Mon rappel au règlement concerne les modalités d’application de l’article 45 de la Constitution.
C’est sur le fondement de cet article que le Conseil constitutionnel juge nécessaire de rejeter tout amendement sans rapport avec un texte de loi en cours d’examen. Tout relève donc de cette notion de rapport avec le texte.
Or à l’heure actuelle – on l’a encore vu ce matin en commission des lois, mais c’est le cas aussi ailleurs –, il arrive de plus en plus fréquemment que les commissions en rajoutent par rapport à l’application de l’article 45 et à la jurisprudence en la matière : si tel ou tel amendement que l’on présente ne plaît pas, elles considèrent qu’il est sans rapport avec le texte de loi examiné !
Ainsi, nous examinions ce matin – dans ce cadre, je n’ai pas été le seul à me plaindre des arbitrages rendus – une proposition de loi visant à modifier, pour ce qui concerne Mayotte, la récente loi sur l’immigration. Un certain nombre d’amendements, qui, pourtant, tendaient à modifier cette loi votée voilà quatre mois pour le cas de Mayotte et, donc, visaient le même objectif, ont été déclarés irrecevables, car sans lien avec le contenu de la proposition de loi.
On se retrouve donc dans un système où, en fonction du contenu des amendements – selon qu’ils plaisent ou ne plaisent pas –, on empêche des parlementaires d’exercer leur droit légitime à déposer des amendements.
Je souhaiterais que nous en ayons le cœur net, mes chers collègues ! Car le Conseil constitutionnel a bon dos ! On va prétendre qu’il ne laissera jamais passer tel ou tel amendement, mais, en définitive, on le fait parler sans lui demander son avis !
Dans cette affaire, c’est le droit d’amendement qui est en cause. J’aimerais donc que le président du Sénat saisisse le Conseil constitutionnel à propos des amendements qui n’ont pas été examinés ce matin, selon une procédure viciée dans laquelle le droit d’amender n’a pas pu s’exercer.
Il faut que nous en ayons le cœur net, car il n’existe aucune jurisprudence sur la question. Je demande par conséquent une saisine, par le président du Sénat, après le vote du texte, du Conseil constitutionnel, afin que celui-ci puisse déterminer si nous avons été brimés dans l’exercice de notre droit d’amendement, et ce même si les amendements concernés n’avaient aucune chance de passer, et si le fait que des dispositions législatives ont été votées en contradiction avec ce droit d’amendement ne justifie pas leur annulation.