Intervention de Guillaume Arnell

Réunion du 13 février 2019 à 14h30
Polynésie française : modification du statut d'autonomie et dispositions institutionnelles — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Guillaume ArnellGuillaume Arnell :

C’est pourquoi, bien que de faible portée normative, l’article 1er du projet de loi organique, très attendu par les Polynésiens, doit être maintenu dans le texte en l’état.

La normalisation que j’évoquais est enfin le produit d’une construction institutionnelle, celle du statut qui unit les Polynésiens à la République depuis 2004. D’abord nécessaire pour contenir la grande instabilité gouvernementale de l’archipel, la rigidité de ce statut apparaît aujourd’hui comme fort contraignante.

Certes, la faculté de voter des lois du pays offre de la liberté. Mais, faute de mention explicite dans le statut, ce système comporte également une certaine insécurité juridique.

Réinventer la relation entre la Polynésie et la métropole, libérer les initiatives polynésiennes, procéder à quelques rééquilibrages institutionnels : tels sont les enjeux de ces projets de loi que nous examinons aujourd’hui.

Comme aux Antilles où, pour d’autres raisons, l’histoire commune partagée avec la métropole est teintée d’amertume, les Français de Polynésie sont déterminés à réinventer cette relation sur de nouvelles bases. Que demandent-ils à Paris ? De réparer les corps affectés par les essais nucléaires et de leur permettre d’organiser les leviers de croissance qui prépareront leur indépendance économique.

De son côté, la métropole a tout intérêt à encourager ce mouvement, pour consolider la présence française dans la région Pacifique. On a vu l’engagement renouvelé des grandes puissances pour les organisations régionales comme l’APEC dans la zone. Faut-il pour autant laisser les territoires ultramarins conduire seuls une politique étrangère avec leurs partenaires environnants ? Quelle serait la marge de manœuvre acceptable ?

Il faudrait également que la politique étrangère française devienne plus proactive dans la défense des intérêts économiques et écologiques de ces Français, les plus exposés aux risques climatiques. L’exploitation des terres rares polynésiennes n’a d’ailleurs pas suscité d’inquiétudes de la part de nos collègues écologistes.

Compte tenu des enjeux politiques, je veux féliciter le rapporteur, Mathieu Darnaud, pour son travail conduit en coordination avec le Gouvernement et vous-même, madame la ministre, et évidemment ma collègue Lana Tetuanui, nos collègues polynésiens, qui, par leurs propositions, apportent des solutions concrètes aux problématiques polynésiennes, en particulier à la question foncière.

La Polynésie n’avait pas bénéficié des clarifications apportées par la loi Letchimy, adoptée l’an dernier.

Nous n’avons évidemment pas l’intention de faire obstacle à ce fort consensus ni à cette formidable opportunité pour les Polynésiens d’améliorer leur statut. Cependant, parce que nous légiférons pour l’avenir, nous nous interrogeons sur la pérennité de certaines dispositions, à la lumière de l’expérience métropolitaine.

C’est le cas pour ce qui concerne le développement des autorités administratives indépendantes ou des sociétés publiques locales unipersonnelles. Nous aurons l’occasion de nous en expliquer.

Nous nous interrogeons également sur le risque d’insécurité juridique qui pourrait, à notre sens, découler des nouvelles modalités d’exercice du contrôle juridictionnel du Conseil d’État sur les lois du pays. Une promulgation tacite ne comporte-t-elle pas un risque trop grand d’insécurité juridique ?

Plus généralement, en dehors de ces périodes de tractations intenses qui entourent la renégociation d’un statut, nous devrions nous réserver un temps pour réfléchir au mouvement global de ces évolutions. Jusqu’où pousser la logique d’adaptation du droit aux spécificités locales sans affaiblir le principe d’égalité entre nos concitoyens, où qu’ils vivent ?

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