Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 février 2019 à 9h00
Agriculture et pêche — Réforme de la politique agricole commune pac : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique du groupe de suivi

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Monsieur Daunis, vous avez anticipé mes propos. À la commission des affaires européennes, nous avons toujours gardé un contact avec les conseillers agricoles des 27 ambassades de nos partenaires européens. Nous les rencontrons régulièrement. Le vote sur la PAC se fera à la majorité qualifiée : nous devons ainsi réunir le vote de 55 % des États membres, soit 16 États, représentant 65 % de la population. Pour obtenir une minorité de blocage, il faut recueillir le vote d'au moins quatre États membres représentant 35 % de la population. Nous réunirons les conseillers agricoles des ambassades et recueillerons leurs impressions, dans le cadre d'un échange informel. Je proposerai de créer aussi un groupe des « pays amis » de la PAC et de les réunir au Sénat. Il importe de convaincre et de ne pas rester entre soi. La politique de la chaise vide serait inefficace. Mais le combat ne sera pas facile. J'ai constaté, lors des réunions de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac), que l'Allemagne avait déjà « basculé » dans le camp des pays ultralibéraux rejoignant les pays du Nord. Nous sommes dans le camp des pays du Sud avec les pays d'Europe de l'Est, de l'Italie, de l'Espagne.

En conclusion, nous redoutons que la réforme en préparation n'aboutisse de facto à terme à 27 « Politiques agricoles communes nationales ». Cette notion, à tous égards antinomique, marquerait la fin de la PAC telle qu'elle a été conçue et appliquée depuis l'origine, en 1962. Lors de contacts informels récents, certains parlementaires d'autres États membres ne m'ont pas caché leur crainte ou, pour certains d'entre eux, le constat quasi « clinique » qu'ils faisaient d'une mort programmée de la PAC. Cette politique, à laquelle nous, Français, tenons tant, serait ainsi amenée à perdre ses soutiens politiques au fil du temps. Nous devons arrêter cet engrenage fatal !

En dernière analyse, la question posée, à ce stade des négociations, consiste à déterminer s'il sera encore possible d'améliorer sensiblement le projet de réforme, tel qu'il sera laissé par l'actuelle Commission Juncker. Plus le processus d'élaboration sera avancé, plus il deviendra difficile d'en infléchir l'économie générale. Pourtant, une réorientation substantielle de la réforme semblerait concevable, à partir de l'été 2019. Tout dépendra de l'ampleur des points restant en discussion au terme des travaux de la présidence roumaine du Conseil de l'Union européenne, fin juin 2019. Si le degré de consensus atteint devait être encore faible à cette date, ce qui est fort probable, une fenêtre d'opportunité pour en renégocier les termes deviendrait envisageable.

Dans cette perspective, le nouveau mode de mise en oeuvre de la PAC apparaît comme un sujet en soi, compte tenu des risques qu'il représente à moyen terme pour la substance même de la Politique agricole commune. Le plus sage serait d'y renoncer. En revanche, le reste des dispositions, présentées depuis le 1er juin 2018 par la Commission européenne, demeure tout à fait amendable.

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