Intervention de Viviane Artigalas

Réunion du 5 février 2019 à 14h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 44

Photo de Viviane ArtigalasViviane Artigalas :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la série d’articles qui concernent la privatisation d’Aéroports de Paris. Permettez-moi de vous rappeler un précédent fâcheux, celui de la privatisation de l’aéroport de Toulouse. L’État avait alors vendu 49, 99 % du capital de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse à Casil Europe. Région, département, métropole et chambre de commerce et d’industrie locale ne possèdent ensemble que 40 % et l’État 10, 01 %.

La présence des collectivités locales au capital n’a pas empêché les dérives. En 2017, ces actionnaires publics locaux ont tenté en vain de s’opposer au groupe chinois et à sa volonté de maximiser le versement des dividendes au détriment des investissements.

Au début de l’année dernière, l’État, fort heureusement, a décidé de conserver le peu de capital qu’il possédait encore et sur lequel le groupe Casil Europe avait pris une option.

Un rapport de la Cour des comptes avait d’ailleurs critiqué en novembre 2018 un acquéreur dont le profil soulève des inquiétudes quant à son manque d’expérience en matière de gestion aéroportuaire, son manque de transparence financière et ses liens avec la puissance publique chinoise.

Finalement, les investisseurs chinois ont récemment décidé de revendre leur participation, mais les craintes de la Cour des comptes demeurent. Cette privatisation reste inaboutie, la situation, ambiguë et instable. Cette revente n’efface pas le risque de voir une entreprise au capital majoritairement public, mais dont le contrôle est assuré par un actionnaire privé.

Est-ce le sort qui attend Aéroports de Paris, entreprise capitale à la fois pour notre économie et pour notre souveraineté nationale ?

Monsieur le ministre, je voudrais vous rappeler les propos que vous avez tenus au Sénat le 8 mars 2018 devant la mission d’information sur l’avenir d’Alstom : « L’État actionnaire doit être présent dans des secteurs stratégiques où notre souveraineté est en jeu. […] Chacun peut comprendre que dans ces secteurs stratégiques, l’État a une place à occuper. Enfin, le rôle de l’État actionnaire, c’est aussi de garder une capacité d’intervention lorsque des déséquilibres sont manifestes et qu’il faut réagir face à des décisions du secteur privé qui seraient injustes ou iniques. »

Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi d’exprimer ma totale incompréhension : entre vos propos que je viens de citer et la volonté du Gouvernement de privatiser ADP, il y a une véritable contradiction. Pourquoi ne considérez-vous pas ADP comme une entreprise stratégique ? Aux États-Unis, la quasi-totalité des aéroports sont publics et il est particulièrement inquiétant que l’État se désengage d’ADP. Céder ce groupe à des intérêts privés serait une vraie perte pour notre économie : en France aussi, la puissance publique doit rester majoritaire dans de telles infrastructures.

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