Intervention de Mathieu Darnaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 6 février 2019 à 9h10
Projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la polynésie française et projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en polynésie française — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud, rapporteur :

Après une décennie de turbulences politiques et d'atonie économique, la Polynésie française a retrouvé le chemin de la stabilité et de la croissance. M. Édouard Fritch, élu à la présidence de la Polynésie française en 2014, a été reconduit dans ses fonctions à la suite des élections territoriales de 2018 et, après plusieurs années de récession, l'économie polynésienne a retrouvé des couleurs : le PIB a progressé de plus de 2 % en 2017, et il semble que cette performance ait été rééditée l'an dernier.

Hormis quelques modifications ponctuelles, le statut de 2004 a été révisé à deux reprises, en 2007 et 2011. L'objet principal de ces deux réformes a été de mettre fin à la très forte instabilité politique en Polynésie française, où pas moins de onze gouvernements se sont succédé au cours des sept premières années d'application du statut. Les institutions polynésiennes ont retrouvé de la stabilité grâce à la réforme électorale de 2011. Il a également été mis fin aux dérives financières observées dans le passé.

La réforme qui nous est aujourd'hui proposée répond à un tout autre objectif que les précédentes. Elle se résume, pour l'essentiel, à quelques ajustements destinés à faciliter l'exercice de ses compétences par la Polynésie française, et à quelques dispositions d'ordre symbolique.

C'est bien au registre du symbole qu'appartient l'article 1er du projet de loi organique. Il vise à inscrire, en tête du statut de la Polynésie française, une déclaration de principes selon laquelle la République reconnaît la contribution de la Polynésie française à la construction de la force française de dissuasion nucléaire et s'engage à en assumer les conséquences, qu'il s'agisse de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, de l'entretien et de la surveillance des anciens sites d'expérimentation, ou encore de la reconversion de l'économie polynésienne à la suite de la cessation des essais.

Je ne vous rappellerai pas les progrès qui ont été accomplis depuis une décennie pour améliorer l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Après la loi dite « Morin » du 5 janvier 2010, qui a créé un régime spécial d'indemnisation et défini les conditions ouvrant droit à réparation, la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer du 28 février 2017, dite loi EROM, a supprimé la disposition selon laquelle la présomption de causalité dont bénéficiaient les demandeurs pouvait être écartée dans le cas où le risque attribuable aux essais nucléaires pouvait être considéré comme « négligeable ».

De haute lutte, le Sénat a obtenu gain de cause sur ce point, ce qui a permis d'augmenter très significativement le nombre de personnes indemnisées. Une commission, présidée par notre collègue Lana Tetuanui, a été mise en place pour réfléchir aux mesures propres à réserver l'indemnisation aux personnes dont la maladie a été effectivement causée par les essais nucléaires. Celle-ci a remis son rapport en novembre 2018, et nous serons très attentifs aux suites qui seront données à ses préconisations.

Bien que les dispositions de l'article 1er aient une portée normative relative, je vous proposerai de les conserver, car il n'est pas illégitime que le statut d'une collectivité d'outre-mer, qui définit les fondements et les modalités de son intégration à la République, comprenne en guise d'entrée en matière une telle déclaration de principes.

Viennent ensuite une série de dispositions visant à faciliter l'exercice de ses compétences par la Polynésie française, et à améliorer la coordination entre l'action du pays et celle des autres personnes publiques, à commencer par l'État et les communes.

Il s'agit de diversifier les modes d'organisation de l'action administrative, de consolider les compétences du pays, d'étendre à l'environnement les compétences du conseil économique, social et culturel, de faciliter la coopération entre le pays, les communes et les autres personnes publiques polynésiennes et, enfin, de clarifier la répartition des compétences entre la Polynésie française et l'État.

Je vous proposerai plusieurs compléments répondant à ces différents objectifs.

Enfin, l'article 12 du projet de loi organique vise à garantir la stabilité des institutions polynésiennes en clarifiant les règles de remplacement des membres de l'assemblée dont le siège est devenu vacant. Les dispositions actuelles sont particulièrement ambiguës, car il n'a pas été procédé aux coordinations nécessaires sur ce point lors de la dernière modification du mode de scrutin en 2011. Selon l'interprétation du Gouvernement, admise par le Conseil d'État, il en résulterait que l'assemblée de la Polynésie française doit être renouvelée intégralement dès lors que trois sièges y sont devenus vacants, ce qui offre une sorte de « droit de dissolution » à trois représentants qui décideraient de démissionner simultanément. Sur ce point, je vous proposerai une solution légèrement différente de celle du Gouvernement, afin de mieux prendre en compte la jurisprudence constitutionnelle.

Le projet de loi ordinaire, pour sa part, vise à adapter les compétences des communautés de communes polynésiennes aux spécificités du territoire, et à tirer les conséquences de la création de syndicats mixtes ouverts associant le pays et des communes. Je vous proposerai, là encore, des mesures complémentaires.

Plusieurs de nos collègues proposent, par ailleurs, de rattacher à ce projet de loi des dispositions visant à faciliter la sortie de l'indivision en Polynésie française, mesures que nous avions retranchées de la loi du 27 décembre 2018 dite « Letchimy », adoptée il y a quelques semaines.

Ces deux textes ne constituent pas une révolution en tant que telle, mais ont le mérite de moderniser le statut de la Polynésie française et les règles applicables aux autres collectivités du territoire pour faire en sorte que le droit soit un outil et non un obstacle.

Je vous proposerai donc de les adopter moyennant quelques modifications et ajouts.

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