La quatrième grande orientation de notre rapport consiste à nous interroger sur la compatibilité du nouveau mode de mise en oeuvre de la PAC avec ses fortes ambitions environnementales. Nous jugeons d'abord que dans le contexte qui se profile « les coupes budgétaires envisagées (...) seraient (...) incompatibles avec l'objectif de renforcement des ambitions environnementales de la Politique agricole commune, faute de pouvoir fondamentalement faire mieux avec moins ».
Nous redoutons ensuite « le fait que l'agriculture française ne pâtisse d'une exacerbation de la course au moins-disant (« dumping ») social et environnemental entre pays européens compte tenu des divergences que la nouvelle PAC ne pourra pas réduire ». Dans cette hypothèse, notre agriculture serait contrainte entre des exigences croissantes de standard de production et une pression à la baisse sur les prix. L'exigence de qualité alimentaire accrue des consommateurs ne va pas toujours de pair avec leur acceptation d'un prix d'achat majoré à due proportion. L'agriculture européenne ne pourrait alors pas contribuer, comme elle peut et comme elle le doit, à « la nécessaire transition environnementale et énergétique, du fait même d'une injuste pénalisation des producteurs les plus vertueux ».
Notre proposition de résolution européenne aborde deux autres points clés, celui des règles de la concurrence et celui de la gestion des crises. Ces deux sujets ont connu des évolutions récentes plutôt encourageantes, mais il semble que la Commission se satisfasse d'une forme de statu quo. Pour nous, après les avancées introduites par le « règlement Omnibus », en rester là serait une erreur. À nos yeux, « Omnibus » n'est qu'une étape, dans un processus à approfondir au fil du temps. Pour ce faire, notre proposition « rappelle la nécessité d'adapter, en règle générale, le droit de la concurrence aux spécificités agricoles et de renforcer effectivement le poids des producteurs dans la chaîne de valeur alimentaire ». Redonner de la valeur aux producteurs, c'était l'objectif premier de la loi EGalim. Mais sans mesure nouvelle en matière de concurrence, et avec un budget PAC très sensiblement à la baisse, les hypothétiques effets positifs d'EGalim seront annihilés.
Le terme ne figure pas dans la proposition de résolution mais l'exception agri-culturelle garde sa pertinence, a fortiori pour un pays comme le nôtre qui veut préserver la grande diversité de son agriculture et de ses formes de production. Nous devons aussi surmonter de fortes réticences de principe à intervenir en cas de crise, sur les marchés agricoles.
Formellement, la gestion de la PAC continue à pouvoir s'appuyer sur une gamme d'instruments d'intervention. Mais, si le cadre juridique a été préservé, la volonté d'agir pose question. La crise laitière de 2015-2016 a montré que la Commission européenne se refuse désormais, par principe, sauf circonstances très exceptionnelles, à agir en prenant le risque de « perturber les signaux de marché ». Ces réticences sont largement partagées par de nombreux États membres, à commencer par ceux du Nord de l'Europe.
Pourtant, le problème de la volatilité des prix agricoles demeure entier. Dans le même esprit, notre proposition de résolution souligne les « progrès particulièrement encourageants enregistrés, en vue de l'adoption du projet de directive visant à lutter contre les pratiques commerciales déloyales, parallèlement aux négociations en cours sur la future PAC 2021-2027 ». Il est un peu singulier que les progrès réalisés l'aient été en dehors du cadre stricto sensu des réformes successives de la PAC ! D'autres avancées sont nécessaires.
Enfin, dans un contexte où l'agriculteur est plus souvent et à tort critiqué que reconnu pour son travail, je conclurai sur un thème qui doit apparaitre dans les agendas nationaux de réforme de la PAC : celui des externalités positives de l'agriculture. Notre proposition de résolution demande que ces externalités bénéficient du renforcement prévu, à hauteur de 10 milliards d'euros, du programme de recherche et d'innovation. Nos agriculteurs doivent être rémunérés pour les services qu'ils rendent, tant à l'égard de la société que de l'environnement. Sans effet de substitution avec les crédits du pilier premier ou du second pilier, leurs prestations pour services environnementaux « devrai(en)t leur valoir une rémunération en contrepartie des biens publics qu'ils produisent », tout comme de leur contribution aux enjeux de transition climatique... toujours passée sous silence.