Intervention de Raymond Vall

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 23 janvier 2019 à 9h30
Projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l'union européenne et ses etats membres d'une part et la nouvelle-zélande d'autre part — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Raymond VallRaymond Vall, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part.

Signé le 5 octobre 2016, cet accord est destiné à se substituer à la « Déclaration commune sur les relations et la coopération » de 2007, au caractère non contraignant, qui régissait les relations entre les États membres de l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande.

Le présent texte est avant tout un accord de dialogue politique et de coopération ; il ne s'agit donc en aucun cas de l'accord de libre-échange, qui est en cours de négociation avec la Commission européenne. Je rappelle d'ailleurs à cet égard que le Sénat, par une résolution adoptée le 21 février 2018, a exprimé sa position quant à la directive de négociation sur l'accord de libre-échange. Notre assemblée appelait notamment les négociateurs à protéger nos indications géographiques ainsi que nos filières agricoles, en les intégrant au sein d'une enveloppe globale d'importations qui prendrait en compte l'ensemble des accords commerciaux. En outre, le Sénat a demandé que l'accord comporte un volet environnemental et social, et que le principe de réciprocité quant à l'ouverture des marchés publics soit respecté. Sur tous ces points, la position de négociation de la France est conforme à celle exprimée par notre Haute Assemblée. Notre commission assurera un suivi de ces recommandations tout au long des négociations au travers de son groupe de suivi des négociations commerciales, commun avec la commission des affaires européennes et celle des affaires économiques.

Ce n'est donc pas notre sujet aujourd'hui, même si l'un des titres de l'accord de partenariat, consacré à la coopération économique et commerciale, vise à renforcer la coopération, dans un cadre multilatéral, sur plusieurs questions telles que les normes sanitaires et phytosanitaires, le bien-être des animaux ou encore la propriété intellectuelle.

Comme je l'indiquais précédemment, cet accord est principalement un accord-cadre de nature politique. À ce titre, l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande « réaffirment leur volonté de promouvoir la paix et la sécurité au niveau international ». Les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, qui sont essentielles pour l'identité néo-zélandaise, ont d'ailleurs été l'occasion de raviver les profonds liens d'amitié qui nous unissent.

Dans le domaine de la sécurité, la France et la Nouvelle-Zélande participent à des opérations communes dans la région Pacifique : d'une part, dans un cadre trilatéral, au travers de la déclaration FRANZ (France, Australie, Nouvelle-Zélande) en matière d'urgence en cas de catastrophe naturelle ; d'autre part, dans le cadre du QUAD (quadrilateral defence coordination group) auquel participent les États-Unis, et dont l'objectif est de coordonner l'effort de sécurité, prioritairement dans le domaine de la surveillance maritime.

En outre, les forces néo-zélandaises participent aux opérations de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'Union. La Nouvelle-Zélande est le premier État d'Asie-Pacifique à avoir signé un accord en ce sens.

La nouvelle coalition au pouvoir en Nouvelle-Zélande, conduite par Jacinda Ardern, mène actuellement une révision de la programmation militaire néo-zélandaise, appelée strategic reset, avec une attention particulière sur l'espace et la lutte contre la cybercriminalité, et des éléments plus précis sur le respect du droit de la mer et ses implications vis-à-vis de la présence chinoise. Un projet de loi devrait être déposé en 2022 ; cette perspective sera l'occasion pour nos industries de défense de se positionner sur certains marchés, notamment celui des frégates de taille intermédiaire.

Les parties réaffirment aussi leur volonté de coopérer à la prévention et à la lutte contre la criminalité organisée, la corruption, le trafic de drogues ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Dans le domaine humanitaire, les parties réaffirment leur engagement en faveur du développement durable dans les pays en développement. L'Union européenne, la France, via l'Agence française de développement (AFD), la Nouvelle-Zélande et l'Australie ont ainsi alloué un peu plus de 21 millions d'euros à une initiative dédiée à la diversité biologique, au changement climatique et à la résilience dans le Pacifique. Dans une région où la Chine réalise d'importants investissements pour ses nouvelles routes de la soie, un contrôle parlementaire accru des actions menées par l'AFD est essentiel afin de mieux orienter les crédits qui lui sont alloués. La prochaine loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement, annoncée pour cet été, sera l'occasion de rappeler cette nécessité et d'interroger le directeur général de l'AFD sur sa stratégie dans la région Pacifique, alors que l'Accord de Cotonou expirera l'an prochain.

Cet accord de coopération consacre une place importante au développement durable, dans son acception la plus large. Cette notion recouvre tout d'abord la lutte contre le changement climatique, qui constitue l'un des socles de notre relation bilatérale, consacrée par la Déclaration conjointe du 16 avril dernier. La Nouvelle-Zélande s'est engagée à la neutralité carbone en 2050, et a entrepris plusieurs actions à cet égard comme l'arrêt de l'attribution de nouvelles licences d'exploitation d'hydrocarbures. La notion de développement durable est également abordée sous l'angle de la responsabilité sociale visant à réduire la pauvreté et lutter contre les discriminations et l'exclusion.

L'accord traite aussi du renforcement de la coopération dans les domaines de la recherche et de l'innovation à des fins pacifiques. Le Premier ministre néo-zélandais souhaite attirer de nouveaux investissements français dans son pays et renouveler les partenariats en recherche et développement dans les secteurs environnementaux et à haute valeur ajoutée, comme l'agriculture de précision et l'aéronautique. Cela constitue une formidable opportunité pour le Centre national d'études spatiales, qui aspire à trouver des applications civiles à ses imageries satellitaires et ainsi conclure de nouveaux partenariats.

Enfin, l'accord reconnaît le rôle de l'éducation et de la formation dans la vie démocratique et suggère la mise en place d'échanges de fonctionnaires et d'étudiants de troisième cycle. À cet égard, le dynamisme de la coopération culturelle entre la France et la Nouvelle-Zélande est à souligner : avec 47 000 apprenants, le français est aujourd'hui la première langue étrangère enseignée dans le système scolaire néo-zélandais. Les « visas vacances-travail », destinés aux jeunes de 15 à 30 ans, permettent aux ressortissants français et néo-zélandais de travailler ou de séjourner dans l'autre pays pour une durée maximum d'un an ; plus de 11 000 jeunes Français se rendent chaque année en Nouvelle-Zélande dans ce cadre.

Pour conclure, cet accord renforcera le positionnement politique de l'Union européenne dans la région Asie-Pacifique où il est important qu'elle reste engagée, notamment pour répondre à la présence et à l'influence grandissante de la Chine. Le nouveau gouvernement néo-zélandais souhaite ainsi rééquilibrer ses relations diplomatiques en se rapprochant de l'Union, et plus particulièrement de Paris et de Berlin, dans un contexte d'incertitudes liées au Brexit et à la politique étrangère américaine.

En conséquence, pour l'ensemble des raisons que je viens d'évoquer, je préconise l'adoption de ce projet de loi.

L'Assemblée nationale l'a adopté en juillet dernier, et seize États membres de l'Union européenne ont d'ores et déjà ratifié cet accord.

Son examen en séance publique est prévu le 7 février 2019, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

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