Dans le rapport CAP 2022, on a, certes, évoqué la centralisation du recouvrement fiscal au sein de la DGFiP, mais la lettre de mission de Gérald Darmanin et Agnès Buzyn est revenue sur cette recommandation. Elle évoque la possibilité de faire exception au principe d'unification du recouvrement quand un acte « métier » est indissociable du recouvrement. Cela s'applique notamment aux Douanes ; en effet, mes travaux m'amènent à faire le départ entre les taxes douanières dont le recouvrement est intrinsèquement lié aux travaux de contrôle et les autres. Quand les douaniers contrôlent un entrepôt de pétrole ou dédouanent des importations, par exemple, la taxe douanière est intimement liée au contrôle de la matière. Ma lettre de mission prévoit cette exception et il m'est demandé de distinguer ce qui peut être unifié de ce qui doit demeurer séparé.
Très clairement, nous n'en sommes donc pas du tout à prévoir le transfert de la totalité des 3 000 agents des Douanes faisant du recouvrement vers la DGFiP ou vers une future agence, d'autant que la Douane a déjà revu l'organisation territoriale de son recouvrement, elle n'aura bientôt plus qu'une seule implantation par ancienne région.
Monsieur le rapporteur général, les opérateurs disposent de données sur le coût du recouvrement. On les trouve notamment dans les documents budgétaires accompagnant le projet de loi de finances. Le coût de la collecte s'étend, selon les impôts et taxes, de 0,25 % à 1 % des sommes collectées. En réalité, la question essentielle n'est pas tant celle de l'efficacité de tel réseau par rapport à tel autre que celle de la complexité de l'impôt à collecter, qui a une grande incidence sur son coût de recouvrement. La DGFiP est ainsi très compétente pour recouvrer la TVA, car il s'agit d'un prélèvement autoliquidé - l'entreprise redevable déclare et paie. Cela est donc plus facile que le recouvrement des impôts sur rôle, comme l'impôt sur le revenu, pour lesquels les administrations doivent faire le travail de calcul, établir un rôle et un avis d'imposition sur le fondement de la déclaration.
Le coût de la collecte des cotisations sociales par l'Acoss se situe entre 0,25 % et 0,3 %, mais le ratio est moins bon pour les cotisations des entrepreneurs indépendants. Le taux moyen de la DGFiP tourne autour de 0,4 ou 0,5 %, mais cela recèle des variations importantes : ce coût varie de 0,3 % pour TVA à 1 % pour les impôts locaux, qui sont les plus compliqués.
Je vous confirme par ailleurs, monsieur le rapporteur général, que le recouvrement des prélèvements assimilables à des prélèvements obligatoires, comme les cotisations de retraite complémentaire, est inclus dans ma réflexion. Il y a une réforme en cours sur ce sujet, d'ailleurs, et si une réforme systémique des retraites a lieu d'ici à 2025, il faudra que le Gouvernement détermine au préalable qui est collecteur. En ce cas, vaudra-t-il mieux transférer le recouvrement des cotisations de retraite complémentaire avant d'instituer la retraite universelle, ou faudra-t-il tout faire en même temps ? Les avis divergent à ce sujet.
Vous avez aussi parlé du réseau local. Quand j'ai cité le portail informatique pour illustrer le service commun, je ne voulais pas dire que l'éventuelle agence unique serait virtuelle. On ne fera pas, comme au Canada, une agence unique avec très peu de guichets - trois ou quatre pour les dix millions de Québécois sur un territoire immense. Il s'agirait d'offrir une couche unifiée de services sans fusionner les réseaux. Dans cette hypothèse, le réseau des Urssaf resterait inchangé et celui de la DGFiP continuerait d'évoluer au rythme choisi par ailleurs par le Gouvernement ; la réforme n'aurait pas d'incidence à cet égard.
En revanche, en cas de fusion des réseaux, il y aurait forcément une réorganisation. Pour ma part, à ce stade, je suis favorable au minimum à la maille départementale, voire infradépartementale ; je ne suis pas favorable à un lieu national unique avec un centre d'appel.
Thierry Carcenac, vous considérez l'intervention de Gérald Darmanin du 11 juillet dernier comme étant une décision prise. Ce qu'il m'a indiqué à plusieurs reprises, c'est que ce discours était un cap destiné à faire bouger les choses et à faire réagir. L'année 2022 n'est plus le terme fixé pour la réforme, et le ministre a indiqué avoir utilisé le mot d'« agence » pour illustrer son propos, il ne considère pas que c'est la seule voie possible.
En ce qui concerne le nombre d'agents publics et les moyens informatiques, j'insiste beaucoup sur le chemin de la réforme, sur la nécessité de prendre le temps et de disposer des moyens, notamment informatiques, indispensables, afin d'éviter une nouvelle catastrophe industrielle comme celle de l'interlocuteur social unique, qui gérait le régime social des indépendants au début des années 2010. Si l'on se précipite, si les systèmes ne peuvent pas communiquer entre eux avant toute autre action, on ira à la catastrophe. Or je ne veux pas mettre en risque le recouvrement de 1 038 milliards d'euros...
Des procédures formidables fonctionnent très bien, comme le prélèvement à la source ou la déclaration sociale numérique, mais cela a requis des années de travail et des investissements importants. Il faudra travailler par étapes et ne pas attendre de gain sans investissement informatique. Je ne suis pas spécialiste des droits de mutation à titre onéreux, je sais qu'il y a eu une panne et un correctif, mais je ne sais rien de plus.
Je ne travaille pas sur un nombre de suppressions de postes publics ; j'ai les mêmes chiffres que vous, mais, à ce stade, je ne fais pas de règle de trois.
Claude Nougein, j'ai déjà répondu à la question sur l'impact de la réorganisation pour les territoires. Le terme idéal n'est pas 2022, ce serait trop précoce. Il faut faire en sorte que cette réforme ne conduise pas à des difficultés. Si l'on peut faire des économies, tant mieux, mais le premier objectif est de fournir un meilleur service aux TPE, PME et ETI - les grandes entreprises ont les services nécessaires pour traiter ces questions.
Enfin, la question de l'articulation avec le recours à la Poste pour le paiement en numéraire est déjà pendante. Il faut articuler chaque encaissement ou décaissement en numéraire avec l'information comptable, dans le système d'information de la DGFiP, selon laquelle M. Untel a acquitté sa taxe locale ou un produit local dans le bureau de poste de son village.