de lancer et d'accompagner ces projets : nous aidons les porteurs de projet dans leur lancement, leur donnons des moyens financiers, ouvrons des souscriptions populaires. J'attire votre attention sur le fait que nous sommes très attentifs à l'utilisation des fonds : nous n'octroyons nos subventions qu'une fois les travaux réalisés conformément au cahier des charges, sur présentation des factures. C'est l'un des éléments, avec le caractère désintéressé de notre gestion et le bénévolat, qui nous distinguent des acteurs qui se développent aujourd'hui dans notre secteur, en particulier les plateformes de crowfunding. Ces caractéristiques nous permettent de nous intéresser à tous les types de projets, y compris de faible envergure.

Nous nous appuyons sur une armée de 570 bénévoles à travers la France, qui oeuvrent au sein des cent délégations départementales et vingt-trois délégations régionales dont nous disposons. Nous avons également soixante-dix salariés à temps plein. Ces effectifs font de nous le premier organisme de soutien au patrimoine après l'État et nous permettent de nous concentrer sur le petit patrimoine, souvent négligé dans un pays comme le nôtre marqué par une tradition de centralisation.

Notre deuxième moyen d'action en faveur de la protection et de la valorisation du patrimoine est notre label « Fondation du patrimoine », que nous pouvons octroyer aux propriétaires privés dont les immeubles ne sont pas protégés au titre des monuments historiques, et qui leur permet de prétendre au bénéfice de dispositifs de déductions fiscales pour les travaux visibles de la voie publique qu'ils entreprennent. Nous distribuons environ 1 000 labels par an.

Sur le terrain, nous avons évidemment noué une collaboration avec les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) comme avec les architectes des bâtiments de France (ABF). Elle n'a pas été évidente à mettre en place au départ. Nous avons mis du temps à être reconnu par ces acteurs sur le terrain, mais notre réputation n'est désormais plus à faire, pour le plus grand bénéfice du patrimoine en général.

Cette année, nous avons injecté environ 48 millions d'euros d'aides directes et indirectes dans les projets, un montant qui a significativement augmenté avec la mise en place du Loto du patrimoine, puisqu'il n'était encore que de 30 millions d'euros il y a deux ans. Grâce à un effet multiplicateur que nous évaluons à dix, ce sont au total 500 millions d'euros de travaux qui sont ainsi entrepris chaque année. Nous observons que notre présence au sein d'un projet facilite l'obtention de subventions de la part des collectivités territoriales ou le soutien financier des entreprises.

Les récentes évolutions législatives ont indéniablement compliqué la donne pour nous. À l'instar de tout le secteur associatif, la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en IFI s'est traduite par une baisse sensible des dons - pour nous en baisse de 53 % en dépit de l'engouement suscité par la mission Bern. Quant à la mise en place du prélèvement à la source, son impact ne devrait être que transitoire. Mais l'année blanche s'est traduite par une baisse de 69 % du nombre de demandes de labels en 2018. On observe un rattrapage en janvier 2019.

L'introduction par la loi de finances pour 2019 d'un plafond alternatif de 10 000 euros destiné à faciliter le mécénat des très petites entreprises est en revanche positive. Le fait d'avoir retenu jusqu'ici une fraction du chiffre d'affaires comme base pour le calcul du plafond ne me paraît pas forcément pertinent.

En outre, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est à peu près équivalent à leur marge, et qui ont une capacité de contribution (cabinets d'avocats, certains prestataires de services,...), le chiffre d'affaires n'est pas la bonne référence. Une réflexion a été engagée par le Parlement sur le mécénat d'entreprise, avec un plafonnement du don des grandes entreprises à 10 millions d'euros, et peut-être une différenciation du taux de réduction fiscale selon que les dons profitent à des fondations reconnues d'utilité publique (comme la nôtre) ou à des fondations d'entreprise : nous vous implorons de préserver la capacité des premières à attirer les flux, d'autant qu'on connaît les difficultés que posent parfois les fondations domestiques... Nos grands mécènes - Total, GPA, ou d'autres - sont sensibles à la question ; s'ils ne peuvent plus nous soutenir, il y aura un vrai problème pour certaines régions. Total, là où il exploite des raffineries, est très actif.

Le Gouvernement envisage de créer un régime plus avantageux pour les legs aux oeuvres. Nous avons peu travaillé jusqu'à présent sur le sujet. Pourtant, donner pour préserver le patrimoine, c'est une idée qui « parle » à beaucoup de gens ! Nous avons l'intention de nous pencher sur le legs plus sérieusement, et tout ce que vous pourrez faire pour nous aider à capter au profit du patrimoine des legs, des donations par avance, des usufruits, sera bienvenu.

Nous sommes inquiets de la révision des niches fiscales...

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