Intervention de Agnès Buzyn

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 février 2019 à 13h50
Proposition de loi visant à fournir une information aux patientes sur la reconstruction mammaire en cas de mastectomie — Procédure de législation en commission article 47 ter à 47 quinquies du règlement - examen du rapport et du texte de la commission

Agnès Buzyn, ministre :

Je partage pleinement la nécessité de mieux informer les femmes. Je me pose seulement la question de son inscription dans la loi.

Madame Cohen, je considère que le meilleur levier est celui des autorisations. Le Plan cancer I a restreint le nombre de services pratiquant la cancérologie. Pour le cancer du sein, le seuil est de trente interventions par an, soit l'un des plus bas d'Europe. À ce niveau, on n'a pas toujours la masse critique suffisante pour proposer la totalité de l'accès aux soins de support. Un oncopsychologue ou un oncopsychiatre est présent si le seuil d'activité est élevé. C'est plus hypothétique dans un petit centre, ce qui pose la question de l'équité territoriale. La DGOS travaille actuellement à remonter ces seuils. Plus ils seront élevés, plus ce que nous mettrons en regard des autorisations pourra être exigeant. À l'inverse, plus l'activité est éparpillée, moins on a de chance de parvenir à une harmonisation des pratiques parce que les circuits sont beaucoup moins cadrés.

Le meilleur levier d'amélioration de la qualité des prises en charge, que ce soit de l'information ou des prises en charge cliniques ou thérapeutiques, est celui des autorisations. C'est pourquoi nous l'avons inscrit dans notre réforme du système de santé.

Il existe une société savante de psycho-oncologie dont je pourrai vous fournir le nombre d'adhérents mais je ne connais pas le nombre exact de praticiens, d'autant qu'ils sont répertoriés en tant que psychologues ou psychiatres et non oncopsychologues ou oncopsychiatres.

Lorsque j'étais à l'INCA, le comité des patients avait évalué les coûts non pris en charge entre 1 800 et 2 000 euros en y incluant les vernis à ongles et les pommades hydratantes, autant de petites dépenses qui s'accumulent. Tout dépend du stade du cancer et du lieu de prise en charge. Là aussi, il existe des disparités territoriales.

Pour ce qui est des dépassements d'honoraires, un certain nombre de chirurgiens ont contractualisé dans le cas de l'Optam et les mutuelles en prennent en charge. Il est vrai que beaucoup de femmes n'ont pas accès à une prestation représentant dix fois le tarif de la sécurité sociale. Heureusement, ce sont des cas extrêmes.

La tarification à l'acte plutôt qu'à l'activité engendrera-t-elle un changement ? Les premières tarifications en train d'être modélisées pour des tarifications forfaitaires correspondent à des parcours chroniques, d'insuffisance rénale chronique ou de diabète. Le cancer du sein était l'un des premiers modèles que j'avais souhaité développer lorsque Mme Marisol Touraine était ministre et qu'elle avait voulu lancer la réforme de la T2A. Il s'est avéré que les parcours étaient beaucoup plus divers que ce que laissaient croire les recommandations de bonnes pratiques. Nous n'étions pas parvenus à un parcours uniforme permettant une tarification, ce qui ne signifie pas que nous n'allons pas relancer cette question pour des patients atteints de cancers. Le comité de réforme de la tarification n'avait pas abouti et nous repartons de zéro.

Nous allons évaluer le Plan cancer et les actions mises en oeuvre sur le terrain. Je suis inquiète quant à la reconstruction sans reste à charge, probablement l'une des actions les plus en retard.

Y a-t-il d'autres ressorts qu'une inscription dans la loi ? Je préfère le cadre du cahier des charges des autorisations, qui engendreront des contrôles. Si nous l'inscrivons dans la loi, les manquements ne seront pas sanctionnés. Or il est gênant de voter une loi si rien ne se passe quand elle n'est pas appliquée.

Le comité scientifique spécialisé temporaire de l'ANSM s'est réuni les 7 et 8 février. Il a recommandé d'interdire le recours aux implants mammaires macrotexturés Biocell de la marque Allergan et appelé à la plus grande prudence concernant ceux de texture équivalente des autres marques. Il n'a toutefois pas appelé à leur explantation préventive. On attend l'avis de l'ANSM.

Le vrai scandale, c'est celui des prothèses PIP, qui étaient frauduleuses et ont constitué une escroquerie. Le reste est bien plus complexe. Il existe en France 500 000 femmes portant des implants, pour cinq à dix ans, donc changés régulièrement. Quelque 80 % de ces implants sont texturées.

La France a pu repérer les cas de lymphomes anaplasiques car elle est le seul pays au monde à tenir un registre exhaustif des lymphomes. Elle a alerté les autres pays. Nous avons plusieurs fois demandé le nombre de lymphomes à la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis car les implants lisses y sont plus fréquents mais n'avons pas reçu de réponse.

Il n'est pas question ici de faute ni de fraude, mais d'un dispositif médical entraînant un effet secondaire rare, concernant 58 cas sur 500 000 porteuses et 63 000 ventes par an. Étant donné le nombre de prothèses et de marques différentes, il est difficile d'associer le lymphome avec une texture ou une marque. Ce n'est pas un scandale sanitaire.

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