En réponse à l'une des questions de Mme Cohen, j'ajouterai que la dixième priorité du plan consiste précisément à diminuer les risques pour les personnes sous-main de justice, en milieu ouvert comme fermé. En prison, la situation est catastrophique du fait des conditions d'incarcération et d'une grande accessibilité des produits. J'ai tout de même visité une maison d'arrêt où il existe une aile sans tabac, ce qui est formidable. L'idée est d'essayer de travailler davantage avec l'administration pénitentiaire pour diffuser ce genre d'expérience. Nous relançons aussi le chantier des expérimentations visant à réduire les risques en milieu carcéral.
Vous évoquiez aussi le vide juridique autour de la question des jeunes montrés sur les réseaux sociaux, qui sont parfois rémunérés pour faire ce genre de prestation. J'ai récemment saisi le procureur de la République dans le cadre de l'article 40. On verra ce que l'on peut faire, même si la réponse du procureur sera sans doute insuffisante pour s'attaquer à ce sujet.
Sur nos capacités de manoeuvre en Afghanistan, je resterai très modeste. Je mentionnerai tout de même qu'une partie de nos crédits va à la coopération internationale par l'intermédiaire de la subvention à l'ONU DC. Nous insistons pour que notre argent serve à la promotion des cultures alternatives dans les pays producteurs. Je ne me fais toutefois pas beaucoup d'illusions ; on ne changera pas l'économie de l'Afghanistan comme ça... Quant à nos collègues du ministère de l'intérieur, ils travaillent avec leurs partenaires sur le sujet de la « route des Balkans », afin de stopper, autant que faire se peut, le flux de production qui arrive d'Afghanistan.
Sur la question de l'échec scolaire, difficile de savoir où est la poule et où est l'oeuf. Tout cela est lié. Le renforcement des compétences psychosociales est donc le coeur de notre sujet, plutôt que de courir toujours après un nouveau risque, un nouveau comportement, une nouvelle substance ou un nouveau produit de synthèse (NPS) qui va être mis sur le marché ; il en apparaît deux par semaine...
Vous avez donc été plusieurs à m'interroger sur la loi Pacte et le projet de privatisation de la Française des jeux. Sachez simplement que nous sommes partie prenante des réunions interministérielles sur la question du risque de jeux excessifs. Il y a beaucoup de parallèles entre cette consommation de jeux durant la jeunesse et les consommations d'alcool ; cela répond aux mêmes mécanismes. Nous pouvons donc mettre à profit notre expérience.
Quant au lien entre la baisse du QI moyen et l'usage excessif des écrans, c'est à ce stade une hypothèse. Le problème n'est pas nouveau. Lorsque j'étais médecin et que j'allais en visites, je voyais - souvent dans les foyers qui ont des difficultés - les enfants assis devant une énorme télévision. On passe alors à côté d'autres apprentissages et d'interactions avec l'entourage, avec des objets, des manipulations. La construction psychosociale d'un enfant passe par autre chose que d'être totalement passif devant un écran. Pour mémoire, il y a en particulier une campagne du CSA largement relayée qui dit « pas d'écran avant 3 ans ».
Il y a eu aussi les recommandations sur les 3 ans-6 ans-9 ans-12 ans qui donnent des indications aux parents, ça ne suffit pas, je pense qu'il faut accompagner ça davantage mais on dispose d'un certain nombre de repères.
Sur le nouveau modèle économique des alcooliers, je partage l'idée selon laquelle les cibles principales de notre action doivent être les buveurs excessifs. Ce doit être aussi les jeunes ; le plan le dit très clairement. La réflexion doit être menée y compris dans vos territoires. Il y a un mécanisme qui marche assez bien ailleurs : c'est celui du prix minimum. Il permet de rendre moins accessibles les alcools pour la jeunesse et pour les gros buveurs mais reste relativement neutre pour ceux qui boivent assez peu. Ces expériences commencent à être menées en l'Ecosse, en Irlande ou dans la Fédération de Russie. Vous savez toutefois que la question des taxes nouvelles est un peu urticante en ce moment... Je suis prêt en tous cas à réfléchir à toutes les idées. Nous en avons quelques-unes même si elles n'ont pas été déclinées en mesures.
Concernant le fonds addictions ; nous avons la chance d'y être en comité restreint avec les directions du ministère de la santé, et nous aurons notre mot à dire sur son orientation.
A propos du syndrome cannabique foetal, la banalisation de la consommation par les mères pose effectivement de vraies difficultés. L'accompagnement des jeunes femmes dès l'annonce de la grossesse est inscrit dans le plan. Il doit concerner leurs compagnons et porter non seulement sur l'alcool - qui fait les plus gros dégâts - mais aussi sur le tabac et le cannabis.
Le snus est une vieille tradition dans les pays du Nord. Je resterai assez prudent en préfèrant la bonne vieille recette qui marche plutôt bien depuis quelques années, à savoir la prévention qui passe par l'augmentation du prix. Il y a aussi les thérapies de stimulations magnétiques (TSM), ces dernières se développent grâce à la mobilisation de la ministre et du DG de l'assurance maladie. Je ne sais pas si ce genre d'alternatives doit être promu en France ; je n'ai pas d'avis sur le sujet. Enfin, la cigarette électronique est une bonne alternative, sans pas pour autant aller jusqu'au remboursement...
Sur les actions de développement compétences psychosociales dans les lycées, il me semble que la région est d'abord là pour se charger des bâtiments. Cela dit, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues pour participer au contrat local de santé. Tout cela se fera à l'initiative du préfet et du recteur. L'implication des rectorats est importante ; les ARS ne peuvent pas toujours tout tenir à bout de bras. Il faut aussi embarquer des préfets sur les questions transfrontalières. C'est un vrai sujet qui fait largement débat surtout dans un contexte de hausse des prix. Quant aux chiffres régulièrement donnés, rappelons qu'ils sont issus d'études financées par l'industrie du tabac. A la demande des membres d'un groupement d'intérêt public, nous avions pour notre part, mené en 2016 une étude sur les questions de l'approvisionnement en tabac en France. Elle révélait que 70 % des fumeurs consommaient du tabac acheté exclusivement ou quasi exclusivement chez le buraliste. Les deux moments où les gens achetaient en dehors de chez le buraliste, étaient soit lors d'un déplacement à l'étranger ou d'un achat en boutique duty free. Nous n'avons pas pu analyser la porosité qui existe aux frontières de la Belgique, du Luxembourg, de l'Espagne ou de l'Allemagne. Cette année, nous devrions refaire une nouvelle étude pour mesurer s'il y a des changements de comportements et essayer de mesurer plus finement le niveau de porosité de la frontière. Se posera la question de savoir s'il faut se concentrer sur les frontaliers ou alors aller jusqu'à 100, 150 ou 200 km pour des achats beaucoup plus importants. Nous devrions avoir les résultats en début d'année prochaine.