Intervention de Jocelyne Guidez

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 février 2019 à 9h35
Proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche le soutien aux aidants familiaux la formation des professionnels et le droit à l'oubli — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez, rapporteure :

1 700 enfants de moins de 15 ans et 800 adolescents de 15 à 18 ans sont diagnostiqués d'un cancer chaque année en France. Il s'agit de la deuxième cause de mortalité des moins de 15 ans, après les accidents. Dans la mesure où ils affectent généralement des tissus embryonnaires ou en croissance, à la différence des cancers de l'adulte, les cancers de l'enfant ou de l'adolescent sont assimilés à des maladies rares qui exigent des stratégies thérapeutiques adaptées. On ne traite pas une leucémie ou un lymphome chez un enfant de la même manière qu'on traiterait ce type de pathologie chez l'adulte.

Les pathologies cancéreuses peuvent ainsi varier selon l'âge du patient : les leucémies sont les cancers les plus fréquents chez les enfants de moins de 15 ans et les lymphomes sont plus répandus chez les adolescents de plus de 15 ans. Grâce aux trois plans cancer successifs, des progrès notables ont été réalisés dans le traitement des cancers pédiatriques, si bien que le taux de guérison est passé en une quinzaine d'années de 50 % à 80 %. Pour autant, 500 enfants meurent chaque année en France d'un cancer, car certaines pathologies continuent de résister aux efforts conduits par la recherche depuis près de 40 ans. À titre d'exemple, les tumeurs infiltrantes du tronc cérébral demeurent problématiques chez l'enfant et le pronostic peu favorable.

Quand bien même les populations concernées sont peu nombreuses, nous devons refuser toute fatalité : l'émergence des immunothérapies dans la période récente nous a démontré qu'il est désormais possible d'emprunter d'autres mécanismes d'action que les thérapies traditionnelles pour traiter des pathologies pour lesquelles nous pensions que plus aucun espoir n'était permis. Les efforts de la recherche dans le traitement de ces maladies, et le soutien public et privé qui les accompagnent, doivent donc être démultipliés.

C'est l'objectif premier de cette proposition de loi : réunir les conditions d'une politique de recherche ambitieuse en oncologie pédiatrique dans le cadre d'une stratégie décennale de lutte contre le cancer, désormais inscrite dans la loi. Le 3e plan cancer prenant fin cette année, il apparaît pertinent de pérenniser cet outil structurant en l'élevant au rang législatif.

L'horizon décennal est justifié : nos efforts doivent désormais se concentrer sur les pathologies les plus coriaces, pour lesquelles un recul de cinq ou six ans est insuffisant. Dans le cas des cancers pédiatriques, le temps d'inclusion dans des essais cliniques peut en effet dépasser les cinq ans, étant donné l'étroitesse des populations concernées. Ces cas nécessitent plus de recul sur les résultats des traitements et l'évaluation des séquelles.

L'article 1er bis, introduit en séance à l'Assemblée nationale, prévoit la présence au conseil d'administration de l'Institut national du cancer (INCa) d'un député et d'un sénateur. On peut redouter un mélange des genres qui placerait des parlementaires en situation de juges et parties : d'un côté, ils siègeraient au sein d'une instance décisionnelle avec d'importants pouvoirs d'agrément et d'attribution de financements, et seraient donc organiquement liés à la gestion de l'INCa ; de l'autre, ils contrôleraient l'activité de l'institut au Parlement qui doit, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, se prononcer sur son niveau de financement. Des parlementaires ont pu par le passé siéger au sein du conseil d'administration de l'INCa, mais en qualité de personnalités qualifiées ayant un intérêt particulier pour le cancer désignées par le ministre chargé de la santé.

L'article 2 a pour objectif de faciliter la réalisation d'essais cliniques incluant des populations pédiatriques. Toutefois, la rédaction proposée par le Gouvernement et retenue par l'Assemblée nationale ne change en réalité pas l'état du droit en vigueur. Il est aujourd'hui possible de réaliser des essais cliniques pédiatriques à la seule et unique condition que ces essais ne puissent être réalisés sur des adultes avec une efficacité comparable. En remplaçant « ne peuvent que si » par « peuvent seulement si », le droit ne change pas, mais on peut tout de même relever une volonté d'affichage.

L'article 2 bis propose de porter de cinq à huit ans la durée des appels à projets de l'INCa, ce qui s'inscrit parfaitement dans la logique d'une stratégie de lutte contre le cancer de plus long terme.

L'article 3 est une des clés de cette proposition de loi pour un meilleur accompagnement social de l'entourage familial des patients. Il permet de mieux tenir compte de la durée prévisible du traitement et de ses conséquences dans l'accès des parents au congé de présence parentale et à l'allocation journalière de présence parentale. Le dispositif est complet et solide, en permettant de tenir compte de la durée prévisible du traitement dans la périodicité du renouvellement du certificat médical ; de renouveler le droit à l'allocation journalière en cas de rechute ou récidive ou lorsque les séquelles de l'enfant sont telles qu'elles réclament une présence soutenue ; de prendre en compte en totalité la durée du congé dans le calcul des droits tirés de l'ancienneté dans l'entreprise ; de systématiser l'information des familles sur leurs conditions d'accès à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et à son complément.

L'article 4 envisageait de renforcer les obligations de formation des professionnels de santé en matière de prise en charge pédiatriques, notamment en ce qui concerne le traitement de la douleur. Il a néanmoins été supprimé par l'Assemblée nationale. Par défaut, il est prévu une demande de rapport sur ce sujet à l'article 4 bis.

D'autres demandes de rapport sont d'ailleurs inscrites aux articles 5 bis et 5 ter, sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la convention relative au droit à l'oubli et l'examen des financements publics dédiés à la recherche en oncologie pédiatrique.

L'article 5 demande aux parties prenantes de la convention AERAS (« s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé ») d'engager dans un délai de six mois une négociation sur la possibilité d'étendre le droit à l'oubli à toutes les pathologies cancéreuses, quel que soit l'âge auquel elles sont intervenues. Cette disposition va dans le bon sens et respecte le processus conventionnel. Nous pouvons faire confiance aux parties prenantes pour avancer sur ce sujet.

Ce texte, qui privilégie une approche globale de la prise en charge des cancers pédiatriques, est une excellente initiative qui devrait produire des effets structurants dans le renforcement de la recherche en oncologie pédiatrique, l'amélioration de l'accompagnement social et médical des enfants et de leur entourage familial et la sécurisation de la situation des jeunes adultes traités dans leur adolescence pour une pathologie cancéreuse avec la perspective de progrès dans l'extension du droit à l'oubli.

Le texte n'est pas parfait et aurait pu faire l'objet d'améliorations, comme l'ont mis en évidence mes échanges avec l'ensemble des parties prenantes au cours d'auditions et de tables rondes. Toutefois, ce sujet appelle un soutien résolu pour améliorer le plus rapidement possible la situation des enfants et adolescents traités pour un cancer et de leurs parents. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter la proposition de loi sans modification afin que ces dispositions puissent entrer en vigueur dans les plus brefs délais.

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