Mes chers collègues, en accord avec Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, co-rapporteures en 2018 de notre travail sur les mutilations sexuelles féminines, il m'a paru souhaitable d'envisager sur ce sujet l'élaboration d'une proposition de résolution faite dans le cadre de l'article 34-1 de la Constitution.
Ce type de texte permet en effet de donner de la substance à des prises de position de notre institution qui ne relèvent pas des compétences législatives.
Maryvonne Blondin, Marta de Cidrac et moi avons pensé que nous devions, en cette semaine dédiée à la thématique de la lutte contre les mutilations sexuelles féminines, du fait de la Journée onusienne du 6 février, « Journée internationale de tolérance zéro contre les mutilations sexuelles féminines », nous inscrire dans ce combat, comme nous l'avions fait il y a précisément un an, en organisant une table ronde ouverte au public qui a servi de fil conducteur aux réflexions de nos co-rapporteures.
Le projet de texte qui vous a été adressé par courriel préalablement à cette réunion rassemble en un document unique une synthèse de nos conclusions sur deux sujets liés : les mutilations sexuelles féminines et le mariage des enfants. Je rappelle que le mariage des enfants a pour corollaire les grossesses et accouchements précoces, qui constituent la deuxième cause de décès dans le monde pour les jeunes filles de 15 à 19 ans.
Les constats statistiques concernant ces pratiques sont effroyables. Nous les connaissons, mais je vous les rappelle : toutes les sept secondes dans le monde, une jeune fille de moins de 15 ans est mariée, toutes les 15 secondes, une fillette ou une femme est excisée, une fille sur cinq donne naissance à son premier enfant avant l'âge de 18 ans et 70 000 décès dans le monde sont causés chaque année par les grossesses précoces.
Nos précédents travaux sur les mutilations sexuelles féminines nous ont alertés des conséquences dramatiques de l'excision sur la santé physique et psychologique des victimes. Ils nous ont confirmé que ces pratiques s'inscrivaient dans le continuum des violences faites aux filles et aux femmes.
Quant à la table ronde du 11 octobre dernier, organisée avec l'UNICEF à l'occasion de la Journée internationale des droits des filles, elle nous a alertés sur les conséquences du mariage précoce et forcé, qui en empêchant les filles d'aller à l'école, les condamne à une vie de dépendance et de précarité économique et prive les pays concernés d'un potentiel de développement et de croissance évident.
Le bref rapport d'information que nous avons adopté lors de notre dernière réunion rappelle ces enseignements. Il souligne la nécessité d'une vigilance accrue contre le mariage des enfants, dont on relève l'amplification depuis quelques années, y compris dans des régions où cette pratique avait diminué. Ce fait tient, selon les observateurs, à la multiplication des zones de crise, qu'elles résultent de conflits ou de catastrophes naturelles et environnementales.
La proposition de résolution reprend la plupart des constats et des points de vigilance que nous avons formulés dans ces précédents travaux. Pour ma part, je tiens à souligner la nécessité absolue d'impliquer les hommes dans ce combat.
Je précise que ce texte est destiné à devenir, sous réserve de son inscription à l'ordre du jour et de son adoption, une résolution du Sénat et non pas un travail de la délégation. J'attire aussi votre attention sur le fait que la délégation ne saurait déposer collectivement une proposition de résolution et que, de ce fait, nous agissons dans ce domaine dans le cadre d'initiatives individuelles.
Si vous m'y autorisez, je la déposerai donc dès aujourd'hui avec Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, qui en sont les co-auteures, et vous invite à la cosigner avec nous. Notre collègue Claude Malhuret m'a dès hier indiqué son souhait de faire partie des cosignataires. Il est évident que les cosignataires non membres de notre délégation seraient plus que les bienvenus.
L'objectif est en effet de montrer l'implication du Sénat tout entier dans la lutte contre ces fléaux, qui sont autant d'atteintes aux droits fondamentaux de la moitié de l'humanité. Il est aussi de marquer la considération de notre institution pour tous les acteurs, professionnels et bénévoles qui, partout dans le monde, agissent pour défendre ces droits.
Je donne sans plus tarder la parole à Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, en tant que co-auteures.