Le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fait de l'énergie un domaine de compétence partagée entre l'Union et les États. Il consacre la souveraineté de chaque État membre pour la détermination de son bouquet énergétique, sauf vote unanime du Conseil européen. Cette caractéristique majeure explique le premier avis motivé adopté par notre commission à propos de trois projets de directives concernant l'efficacité énergétique d'une part, et l'énergie produite à partir de sources renouvelables d'autre part. Sur le plan économique, cet avis motivé, étoffé par deux propositions de résolutions européennes, insistait sur l'équilibre entre prix de revient et avantage économique attendu. La mention systématique de la viabilité économique dans les versions définitives des trois directives concernées a satisfait cette position, adoptée dès le début par notre commission.
Il n'en va pas de même s'agissant de l'objectif assigné à chaque État en matière d'énergie obtenue partir de sources renouvelables à l'horizon 2020. La directive comportant le tableau des objectifs nationaux n'a pas été adoptée à l'unanimité du Conseil, ce qui soulève des questions par rapport à l'application des articles 192 et 194 du traité sur fonctionnement de l'Union européenne qui prévoient que le Conseil arrête à l'unanimité les mesures affectant la structure générale de l'approvisionnement énergétique des Etats membres. Le dispositif est donc juridiquement fragile. Paradoxalement, cette fragilité n'a aucune conséquence, puisque les objectifs assignés aux États membres pour 2020 sont strictement identiques à ceux inscrits dans la directive de 2009 ayant le même objet, qui avait été adoptée à l'unanimité. Seule nouveauté : la Croatie, non membre en 2009. Elle se voit imposer un objectif de 20 % qu'elle dépassait déjà en 2016, avec 28 % d'électricité obtenue à partir de sources renouvelables d'énergie...Un tel « volontarisme » n'est guère contraignant !
À propos des ambitions environnementales issues de l'accord de Paris, le dispositif ignore complètement le fait que l'électricité d'origine nucléaire soit actuellement indispensable à la fourniture d'énergie décarbonée.
Enfin, le coût du mix énergétique est implicitement traité comme un sujet dépourvu d'intérêt. Or, le soutien aux énergies renouvelables intermittentes a explosé au niveau de l'Union européenne en 2017. Selon un bilan publié le 24 janvier 2019 par la Commission européenne, le montant total s'est établi à 61,3 milliards d'euros en 2017, soit 4,4 milliards de plus qu'en 2016. Le plus inquiétant est le dynamisme des dépenses allemandes : avec 36,2 milliards d'euros, elles augmentent de 1,4 milliard en une seule année. Le rapport d'information sur la coopération énergétique franco-allemande - que vous aviez présenté, Monsieur le président, en mai 2014 - mentionnait « le coût intenable d'une transition à marche forcée ». Nous y sommes ! L'ampleur du soutien budgétaire et son dynamisme conduisent à s'interroger sur la durabilité du processus dans un contexte de finances publiques contraintes. La conjoncture n'est peut-être pas très favorable à l'introduction de nouvelles taxes carbone, ni en France, ni ailleurs. À cet égard, les dispositions retenues, même de pur affichage, ne satisfont guère les résolutions que nous avons adoptées.
La rédaction finale de cette même directive réserve toutefois un motif de satisfaction pour notre commission, car la diminution des biocarburants de première génération n'aura pas de caractère obligatoire pour les États membres, ainsi que nous l'avions souhaité.
Nos voeux ont été partiellement entendus sur deux points : les mécanismes de capacité et les tarifs réglementés de vente. Notre commission s'était élevée contre l'obligation d'associer des fournisseurs transfrontaliers à tout mécanisme national de capacité. Le texte définitif se borne à imposer aux États membres d'autoriser la participation de fournisseurs transfrontaliers, sous réserve de conditions techniques, ce qui est bien plus acceptable.
En revanche, le dispositif adopté en trilogue au mois de décembre maintient le droit pour tout acteur de participer à plusieurs mécanismes de capacité. Ainsi, notre commission aura combattu en vain une disposition qui fragilise un dispositif indispensable à la stabilité des réseaux électriques.
Elle a eu plus de succès avec les tarifs réglementés de vente, dont l'autorisation est pérennisée dans le cadre des « obligations de service public ». L'instauration de ces tarifs est une faculté : tel était le sens de la demande que nous avions formulée.
En conclusion de cette brève présentation d'un ensemble étoffé, je suis tenté de recourir à la métaphore du verre à moitié vide ou à moitié plein. Optimiste, je considérerai qu'il est à moitié plein !