Intervention de Robert Laufoaulu

Réunion du 13 février 2019 à 14h30
Polynésie française : modification du statut d'autonomie et dispositions institutionnelles — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Robert LaufoauluRobert Laufoaulu :

Ia ora na à l’ensemble de la délégation de Tahiti et de Polynésie !

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous fais part, au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de nos réflexions sur les deux textes que nous examinons cet après-midi, relatifs au statut d’autonomie de la Polynésie française.

Ainsi qu’il a été rappelé, les dispositions que nous étudions sont, dans une certaine mesure, techniques, mais l’une d’entre elles est très symbolique.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les modernisations et adaptations proposées par ces textes. Nous tenons à saluer à cet égard le travail accompli par le rapporteur, notre collègue Mathieu Darnaud. Son rapport fait ressortir avec justesse la nécessité d’adopter ces deux projets de loi.

Nous souhaitons également remercier notre collègue Lana Tetuanui de ses apports importants aux textes, ainsi que de son éclairage. Nos remerciements vont aussi à la délégation polynésienne, qui est venue échanger avec nous il y a peu.

Le statut polynésien a besoin d’être modernisé, afin que soient mieux prises en compte les particularités de ce territoire. À ce titre, il nous semble que l’évolution, contenue dans ce projet de loi organique et ce projet de loi ordinaire, vers plus de compétences données aux communes, est une bonne chose, et pourrait – pourquoi pas, chers collègues ? – inspirer une nécessaire relance de la décentralisation en métropole et, je l’espère, l’évolution du statut que j’appelle de mes vœux à Wallis-et-Futuna. Donner plus de compétences aux communes est d’autant plus judicieux lorsqu’il est question de la Polynésie française, composée d’archipels répartis sur un espace aussi grand que le continent européen.

Il est ainsi indispensable de développer la coopération entre le gouvernement du pays et les communes, mais aussi entre les communes elles-mêmes, en favorisant l’intercommunalité. Nous pensons également que des adaptations devraient être apportées pour permettre un fonctionnement plus pragmatique des différents outils que sont les autorités administratives indépendantes, les syndicats mixtes ouverts et les sociétés publiques.

Dans ce même souci de pragmatisme, et afin de répondre au mieux à la situation de ce territoire, les dispositions touchant au fonctionnement de l’assemblée de la Polynésie française, renforçant sa stabilité et son efficacité, sont des mesures de bon sens qu’il nous faut adopter.

Le projet de loi organique tel qu’il a été amendé a su prendre en compte les spécificités polynésiennes, notamment la complexité de la question foncière de ces archipels.

Ces textes contiennent donc des avancées certaines. Pour autant, nous pensons que les mesures proposées ne vont pas assez loin dans la reconnaissance de la dette de la France à l’égard de la Polynésie française.

L’article 1er du projet de loi organique reconnaît en effet la contribution de la Polynésie à la construction de la capacité de dissuasion nucléaire de la Nation. Mais affirmer cela, c’est bien peu dire. De l’avis même du Conseil d’État, les dispositions de l’article 1er sont largement dépourvues de valeur normative. Nous comprenons cependant la nécessité d’une telle inscription.

Plus de 90 % des essais nucléaires français ont été réalisés à Mururoa et à Fangataufa. Au total, c’est environ 700 fois la puissance de la bombe d’Hiroshima qui a été libérée dans le ciel et dans le sol de Polynésie durant une trentaine d’années. Malgré cela, nous avons assisté ces dernières années à des mesures de tâtonnement qui ne sont pas à la hauteur des enjeux ni de l’histoire. Il ne faut pas minimiser les conséquences de ces essais à la fois sur la population, mais aussi sur l’environnement. Il faut une juste reconnaissance, un juste accompagnement et une juste indemnisation.

Cela dit, il faut regarder ensemble vers l’avenir et mettre notre cœur à l’ouvrage pour développer la Polynésie française et la rendre durablement prospère.

Nous réaffirmons notre conviction : la Polynésie française a toute sa place au sein de la République et doit bénéficier d’une politique différenciée. Cette remarque vaut pour tous les outre-mer, qui recouvrent une grande diversité de situations. Sénateur des îles Wallis et Futuna je serai particulièrement attentif aux mesures foncières qui pourraient nous être proposées par le Gouvernement. Cette question est très délicate, et rien ne devra être décidé sans concertation avec les autorités de Wallis-et-Futuna.

Les outre-mer ne sont pas une charge comme on l’entend dire parfois ; ils sont au contraire une chance extraordinaire pour la France.

La France est présente dans tous les océans du monde grâce à ses outre-mer, et elle bénéficie de la deuxième zone économique exclusive : plus de 10 millions de kilomètres carrés qui pourraient et devraient être mieux mis à profit. Les outre-mer sont une vraie richesse pour la France ; ils sont des atouts économiques, naturels, géographiques, culturels et stratégiques. Quelle autre nation peut en dire autant ?

La Polynésie française, comme d’ailleurs la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, incarne la République française à plus de 20 000 kilomètres de Paris. Nous considérons que l’on pourrait faire bien plus pour dynamiser ce pays d’outre-mer et utiliser ses forces. En effet, le taux de chômage y atteint 24 % et le quart de la population au moins vit sous le seuil de pauvreté. Il faut que les choses changent ! Les sacrifices que la Polynésie française a consentis pour la mère patrie ne justifient-ils pas, a fortiori, que l’État l’aide à sortir du marasme ?

Madame la ministre, mon groupe votera en faveur de ces projets de loi et restera vigilant quant à l’action de l’État dans ce territoire.

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