L'AdCF, depuis 2014, a régulièrement attiré l'attention sur les risques liés à la baisse de l'investissement local. Avant même l'accident du pont de Gênes, nous avions analysé les conséquences de la baisse brutale de l'investissement dans les communes allemandes entre 1995 et 2002. La fédération du patronat allemand s'en était émue et avait réalisé une étude qui montrait en 2014 que 46 % des ponts allemands étaient dans un état critique. L'Italie n'est donc pas la seule concernée. Nous avons attiré l'attention sur l'effondrement de l'investissement des collectivités locales à compter de 2014, et en particulier sur ce qui ne se voit pas. L'entretien des routes, des ouvrages d'art et des réseaux fait partie des thématiques qui ont été les plus « zappées », à la suite de la baisse brutale des dotations de nos collectivités locales due à la crise financière.
Nous avions réclamé des Assises nationales de l'investissement pour dresser un état des lieux précis et définir des priorités qui puissent être déclinées aux niveaux national et régional. Nous avons parallèlement lancé un observatoire à compter de 2015 avec la Caisse des dépôts afin d'analyser la commande publique et examiner les appels d'offres au plus près de la réalité opérationnelle.
On constate bien un effondrement à compter de 2014, avec une légère reprise d'un peu plus de 6 % en 2017. En 2018, les premiers chiffres font apparaître une augmentation d'environ 1 % par rapport à 2017. On n'a donc pas encore, tant s'en faut, retrouvé les niveaux de 2013.
Par ailleurs, les investissements réalisés par les collectivités locales se sont modifiés : on y trouve davantage d'ingénierie et de services, et moins de travaux, ceux-ci continuant à diminuer. Nous attirons l'attention sur cette diminution grave de l'investissement local. Je rappelle que la qualité de nos investissements publics est l'un des rares éléments d'attractivité du pays en Europe.
Nous avons aussi mis en place une collaboration avec la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) et la Fédération française du bâtiment (FFB) pour travailler sur le thème de l'investissement autour de trois axes : des rencontres nationales et régionales consacrées à l'investissement, un travail conjoint sur l'observation des investissements publics locaux, la connaissance des projets et la répartition thématique et l'état du patrimoine, et, enfin, une analyse des bonnes pratiques afin de les diffuser auprès de l'ensemble des collectivités locales. Nous travaillons avec l'IDRRIM et l'Observatoire national de la route, et c'est pour nous essentiel.
Il n'existe à ce jour aucun lieu permettant d'appréhender la connaissance globale du patrimoine. Autrefois, il incombait aux directions départementales de l'équipement de recenser l'ensemble des ouvrages d'art de leur secteur, et d'analyser leur état. Aujourd'hui, les apports méthodologiques du CEREMA sont essentiels. Il devrait être intégré à l'Agence nationale des collectivités territoriales. Il est important que le CEREMA serve d'outil aux collectivités locales. Il faut absolument un système d'information géographique des ouvrages d'art à l'échelle nationale, je le confirme.
Par ailleurs, l'IDRRIM avait proposé un système de notation synthétique pour caractériser l'état des ouvrages d'art. En 2017, 43 départements avaient répondu à ce questionnaire. L'IDRRIM peut jouer un rôle d'animation pour recenser tous les gestionnaires, quel que soit leur échelon, et pour partager un cahier de maintenance sur chaque ouvrage d'art. Une étude a démontré que lorsqu'on investit peu en réparations d'une route, sa réfection coûte à terme beaucoup plus cher. Il est important que chacun ait une idée des coûts de maintenance et des menaces qui pèsent sur l'ensemble du patrimoine. Des partages d'expériences sont nécessaires pour valoriser les bonnes pratiques. Des solutions peuvent permettre des économies.
La formation doit aussi être traitée. Il faut recenser toutes les propositions. Je partage le diagnostic évoqué tout à l'heure. L'IDRRIM dispose d'un comité de formation, de recherche et d'innovations. Il faut valoriser et faire connaître l'ensemble des formations pour que nos collaborateurs aient les capacités techniques d'assurer la maintenance.
Les métropoles ont l'ingénierie et les moyens techniques pour assurer le suivi des ponts, un peu comme les départements. 65 % des communautés de communes et 62 % des communautés d'agglomération ont transféré la compétence de la voirie aux intercommunalités, avec parfois des mutualisations de l'ingénierie. Dans 70 % des cas, les ouvrages d'art sont transférés à l'intercommunalité.
S'agissant des actions, il faut tout d'abord aider les communes et les communautés de communes à identifier les ouvrages d'art potentiellement dégradés, soit grâce à des agents techniques départementaux, soit en recourant à des mutualisations de moyens. Par ailleurs, le CEREMA doit être mieux utilisé par nos collectivités.
Les ouvrages de rétablissement soulèvent de vrais problèmes d'application du droit. Il est important qu'on sanctuarise ces conventions et qu'on les fasse strictement appliquer.
Il convient en outre de créer un pool, probablement à l'échelle départementale, chargé des questions de sécurité, sous l'égide de la préfecture, afin de créer un plan d'action départemental et de dresser le bilan de ce qui a été fait.
Je partage tout à fait l'idée qu'il faut que la surveillance et l'entretien des infrastructures soient inscrits en section d'investissement afin de ne pas être soumis à la règle du 1,2 %.
Il faut également un fléchage coordonné de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour faciliter l'entretien de ces ponts, un fonds exceptionnel pouvant être alimenté par les amendes et la future vignette poids lourds, complétées par des prêts de la Caisse des dépôts à taux zéro.
Il convient aussi de maintenir une ingénierie de pointe dans le domaine des ouvrages d'art. Le CEREMA doit nous fournir de ce point de vue des guides méthodologiques.
Enfin, il faut mutualiser des formations ad hoc dans les départements, intercommunalités et communes pour maintenir un niveau de connaissance et d'ingénierie afin de suivre les travaux. Il est fondamental qu'on dispose d'un système d'information géographique national pour lister l'ensemble des ouvrages d'art et leur état.