Quelques mots pour vous apporter un éclairage local...
Le territoire métropolitain grenoblois représente 49 communes, 450 000 habitants. Il est parsemé de torrents capricieux qui viennent des Alpes, de plaines, de coteaux et de montagnes. C'est un magnifique écosystème pour les ouvrages d'art de toute nature - ponts, murs de soutènement, etc.
La compétence relative à la voirie a été transférée des communes vers la métropole en 2015, puis en 2017 pour les voiries départementales. Or nous détectons aujourd'hui des ouvrages orphelins qui n'apparaissent nulle part, et nos inventaires ne font que s'accroître d'année en année. Nous avions recensé à l'origine 1 200 ouvrages d'art sur le territoire métropolitain. À peine deux ans plus tard, à la suite des inventaires complémentaires, nous en comptabilisons 1 500. La question de la domanialité n'est toujours pas résolue pour nombre d'entre eux. La grande majorité se situe dans les communes rurales, montagnardes, périurbaines. Il s'agit là d'un sujet de bloc communal et de solidarité intercommunale.
Pour l'essentiel, ces ouvrages n'ont pas fait l'objet d'un suivi conforme aux obligations réglementaires. Ce n'est évidemment pas la faute des maires successifs.
La métropole a décidé, dès 2017, d'investir à l'horizon 2020 près de 3 millions d'euros pour leur surveillance et leur entretien, et 20 millions d'euros pour les opérations de réparations et de renouvellement d'ouvrages en péril identifié.
Parallèlement, plus d'une centaine d'inspections détaillées sont réalisées chaque année pour rattraper le retard accumulé. Elles révèlent chaque année de nouveaux ouvrages en péril nécessitant des mesures immédiates de mise en sécurité. Cette mise en oeuvre est réalisée en lien étroit avec les communes concernées, et se traduit généralement par une limitation voire une interdiction de circulation sur lesdits ouvrages.
Plusieurs ouvrages orphelins en état de péril ne sont pas pris en charge à ce jour, bien que les moyens humains dédiés aient été notablement augmentés par les services métropolitains. Mon équipe est à sept ETP, et nous avons connu un doublement des équipes en trois ans. Nous avons également fait appel à des renforts externes. Cette réalité n'est pas propre au territoire grenoblois.
Quelques pistes de réflexions ont fait l'objet d'un travail approfondi associant les maires et la métropole, ce qui constitue une spécificité grenobloise.
Un soutien financier de l'État est apparu nécessaire en premier lieu, en particulier pour rattraper le retard en matière de recensement. Ce soutien pourrait prendre la forme d'une enveloppe additionnelle dans le cadre des fonds de soutien à l'investissement local ou de la loi d'orientation des mobilités. Il est toutefois compliqué d'évoquer les mobilités sans évoquer les ponts, et il faut donc y veiller.
On ne peut non plus dissocier ces sujets de la contractualisation financière. De nombreuses dépenses en la matière concernent en effet le fonctionnement, notamment en matière de réparations et d'entretien classique.
Je rappelle que des attributions de compensation d'investissement sont aujourd'hui possibles entre communes et métropole, mais non entre les autres collectivités. J'invite les sénatrices et les sénateurs à examiner ce point de près. Cela a été extrêmement utile au financement des ouvrages d'art dans la métropole grenobloise, et a permis un équilibre financier intéressant entre communes et métropole.
En second lieu, l'évolution du cahier des charges des concessions autoroutières n'est pas non plus un mince sujet financier puisqu'il concerne les charges de surveillance, d'entretien, de réparation et de rétablissement des ouvrages construits par le passé.
Il apparaît difficile de récupérer des conventions établies en bonne et due forme par le passé avec les collectivités, les clés de financement pouvant être parfois très variables, alors que les montants sont loin d'être anodins. C'est également un sujet à examiner de près.
En troisième lieu, il convient de renforcer la formation aux métiers du secteur, de veiller à la disponibilité et à la qualification des agents publics et des salariés des bureaux d'études comme des entreprises. On a besoin d'ingénierie et de compétences pour avoir de bons niveaux d'expertise. Cette carence va amener de fait à une augmentation des prix, alors que cet argent pourrait être utilisé à d'autres choses.
Quatrièmement, il faut demeurer vigilant s'agissant des mesures de simplification établies au début de l'année 2018 concernant l'instruction des demandes d'autorisation des convois exceptionnels. Ces mesures pourraient avoir notamment pour effet de conduire à des renforcements excessifs des ouvrages concernés et, in fine, à des dépenses publiques peu efficientes, à la charge des gestionnaires de voiries et des collectivités.
Enfin - et je m'exprime ici à titre personnel, et non en tant que représentant de l'AMF - les transferts des pouvoirs de police spéciale attachés à l'exercice des compétences transférées, notamment s'agissant des mobilités en matière de circulation et de stationnement, sont automatiques en l'état actuel de la législation, mais peuvent faire l'objet d'oppositions des maires concernés.
La métropole grenobloise compte sans doute le nombre le plus élevé de communes qui ont transféré leurs pouvoirs de police spéciaux à la métropole dès le début du mandat, ce qui n'a absolument pas écarté les maires des décisions, bien au contraire.
Cependant, pour un certain nombre d'ouvrages en péril, il a parfois pu être difficile, avant le drame de Gênes, d'obtenir des mesures de restriction voire d'interdiction de circulation, malgré des enjeux de sécurité extrêmement importants. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, la responsabilité collective engageant les maires, mais aussi les présidents de métropole et d'intercommunalités.