Intervention de Valérie Létard

Mission d'information enjeux de la filière sidérurgique — Réunion du 6 février 2019 à 13h40
Réunion constitutive

Photo de Valérie LétardValérie Létard, rapporteure :

Je suis très heureuse de la responsabilité que vous me confiez. La Conférence des présidents a effectivement précisé que les travaux de la mission d'information devraient s'achever fin juillet. Je vous propose cependant de prévoir une adoption du rapport et une présentation à la presse avant la mi-juillet, pour une meilleure visibilité médiatique.

Notre prochaine réunion sera consacrée au calendrier des auditions. Je souhaite au préalable aborder avec vous le format et le périmètre de ce rapport. La sidérurgie est un secteur essentiel qui fait face à de nombreux défis. Aujourd'hui, le secteur des minerais, minéraux et métaux représente en France environ 350 entreprises employant directement près de 62 500 personnes et dégageant un chiffre d'affaires de l'ordre de 41 milliards d'euros. Certaines entreprises sont des champions nationaux, parmi les leaders mondiaux, positionnés sur des marchés de spécialité, mais le secteur compte également de nombreuses PME et ETI.

Ce secteur est stratégique pour l'indépendance nationale. Les deux défis qu'il doit affronter sont d'une part la sécurisation, dans un environnement de surcapacités mondiales et de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine dont l'Europe pourrait subir les dommages collatéraux, d'autre part la décarbonation, avec un objectif ambitieux de réduction de 80 % de la production de CO2 d'ici 2050.

Voulons-nous concentrer nos travaux sur l'acier ? La définition étymologique de la sidérurgie - les technologies d'obtention de la fonte, du fer et de l'acier à partir de minerai de fer ou de ferrailles mais également l'industrie qui les met en oeuvre - nous y incite. Souhaitons-nous traiter ou non de l'aluminium ou du cuivre - où les enjeux sont beaucoup plus faibles ? L'acier est déjà un sujet considérable. Mieux vaudrait à mon avis éviter de nous disperser.

Je propose de ne pas évoquer non plus la question des terres rares, qui a déjà fait l'objet d'un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en mai 2016. Elle constitue en effet une problématique à part entière.

Quels grands thèmes aborder dans le rapport ? Le premier serait la recherche-développement. Pas d'avenir pour la filière sans innovation. Or, en 2011, l'Académie des sciences et l'Académie des technologies avaient alerté sur le vieillissement et la diminution du nombre de chercheurs dans un secteur qui n'attire plus. Qu'en est-il aujourd'hui, alors que toute la filière industrielle fait des efforts d'attractivité ? Je pense à l'Usine extraordinaire, exposition itinérante que les Parisiens ont pu découvrir au Grand Palais en novembre dernier.

Le deuxième thème concerne l'articulation des stratégies. Au niveau européen, quelle est la politique suivie par la Commission européenne ? Elle avait imaginé un Plan acier en 2013 et avait présenté une communication en mars 2016. Au niveau national, nous pourrions commencer par examiner la place de la sidérurgie dans le tout récent contrat de filière du 18 janvier 2019. Ce document a été élaboré par le comité stratégique de filière « Mine et métallurgie », constitué en mai 2018 et présidé par Mme Christel Bories, PDG d'Eramet. Nous pourrons également faire le point sur la prise en compte de cette filière dans les contrats territoriaux de transition énergétique et dans les 124 « territoires d'industrie » définis en novembre dernier par le Gouvernement. Il ne faudra pas oublier l'économie circulaire - ferraille, recyclage - car elle est importante à la fois pour la réduction des émissions de CO2 et pour l'emploi.

Au niveau régional, quelle place cette filière occupe-t-elle au sein des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation ? Enfin, au niveau des entreprises, certaines ont des stratégies mondialisées : quel rôle assignent-elles à leurs filiales françaises ? Comment assurer la montée en gamme et la spécialisation ? Comment rester compétitif ? Il ne sera sans doute pas facile d'obtenir ce type d'informations, qui relève parfois du secret des affaires.

Bref, nous nous interrogerons sur la place de cette filière dans l'industrie du futur.

Troisième question, la fiscalité du carbone et son impact sur la modernisation d'une filière forte consommatrice de quotas carbone. Je rappelle que la taxe carbone aurait dû augmenter de 44,60 à 55 euros la tonne en 2019, et jusqu'à 86 euros en 2020... Le défi concerne la réduction massive de ses émissions de CO2, qui était l'ambition du projet Ulcos à Florange. Il y a aussi l'impact du coût de l'électricité, dont la filière est là encore grosse consommatrice.

Quatrième point, l'impact social et territorial de la filière dans le processus de désindustrialisation de la France. Nous pourrons auditer la manière dont l'État et les collectivités territoriales sont intervenus et peuvent intervenir en soutien des entreprises.

Nous pourrons examiner si cette filière peut bénéficier d'un engagement de développement de l'emploi et des compétences (EDEC), autrement dit un accord annuel ou pluriannuel conclu entre l'État et une ou plusieurs branches professionnelles pour la mise en oeuvre d'un plan d'action négocié, sur la base d'un diagnostic partagé sur les besoins. Il s'agit d'anticiper les conséquences des mutations économiques, sociales et démographiques sur les emplois et les compétences et de mener des actions concertées dans les territoires.

Nous pourrions entendre dès le jeudi 14 février prochain M. Julien Tognola, chef du service de l'industrie de la direction générale des entreprises au ministère de l'Économie et des finances ; puis, très rapidement, Mme Christel Bories, PDG du groupe Eramet, en sa qualité de président du comité stratégique de filière Mine et Métallurgie, ainsi que Mme Catherine Tissot-Colle et M. Philippe Darmayan, co-présidents de A3M, Alliance des Minerais, Minéraux et Métaux. Celle-ci résulte d'une alliance entre la Fédération des minerais, minéraux industriels et métaux non ferreux (Fedem) et la Fédération française de l'acier (FFA).

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