Intervention de Philippe Herscu

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 30 janvier 2019 à 10h10
Audition de M. Christophe Béchu président du conseil d'administration de l'agence de financement des infrastructures de transport de france afitf

Philippe Herscu, conseiller de l'Assemblée des départements de France :

Les élus départementaux ont tout à fait conscience de leurs responsabilités. La difficulté est de faire des budgets consacrés aux infrastructures une variable d'ajustement lorsque les budgets généraux sont extrêmement contraints et présentent peu de visibilité financière. Il existe là un certain antagonisme.

Un travail de sensibilisation doit être réalisé auprès des élus qui ne sont pas dotés des équipes techniques permettant de connaître l'état de leurs infrastructures. Ce n'est pas trop le cas des départements. Nos équipes sont normalement capables de s'en charger, mais ce n'est pas le cas de toutes, d'où le travail de l'IDRRIM sur la notion de « dette grise », qui porte sur le manque d'investissement nécessaire pour maintenir l'infrastructure à son niveau opérationnel. Cette dette grise s'accroît et la facture devient bien plus lourde que pour un entretien régulier.

Le recueil des données et le coffre-fort national constituent sans doute de bonnes idées, mais la première difficulté consistera à obtenir des informations, beaucoup de collectivités n'en disposant pas faute de techniciens. Pour obtenir ces informations, il faut assumer ses responsabilités de maître d'ouvrage, être capable de passer une commande, solliciter un cabinet, lui dire ce qu'il faut auditer, ce qu'on en attend, etc.

21 % des départements nous ont dit ne pas être en capacité technique d'aider les collectivités. J'ai souligné le problème de la rareté de la compétence : certains départements comptent sur leur territoire plus de 500 communes de moins de 2 000 habitants. On peut toutefois essayer l'hybridation, les centres de ressources, le maillage territorial. L'Association des directeurs de services techniques départementaux (ADSTD) s'est transformée en ADTECH et s'est ouverte aux autres collectivités. C'est une bonne solution, tout comme les CoTITA, qu'il convient de développer.

Quant aux techniques les moins coûteuses, Mme Herbourg, de Meurthe-et-Moselle, directrice générale adjointe, m'a parlé d'un pont qu'elle comptait remplacer. Le CEREMA lui a conseillé une technique de fibrage qui lui a permis de prolonger l'existence dudit pont à moindre coût.

L'une de vos questions portait sur les nouvelles technologies. Elles offrent en effet des moyens dont on ne disposait pas précédemment, comme les drones ou les fibres, avec lesquelles on peut contrôler les fissures, même à distance. Ceci allège le contrôle et permet une intervention intelligente et moins coûteuse. Encore faut-il avoir des personnes capables de mettre ces contrôles en place, de les analyses et de les suivre.

Concernant le CEREMA, nous sommes très sensibles à son manque de moyens. On craignait d'ailleurs que l'État ne se désengage de la partie routière, ayant à présent peu de kilomètres à entretenir. Or nous considérons qu'on doit cette ingénierie aux collectivités locales, l'État ayant conservé l'ingénierie au niveau national lors de la décentralisation routière. C'est déterminant pour les collectivités, mais aussi pour les entreprises si l'on veut tester de nouveaux matériaux et être au meilleur niveau.

Le CEREMA travaille d'ailleurs avec nous dans le cadre de l'Observatoire de la route afin de mettre en cohérence toutes les grilles d'analyses et de donner une lecture de l'état des infrastructures. Il travaille également à un guide simplifié pour les élus des petites communes, pour savoir ce qu'il faut examiner sur un pont en fonction de sa nature technique, etc. Ce guide, certes simplifié, permettra d'y voir plus clair.

La culture du risque est à redévelopper, d'autant plus lorsque les événements climatiques deviennent exceptionnels. Une cartographie des risques de transgression marine et d'inondations, qui pèsent très lourdement sur les infrastructures, est donc nécessaire.

Les plateformes de guidage constituent un vrai problème. Elles conduisent sur les routes et les ponts des camions en provenance d'Europe centrale, dont certains chauffeurs ne parlent même pas français, voire des engins agricoles particulièrement délétères pour les parapets, qui ne sont pas faits pour résister à de tels chocs.

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