Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vendredi dernier était célébrée la journée internationale du cancer de l’enfant. Le samedi suivant, le Sénat a accueilli le colloque de l’association Imagine for Margo, consacré à la recherche en oncologie pédiatrique.
Les groupes d’études des deux assemblées sont mobilisés de longue date sur ce sujet. Notre collègue Catherine Deroche nous a efficacement sensibilisés à cet enjeu, si bien que nous sommes nombreux à avoir soutenu à la fin du mois de janvier la demande d’un collectif associatif de déclarer la lutte contre les cancers pédiatriques grande cause nationale.
Le Parlement est donc pleinement engagé. Nous comptons désormais sur l’action du Gouvernement et des industriels.
Le texte qui nous est transmis par l’Assemblée nationale a le mérite de proposer une stratégie globale dans notre politique de lutte contre les cancers de l’enfant, de la relance de la recherche en oncologie pédiatrique à l’accompagnement social des parents, en passant par la prise en charge de la douleur et le droit à l’oubli des jeunes traités pour un cancer dans leur adolescence.
Notre commission a salué cette démarche, tout en regrettant les imperfections de la proposition de loi.
Les ambitions du texte ont en effet été revues fortement à la baisse par le Gouvernement. Les avancées effectives sont essentiellement au nombre de deux.
La première consiste en la prise en compte de la recherche sur les cancers de l’enfant dans la stratégie portée par l’INCa, dont l’horizon temporel et les appels à projets subséquents ont été allongés, afin de tenir compte du temps long que nécessite l’inclusion des patients mineurs dans les essais cliniques.
La seconde réside dans l’assouplissement des conditions du bénéfice du congé de présence parentale et de l’allocation journalière afférente. Ce sont des progrès dont l’ensemble des parties prenantes se félicitent.
En revanche, notre commission a déploré plusieurs occasions manquées. Elle reste d’ailleurs déterminée à faire avancer les choses sur ces sujets à l’occasion de l’examen d’autres textes.
Tout d’abord, l’article 2 avait le mérite de poser la question essentielle de l’accès des mineurs, en particulier des adolescents, aux essais cliniques de phase précoce.
On sait que les industriels sont encore peu enclins à étudier la pertinence de thérapies innovantes chez les adolescents, en mettant en avant le principe d’interdiction générale d’inclusion des mineurs dans des essais cliniques si ceux-ci peuvent être menés avec une efficacité comparable chez les adultes.
Ils font également valoir la dérogation du règlement pédiatrique européen de 2006, qui les dispense de plan d’investigation pédiatrique lorsque l’indication n’existe que chez l’adulte. Or les nouvelles thérapies ont la particularité de cibler des voies d’activation de tumeurs qui se retrouvent chez l’adulte comme chez l’enfant.
La rédaction proposée par le Gouvernement et retenue par l’Assemblée nationale ne change en réalité pas l’état du droit en vigueur. Remplacer « ne peuvent que si » par « peuvent seulement si » a un effet purement lexical. La tournure est positive, mais le droit ne change pas, même si on peut y voir une volonté d’affichage.
Sur le droit à l’oubli, l’Assemblée nationale a respecté le processus conventionnel qui préside à la convention AERAS. Nous nous en félicitons.
Toutefois, le délai prévu n’est contraignant que pour l’ouverture d’une négociation. En ne fixant pas de délai pour la conclusion de cette négociation, le texte n’astreint pas les partenaires à une obligation de résultat.
Nous pouvons comprendre une certaine prudence sur le sujet épineux de l’accès à l’assurance des personnes présentant un risque aggravé de santé. Nous resterons néanmoins particulièrement vigilants quant au déroulement de cette négociation.
Par ailleurs, l’article 1er bis est problématique. Nous gravons dans le marbre la présence au conseil d’administration de l’INCa de parlementaires.
Notre commission est réservée sur l’opportunité de cette disposition, qui alimente un mélange des genres, en plaçant des parlementaires potentiellement en situation de juge et partie : d’un côté, ils participeront à une instance décisionnelle avec d’importants pouvoirs d’agrément et d’attribution de financements, et seront donc organiquement liés à la gestion de l’INCa ; de l’autre, ils contrôleront l’activité de l’institut, le Parlement devant, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, se prononcer sur son niveau de financement. Il nous appartiendra à l’avenir de mettre un terme à ce type de confusion.
Sur le thème de la prise en charge de la douleur, la loi n’est sans doute pas le vecteur le plus opérationnel ; à notre sens, un nouveau rapport l’est encore moins.
La prise en charge de la douleur est d’ores et déjà une priorité du développement professionnel continu des professionnels de santé. Là encore, les leviers d’actions sont entre les mains du Gouvernement et des industriels.
D’une part, il appartient aux industriels de renforcer leurs efforts dans le développement d’antidouleurs adaptés, dans leur posologie et leur forme galénique, à l’enfant. Aujourd’hui, entre le paracétamol et la morphine, les alternatives font cruellement défaut.
D’autre part, le Gouvernement doit donner aux centres de cancérologie pédiatrique les moyens de développer en interne une véritable coordination de la prise en charge de la douleur, afin de prévenir ou d’alléger sa chronicité et d’assurer la continuité de la prise en charge avec la médecine de ville.
Les soins de support, en particulier l’accompagnement psychologique, doivent trouver toute leur place dans le parcours de soins des jeunes patients. Nous appelons à une prise en charge intégrale par l’assurance maladie du suivi de long terme des personnes traitées pour un cancer dans leur enfance ou adolescence.
Il s’agit non seulement de mieux gérer les conséquences des traitements sur la qualité de vie des jeunes adultes, mais également de garantir un suivi psychologique sur la durée. Les séquelles potentielles à l’âge adulte peuvent en effet se révéler lourdes et méritent d’être mieux anticipées : insuffisance cardiaque ou rénale, complications thyroïdiennes, mais aussi, bien souvent, troubles psychologiques.
Vous l’aurez compris, le texte n’est pas parfait et aurait pu faire l’objet d’améliorations. Chaque petit pas est précieux dans l’amélioration de la prise en charge des enfants et adolescents traités pour un cancer et de la situation de leurs parents.
Les avancées proposées par ce texte doivent se matérialiser le plus rapidement possible, dans l’intérêt de la recherche en oncologie pédiatrique, sujet qui, je le sais, tient particulièrement à cœur à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
La commission a donc adopté sans modification la proposition de loi, et invite le Sénat à l’adopter définitivement dans les meilleurs délais.