Monsieur Marseille, le grand débat a commencé et, alors même que beaucoup s’interrogeaient sur les formes qu’il prendrait, nous constatons, par le nombre de réunions organisées et le nombre de contributions directement produites par les Français, une très grande appétence de nos concitoyens pour ces discussions. C’est plutôt une bonne nouvelle à mes yeux.
On peut toujours, ici ou là, dire que telle ou telle réunion ne ressemble pas à ce que l’on aurait souhaité dans l’idéal. Toutefois, les réunions sont nombreuses, elles interviennent dans de grandes villes comme dans de toutes petites communes et elles permettent à nos concitoyens de s’exprimer.
Pour vous dire la vérité, je pense que c’est un moment important, utile et passionnant.
Alors que l’exercice commence à peine, nombre de responsables politiques, en particulier, s’interrogent déjà sur les points de sortie, qu’il s’agisse des solutions ou des instruments qui seront utilisés pour parvenir à celles-ci.
Cette interrogation est évidemment légitime, mais je crois qu’il est objectivement trop tôt, non seulement pour répondre sur le fond – le débat n’a pas encore produit tous ses effets –, mais aussi pour répondre définitivement à la question des instruments.
Je voudrais néanmoins esquisser quelques pistes, monsieur Marseille.
Premièrement, je ne crois clairement pas qu’un instrument unique soit de nature à traiter l’ensemble des questions qui auront été évoquées pendant le grand débat.
Il appartiendra au Président de la République de décider si, oui ou non, il veut utiliser l’article 11 de la Constitution. Peut-être souhaitera-t-il poser aux Français la question d’une adoption directe de tel ou tel projet. C’est son droit le plus strict, et je pense que chacun, dans cette assemblée, le respecte.
En tout état de cause, je ne crois pas qu’un seul référendum, quand bien même il porterait sur plusieurs projets de loi, suffise à intégrer l’ensemble de ce qui est dit, mais aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, de ce qui ne l’est pas… Certains sujets sont en effet rarement évoqués dans les débats.
Il faut donc s’attendre à ce que, soit par le référendum, soit par la discussion législative naturelle, soit par d’autres instruments – j’ai entendu les organisations syndicales et patronales ainsi que les associations d’élus évoquer la possibilité, sur certains thèmes, de mettre en place des processus de concertation desquels pourrait émerger, sinon un consensus, du moins une élaboration collective de solutions.
N’ayons pas peur de cette profusion d’instruments. Elle est, me semble-t-il, exactement à la hauteur des attentes des Français, compte tenu de la diversité des sujets.
J’entends enfin la remarque que vous avez formulée, qui rejoint celle de M. Karoutchi, sur une forme de désaccord quant à l’idée d’organiser un référendum le jour du scrutin prévu pour les élections européennes. J’en prends acte.
Vous avez formulé en ce sens un certain nombre d’arguments. Ils sont parfaitement légitimes.
On pourrait aussi ajouter, peut-être, qu’une multiplication des consultations requiert une organisation assez lourde pour les services des collectivités territoriales.
Aujourd’hui, monsieur Marseille, rien n’est décidé. Certes, dans le monde dans lequel nous vivons, dès que l’on commence à réfléchir à une hypothèse, elle se transforme immanquablement en un fait, puis en une vérité… Mais pourquoi ne pourrions-nous pas soumettre cette idée à la consultation ?
Le scrutin du 26 mai sera d’une importance absolument considérable pour la construction européenne et pour notre pays. Le débat doit avoir lieu. Nos concitoyens doivent dire clairement ce qu’ils souhaitent et ce qu’ils veulent assumer s’agissant de la construction européenne. Nous avons tous à y gagner, j’en suis intimement convaincu.
Tout ce qui aurait pour effet de remettre en cause la clarté du débat serait probablement à écarter.
C’est d’autant plus vrai que, référendum ou pas, monsieur le sénateur, depuis très longtemps, lors des élections européennes, on parle finalement assez peu des élections européennes, et beaucoup des questions politiques nationales.