Intervention de Stéphane Pénet

Mission d'information sur la gestion des risques climatiques — Réunion du 13 février 2019 à 15h00
Audition de M. Stéphane Pénet directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la fédération française de l'assurance

Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la Fédération française de l'assurance :

Je note de nombreuses interrogations sur les faiblesses du régime et les améliorations qui pourraient être apportées.

Très rapidement, sur la question des automobiles : effectivement, environ 15 % des propriétaires de voitures ne s'assurent qu'au strict minimum, uniquement contre les dommages aux tiers. Dans ce cas, il s'agit d'une décision du propriétaire : si mon véhicule est très vieux, je décide de ne pas l'assurer en dommages. La question est de savoir si l'assureur a bien prévenu l'assuré de la situation. Nous insistons sur le rôle de conseil de l'assureur, qui doit prévenir qu'avec ce type d'assurance minimum, le propriétaire ne sera pas couvert en cas de catastrophe naturelle. L'engagement est clair : nous ne faisons que conseiller aux assurés de s'assurer en dommages, pour être couverts sur les catastrophes naturelles.

Sur la vétusté, je rappelle que lorsque des bâtiments sont détruits, nous indemnisons en valeur de reconstruction. Le prix de reconstruction doit être pris en charge par l'assurance et là-dessus, il n'y a pas de vétusté, pas de reste-à-charge. En revanche, il existe un reste-à-charge lorsque, par exemple, les tuiles d'un toit sont soit toutes neuves soit très vieilles, ou lorsque nous sommes confrontés à deux téléviseurs, un neuf et un très vieux : dois-je les indemniser de la même façon ? L'assurance n'est pas supposée enrichir, elle doit remettre la personne dans l'état dans lequel elle était avant l'accident ; c'est un vrai casse-tête de savoir comment s'y prendre. Les assureurs ont décidé, dans un certain nombre de cas, de racheter de la vétusté, notamment pour l'électroménager par exemple ; dans ce cas, on rachète à neuf. Pour le reste, on tient compte de la vétusté. Ça parait difficile, compliqué et injuste, mais il y aurait de l'injustice dans l'autre sens aussi. Par exemple à Saint-Sornin, j'étais allé voir le maire et j'avais discuté avec des sinistrés. Dois-je indemniser de la même façon quelqu'un qui entretient son toit et a investi et quelqu'un dont la toiture n'était pas entretenue et très vétuste ? C'est une question que je pose, parce que j'estime qu'un des sinistrés a fait un effort de prévention et de maintenance et l'autre, non. Notre ligne directrice est la suivante : nous faisons de la valeur à neuf quand les biens le méritent, sinon nous tenons compte de la vétusté au moment de l'indemnisation.

En ce qui concerne la viticulture, je reviens sur le problème de la grêle. Oui, la grêle pose un véritable problème dans notre pays, et nous n'en parlons pas assez à mon avis. Il y a peu d'études sur l'évolution de la grêle dans notre pays, et sur la violence des évènements. Il est vrai qu'aujourd'hui, sur l'assurance récolte, que ce soit en grêle, en sécheresse ou en excès d'eau, les assureurs perdent beaucoup d'argent - à tel point que cela nous inquiète parce que certains assureurs se retirent. Il y a un prix pour ce risque ; la question est donc de savoir comment le financer. Il faut bien comprendre que nous ne sommes que le baromètre d'un risque à travers le prix de l'assurance. Aujourd'hui, la grêle, mais aussi la sécheresse, sont deux périls pour lesquels l'agriculture doit s'adapter, soit en tenant compte dans les prix de vente du risque climat, soit en adaptant les cultures. Si je ne crois pas à la prévention contre la grêle, je crois à la protection, à travers par exemple les filets anti-grêle. Je sais néanmoins que c'est coûteux.

Concernant le retard sur les interventions dans les Alpes-maritimes, nous suivons au sein de la FFA les abaques en matière d'indemnisation. Il y a toujours un écart entre nos chiffres et la réalité mais bien évidemment, lorsqu'il y a des retards, cela se voit davantage que lorsque les délais sont respectés. Nous sommes très focalisés sur les efforts permettant d'accélérer les processus d'indemnisation, ce qui passe premièrement par l'accélération des processus d'expertise, deuxièmement par la capacité locale en matière d'ouvriers du bâtiment pour pouvoir réparer, car parfois les couvreurs sont débordés, et troisièmement par le règlement des litiges, quand l'assuré n'a pas accepté la proposition de l'assureur. Nous respectons les droits des assurés, mais ces litiges retardent le processus. Dans les Alpes-Maritimes, nous considérons que tous les dossiers non litigieux ont été réglés. Nous surveillons les mêmes abaques sur l'Aude, Irma et maintenant les gilets jaunes.

Sur les biens non assurables, le principe est de dire que les infrastructures qui appartiennent à l'État ou aux collectivités locales, de même que les ouvrages d'art, ne sont pas assurables et assurés. L'État et les collectivités sont leurs propres assureurs. Si ces collectivités veulent s'assurer, qu'elles le fassent : nous les assurerons. Certaines communes décident aujourd'hui d'assurer les biens communaux. Il est possible de souscrire une assurance pour un cimetière, mais souvent le choix est fait de ne pas s'assurer. Nous respectons cette liberté.

En ce qui concerne les terres argileuses, je partage votre avis. Il existe un outil efficace, à savoir le plan de prévention du risque sécheresse, qui consiste à tenir compte dans le plan local d'urbanisme (PLU) et les permis de construire de la réelle cartographie du sous-sol. Désormais, les données du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) permettent d'avoir une vision relativement macroéconomique des zones vulnérables, mais elles ne sont pas suffisamment fines pour permettre de déterminer s'il faut construire ou non à tel endroit. C'est ce que prévoient les plans de prévention des risques sécheresse mais il n'y en a malheureusement pas assez. Cela relève de la responsabilité de la commune, lui permettant de bénéficier de l'aide du fonds Barnier ou d'autres dispositifs.

Sur la responsabilité des propriétaires, lorsqu'il y a un plan de prévention postérieur à la construction, doit-on en vouloir aux propriétaires qui avaient construit avant que l'on ne constate la réalité des risques ? Nous aimerions que le fonds Barnier, véritable pivot du financement de la prévention contre les aléas naturels dans notre pays, soit davantage orienté vers des problématiques individuelles, telle une maison inhabitable ou dont le terrain doit être rendu à la nature, nécessitant l'expropriation de la personne dans des conditions correctes. Nous aimerions que le fonds Barnier puisse davantage orienter son activité vers ce « pick and choose », cette politique très ponctuelle d'expropriation ou de protection à travers des matériaux qui permettent d'absorber ou de faire passer l'eau sans dégâts apparents. La question des politiques générales de prévention contre les aléas naturels, à notre avis, relève davantage d'une politique publique que d'un fonds. Je rappelle que le fonds Barnier est alimenté non par des taxes mais par les contributions des assurés. Pour nous, son action doit donc être directement liée aux intérêts des assurés à travers le régime d'assurance des catastrophes naturelles.

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