Intervention de Hervé Godechot

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 6 février 2019 à 9h00
Audition de M. Hervé Godechot candidat désigné par le président du sénat aux fonctions de membre du conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et vote sur la proposition de nomination

Hervé Godechot :

Vous avez fait référence à un article de Libération, paru très opportunément hier soir, à la veille de mon audition... Ce n'est sans doute pas le fait du hasard et cela en dit en long sur certaines tentatives pour faire pression sur la représentation nationale. Je ne connais pas le journaliste qui a écrit l'article. Il fait référence d'abord à un faux 19/20, affaire d'une grande complexité, qui remonte à plus de 20 ans, dont je n'ai pas été l'artisan mais bien une victime collatérale. J'étais un jeune pigiste à l'époque ; j'avais fait un micro-trottoir et une interview d'un médecin, sans être sous contrat avec France 3, le tout pour 150 euros. J'ai découvert avec tout le monde et avec stupeur à quoi ces contenus avaient servi quand l'affaire a éclaté. À l'époque il fallait chercher des responsables et, comme on ne les trouvait pas, c'est tombé sur moi et quelques autres. Connaissant la force de caractère et l'indépendance des journalistes de France 3, s'il y avait eu le moindre doute sur ma probité et sur mon sens de la déontologie et de l'éthique, jamais je n'aurais pu faire une carrière de manager pendant vingt ans dans la rédaction nationale de France 3.

J'assume aussi avoir décidé, en tant que rédacteur en chef, de surseoir à la diffusion du reportage qui mentionnait des procès-verbaux d'écoutes de Nicolas Sarkozy. Le reporter avait travaillé seul dans son coin. Il m'a présenté son travail une heure avant l'antenne. Il n'était pas diffusable en l'état, même si le contenu était intéressant. Celui-ci ne nous avait pas dit qu'il avait conclu un accord avec d'autres médias, qui l'ont diffusé tout de suite. Nous avons voulu le mettre sur notre site internet, mais il était trop tard. C'est un ratage qui est regrettable, dont je ne porte pas seul la responsabilité. Enfin cet article repose sur trois témoignages : celui d'un syndicaliste et deux témoignages anonymes... Je ne mettrai pas en doute leur existence, mais c'est quand même léger alors qu'il y a plus de 9 000 salariés dans l'entreprise et plus de 250 journalistes ! Peu de gens ont donc été interviewés pour corroborer les informations. Cela pose des questions sur la déontologie, sujet que je serais ravi d'aborder avec l'auteur de l'article.

La diffusion en direct par les chaînes d'information pose de nombreuses questions. On l'a bien vu avec la crise des Gilets jaunes. L'accès à ce qui se passe en direct est un progrès intéressant, même si toutes les chaînes d'information ne choisissent pas ce mode de traitement, très spécifique à BFM TV. Franceinfo ou LCI se précipitent moins sur la diffusion en direct. Cette pratique soulève la question de la maîtrise des images mises à l'antenne, en cas de violences par exemple. Le CSA peut être saisi ou se saisir a posteriori en cas de dérapages à l'antenne ou d'images violentes. Mais comment peut-il intervenir sur des images en direct sans porter atteinte à la liberté éditoriale ? C'est compliqué. Je ne vois pas le CSA téléphoner au rédacteur en chef pour lui demander de cesser la diffusion d'un direct... Le CSA a organisé des rencontres entre les différents responsables de chaînes sur le traitement de la crise des Gilets jaunes. Il convient donc de travailler en amont avec les responsables des chaînes pour convenir du mode de traitement approprié sans s'immiscer dans la ligne éditoriale, avec ensuite un travail de contrôle a posteriori en cas de saisine.

Vous évoquez aussi la question du sport. Les droits de diffusion sont devenus très importants, difficilement accessibles aux chaînes gratuites ; ils sont captés par les chaînes à péage qui en ont les moyens. Dès lors tout le monde ne peut plus regarder ces événements sportifs, sauf à payer des abonnements. Le sport intéresse beaucoup les Français. Alors que les Jeux olympiques seront prochainement organisés à Paris, on ne peut éluder cette question. Peut-être faut-il envisager une syndication entre les grandes chaînes gratuites pour acheter certains droits. L'autre problème est celui du piratage, qui a pris des proportions considérables : on estime à deux millions le nombre de personnes qui regardent des événements sportifs sur des sites illégaux, avec une perte de recettes évaluée à 500 millions d'euros pour le secteur. Il faut y mettre fin. Mais les deux phénomènes sont liés : à moins d'acheter plusieurs abonnements, ce qui est assez coûteux, les amateurs de sport n'ont d'autre choix que d'aller sur des sites illégaux pour regarder leur événement préféré. Il faut repenser tout cela.

Vous posez aussi la question de l'indépendance des médias. Les liens entre l'audiovisuel public et le pouvoir politique sont assez bien définis par les contrats d'objectifs et de moyens. Le CSA joue son rôle de régulation, de dialogue, de garant. Lorsque je regarde les émissions politiques sur le service public, je n'ai pas l'impression que les journalistes soient particulièrement complaisants avec le pouvoir en place. Je n'ai pas d'inquiétude sur ce sujet. En cas de problème, le CSA serait saisi. En ce qui concerne la concentration économique, et donc la dépendance des chaînes privées par rapport à leurs actionnaires, la question se pose et de manière accrue. Pourtant, là encore, le journal télévisé de TF1 n'est pas particulièrement complaisant. Il est plus difficile de réguler, mais la régulation se fait naturellement. La meilleure garantie pour le pluralisme de l'information est l'éventail de programmes offert au téléspectateur : si celui-ci a le sentiment qu'on lui présente des informations dévoyées ou qu'on le prend pour un imbécile, il peut zapper et changer de chaîne !

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