Dans le passé, on a eu des climats plus chauds d'environ 5°C par rapport à aujourd'hui à cause de la modification de l'orbite terrestre. Il y a 120 000 ans, le Groenland avait presque complétement fondu, ce qui a occasionné un niveau des mers d'environ 7 mètres plus élevé qu'aujourd'hui. Les conséquences étaient bien entendues très importantes. Toutefois, même si un climat plus chaud a déjà eu lieu, la rapidité avec laquelle le climat évolue aujourd'hui est sans précédent. Pour rencontrer une teneur en GES identique à celle d'aujourd'hui, il faut remonter à plusieurs millions d'années. Et 5°C en 100 ans, c'est extrêmement rapide pour le climat et l'évolution des espèces. L'enjeu n'est pas tellement dans l'amplitude mais bien dans la rapidité des changements observés et attendus.
En outre, lorsque l'on parle de la pollution atmosphérique par les particules, on peut se dire qu'on aura un jour des voitures et des véhicules propres qui n'en émettront plus et à ce moment-là, en quelques semaines, il n'y aura plus de pollution à particules. Or l'arrêt de l'émission des GES ne fait pas revenir les températures à leur niveau initial. Cela les stabilisera au mieux pendant des siècles ou des millénaires. Il y a donc une forme d'irréversibilité dans le phénomène. Nous aurons à nous adapter quoiqu'il arrive au changement climatique et il faut essayer d'en limiter l'amplitude.
Cela m'amène aux actions locales par rapport à ce phénomène qui nous dépasse. Comment agit-on ? On peut agir par des soins palliatifs ou par un traitement de fond. L'adaptation c'est le traitement palliatif. Réduire les GES, c'est un traitement de fond. La seule façon d'y arriver est d'engager l'ensemble de la société, ce que rappelle le dernier rapport du GIEC. Bien sûr, une action personnelle ou locale n'a que peu de poids dans cet ensemble mais si tout le monde dit cela, on n'y arrivera pas.
En revanche, l'adaptation, par exemple en construisant des infrastructures permettant d'améliorer la résilience à ces phénomènes, est locale et peut se faire à l'échelle d'une ville par exemple. J'entendais récemment un maire d'une commune du Sud-Est rappeler que les inondations de sa commune s'expliquaient par le changement climatique mais aussi par les aménagements réalisés en amont. La problématique ne doit donc pas être uniquement traitée au niveau d'une commune mais bien à l'échelle d'un bassin. Les secteurs d'activité peuvent également se doter de plans d'actions tout comme les États.
Les régions méditerranéennes sont en première ligne des problèmes de ressources en eau tant pour l'agriculture que pour l'énergie. Plus largement, les régions du Sud de la France seront exposées à davantage d'aléas que le Nord de la France, tout comme les régions de montagne, pour d'autres raisons. On estime par exemple qu'avec un climat plus chaud de 2°C, la durée de l'enneigement sera réduite d'un mois, avec les implications touristiques et économiques que l'on peut imaginer. Des maires dans les Cévennes m'ont informé qu'ils tentaient de transformer leurs stations pour réduire leur dépendance au ski.
Dans nos modèles, nous travaillons sur des scénarios avec ou sans prise en compte des politiques climatiques. C'est pourquoi le scénario le plus ambitieux en termes d'actions menées, notamment en matière de géo-ingénierie par exemple en retirant directement du CO2 de l'atmosphère, nous conduit à un climat d'environ 1,5°C plus chaud qu'aujourd'hui.
Enfin, la communication est insuffisante. Nous sommes une centaine de climatologues en France aujourd'hui et n'avons pas les moyens de mieux faire circuler nos résultats.