Ce projet de troisième résolution doit être abordé en complément des deux précédentes.
Sur la question budgétaire, il y a bien une baisse globale du budget de la PAC, de l'ordre de 45 milliards d'euros sur la durée du cadre financier pluriannuel - sept ans -, mais cela n'est pas dû qu'à la baisse du solde net britannique. Il y a de nouvelles priorités - la défense, la lutte contre le terrorisme -, dont le financement s'élèverait entre 25 et 28 milliards d'euros.
Le statut des agriculteurs est un vieux débat, qui reste d'actualité. C'est à affiner.
Depuis les débuts de la PAC, la France a défini sa position sur l'agriculture à travers le prisme de l'aménagement du territoire. C'est ce qui a façonné nos paysages. C'était peut-être un handicap à la compétitivité économique, mais c'est globalement bénéfique. Il ne faut pas abandonner cette orientation, on ne peut pas avoir une vision purement économiste et ignorer les autres facteurs ; et la France a bien réussi en la matière.
Il y a effectivement un risque de dérive de la future PAC lié à une subsidiarité excessive, qui nous conduirait à des distorsions de concurrence entre régions. On n'a en outre pas totalement répondu à la question de la sécurité en matière agricole, comme ont su le faire les États-Unis au travers du Farm Bill. La politique agricole interagit avec la politique de la concurrence, même s'il y a eu des corrections, notamment avec la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Laissons à cette loi le temps de produire ses effets, mais j'ai du mal à voir le « ruissellement » annoncé dans le secteur du lait, par exemple. Certes, la montagne de poudre de lait a disparu et les marchés seraient plutôt sur une tendance haussière mais ce n'est pas lié à la loi « EGalim ».
Je veux également rétablir quelques éléments factuels sur les normes phytosanitaires. L'Union européenne décide de l'innocuité ou non d'une molécule ; ensuite, chaque État membre valide ou non le produit commercial, qui comporte la molécule et des adjuvants. Un État membre peut donc décider de protéger davantage son consommateur, en interdisant un produit commercial comportant une molécule autorisée. Cela entraîne une forme de distorsion de concurrence car la pression sociétale est plus forte en France qu'ailleurs.
À l'échelon de l'OMC, c'est l'accord sur les sanitaires et phytosanitaires qui s'applique : quand un produit menace la santé des consommateurs, un État membre peut en interdire l'importation d'un pays tiers, au travers de la clause de sauvegarde. J'aimerais que l'on parvienne à plus de convergence au sein de l'Union européenne, en raison de la liberté de circulation des produits en Europe. En effet, avec le marché unique, on peut acheter un produit interdit dans son pays mais autorisé ailleurs. L'Europe a su être très réactive pour le traitement des viandes avariées mais il s'agissait d'une fraude. Il y a des autorités nationales de surveillance, qui coordonnent leur action, mais une autorité européenne de surveillance serait plus efficace.
Madame Cukierman, il existe un socle européen des droits sociaux, qui monte en puissance. Cette directive n'était pas évidente à faire aboutir et il faudra la décliner à l'échelon national. Sur le plan sanitaire, la belle image de l'agriculture française vient de notre grande exigence sur le sujet. D'ailleurs, l'exigence de l'équipe de négociation de Michel Barnier, sur le « Brexit », est liée à sa volonté de protéger le marché unique d'incursions de produits sanitaires non conformes car un produit pourrait entrer dans l'Union européenne par le biais du Royaume-Uni, en vertu d'accords bilatéraux conclus avec des pays tiers.
En ce qui concerne le niveau des dépenses du budget de l'Union, on rêverait de dépasser le seuil de 1,11 % du PIB ; d'ailleurs, dès 1,3 %, on règlerait tous nos problèmes. À titre d'illustration, aux États-Unis, on se situe à 20 % du PIB... Le rapport du groupe d'études présidé par Mario Monti n'a hélas pas résolu le problème du manque de ressources propres.
Enfin, l'agriculture du XXIe siècle doit effectivement être une agriculture de solutions, comme Pierre Cuypers l'a bien dit : solutions agroalimentaires - il faut se nourrir, l'indépendance alimentaire sera essentielle - ou non alimentaires - la chimie verte, qui balbutie. D'où la remarque de Martial Bourquin, sur le risque des investissements directs étrangers. La terre, la surface agricole, est essentielle. L'achat de terres en Europe et en Afrique par les Chinois n'est pas anodin.
Or la stratégie européenne s'inscrit à contrecourant de celle des autres puissances, comme le souligne Henri Cabanel, et la France doit tirer la sonnette d'alarme.